Enseignante voilée retirée de sa classe: Québec renvoie la balle aux élus fédéraux


Patrick Bellerose
Devant les accusations de discrimination après qu’une enseignante ait dû cesser d’enseigner en raison de son voile, le ministre Benoit Charette a renvoyé la balle aux élus fédéraux sur le bilan canadien en matière de racisme.
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«Certains aiment bien juger les autres et ça leur permet d’oublier ou de mettre de côté leur propre bilan en la matière. Donc, je ne m’arrête pas aux perceptions des autres», a commenté vendredi le ministre responsable de la Lutte contre le racisme. M. Charette n’a pas souhaité dresser une liste des éléments à charge dans le bilan canadien.
Même si la loi 21 a été adoptée il y a déjà deux ans, l’enseignante d’une école primaire anglophone de Chelsea, en Outaouais, est devenue jeudi la première personne connue à devoir quitter ses fonctions en raison de l’interdiction de signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité. Elle demeure à l’emploi de la commission scolaire Western Quebec, où elle travaillera sur «l’inclusion».
Plusieurs élus libéraux à Ottawa ont dénoncé cette situation. «Ce type de discrimination ne reflète pas la société québécoise dans laquelle je veux vivre», a notamment déclaré le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller.
«Il est temps que les politiciens se lèvent pour défendre ce qui est juste. Il faut s’opposer au projet de loi 21. Au tribunal, à la Chambre des communes et dans les rues», a également commenté le député conservateur Kyle Seeback.
Malgré tout, Benoit Charette s’est dit convaincu que «la société québécoise est une des plus tolérantes». «Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problématique de racisme, on l’a vu encore hier avec le bilan qu’on a fait, mais franchement le Québec est une société plus qu’accueillante», a dit Benoit Charette, en faisant référence au bilan des actions de son gouvernement en matière de lutte au racisme présenté la veille.
- Écoutez le commentaire de Richard Martineau au micro de Benoit Dutrizac, sur QUB radio:
Embauchée malgré la loi
Questionné en marge d’un bilan de fin de session, le premier ministre François Legault a fait valoir que la loi doit être respectée. «La commission scolaire n’aurait pas dû embaucher cette personne-là, dit-il. Donc, moi je vis bien avec le choix qu’on a fait, comme la France l’a fait, comme d’autres pays l’ont fait : le choix de la laïcité, de dire il y a une séparation, quand les personnes sont en autorité, ils ne peuvent pas porter de signes religieux.»
Son ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a tenu un discours similaire. «Je m’explique mal que la commission scolaire ait embauché quelqu’un en contravention de la loi, mais ça a été régularisé», a-t-il brièvement déclaré.
Comme le clergé catholique
Pour Benoit Charette, la loi 21 s’inscrit dans un processus historique de laïcisation du Québec.
«Il y a bien des gens qui perdent de vue l’histoire du Québec. La laïcisation de la société québécoise n’a pas commencé avec le projet de loi 21, dit-il. Si on remonte aux années fin 1950, début 1960, avec le clergé à qui on a imposé des restrictions au niveau de leur présence ou de leur habillement en classe... des décennies après, la laïcisation des commissions scolaires.»
«Donc, ce n’est pas un processus qui est nouveau, a-t-il ajouté. Et ce n’est certainement pas un processus qui vise une religion en particulier. Quand je vous parle des années 1960, c’est essentiellement le clergé catholique qui était visé.»