«Vieillir à deux, c’est mieux», assure Janette Bertrand qui deviendra centenaire mardi


Sarah-Émilie Nault
Dans cette généreuse entrevue, Janette Bertrand se confie sur la place de l'amour dans sa vie et l'importance de la vie à deux.
Question: Dans votre livre Cent ans d’amour, vous parlez de l’importance de rester positive dans la vie. Est-ce le secret de votre sérénité?
Janette Bertrand: «C’est très égoïste, mais ça embellit la vie. C’est une habitude à prendre, à regarder le beau côté des gens et des choses. C’est mon père qui m’a montré ça. Avant de juger, j’essaie très fort et ça fonctionne. Ça rend heureux, point. Ce genre de pensées se cultive. Si tu décides d’être heureux, il faut que tu décides de voir le beau côté des choses et des gens. Je pense qu’il faut aussi penser à soi en tant que personne qui lutte pour être heureuse et qui lutte pour vivre sa vie dans le plus de petits plaisirs que possible. L’amour des autres, l’amour de la famille, oui, l’amour. Tout cela, c’est un paquet de troubles, comme partir en voyage. Mais en vieillissant, il faut avoir du trouble [rires].»
Q: Vous écrivez aussi qu’il faut se donner le droit à l’erreur.
JB: «La perfection n’existe pas! On est des humains. Une grande chose à dire aux jeunes est qu’il faut se donner droit à l’erreur. Pourquoi on ne se tromperait pas? Toute ma vie, je me suis donné le droit à l’erreur. Je l’avoue quand je me trompe, je dis: «tu as raison, ce n’est pas bon, je vais recommencer». C’est tellement plus simple. Je n’ai pas beaucoup d’orgueil, je l’avoue. Je suis une risqueuse et si je me trompe, tant pis.»
Q: Vous avez déjà craint la solitude?
JB: «Non, je n’ai pas peur de ça, être seule, parce que je vais vers les autres. Je me fais de nouveaux amis. Je développe souvent des amitiés avec des personnes jeunes et vieilles, en allant vers eux. Si tu ne vas pas vers les autres, là tu vas être seul.»
Q: Quand vous êtes-vous rendu compte que cela pouvait être plaisant de vieillir?
JB: «J’ai eu la “chance”, à 20 ans, de faire de la tuberculose, à l’époque où c’était une pandémie et où il n’y avait aucun remède. J’ai passé dix mois dans un sanatorium privé, j’étais contagieuse et condamnée. Ma mère est morte de la tuberculose cette année-là, j’étais certaine que j’allais mourir. Puis mon père est venu me chercher en disant qu’il était tanné de cette maladie et il n’a plus jamais voulu en parler. J’ai eu une rechute, puis je m’en suis sortie en me disant: j’ai failli perdre la vie, donc ma vie est précieuse! Je tiens à la vie parce que je n’ai que ça. Je dois la vivre et avoir du fun jusqu’au bout.»
Q: La grande question: à votre âge vénérable, croyez avoir trouvé le sens de la vie?
JB: «Oh mon Dieu! Pour moi, le sens de la vie, c’est très simple: c’est la vie. On n’a qu’une vie à vivre! Tes parents te donnent la vie, et c’est toi qui te prends en main. Je ne suis pas philosophe. J’ai la vie, j’ai failli la perdre, je sais à quel point c’est précieux. Je l’ai donnée. Le sens de ma vie, c’est vivre le mieux possible et faisant plaisir aux autres et à moi-même le plus possible.»
Q: Justement, qu’est-ce qui vous fait plaisir?
JB: «Tant d’affaires! Que mon chum me fasse des frites le soir, la présence de mon fils et de mes filles, que des petites choses! Un cornet de crème à glace, ce n’est pas un manteau de fourrure de 5000$, ça n’a rien à voir. Ce sont les petits plaisirs de la vie: un téléphone de ma fille, voilà ce qui me fait plaisir.»
Q: Vous célébrez plus de 40 ans de vie commune avec votre partenaire, Donald, ce n’est pas rien! Vous parlez d’amour, mais aussi d’adaptation.
JB: «Ça, c’est une chance, d’être tombée sur quelqu’un d’extraordinaire. Une personne qui me fait une vieillesse heureuse, qui prend soin de moi, qui est toujours là pour moi. Je suis très chanceuse, même si ma chance, je l’ai faite un peu. Quand je suis tombée amoureuse de lui, il avait 20 ans de moins que moi. J’aurais pu me dire: que vont dire mes enfants? Ou que c’était complètement fou. Mais non. Je me suis embarquée là-dedans en ne pensant pas à mon âge, et cela fait 40 ans. Je viens d’écrire une chanson pour Patrick Norman qui s’appelle Vieillir à deux, c’est mieux. Il a adoré cela. Vieillir à deux, c’est mieux, mais ça demande des ajustements et de l’adaptation.»
- Cent ans d’amour, le 14e livre de Janette Bertrand, se trouve dans les librairies.