La courbe d’apprentissage de Mélanie Joly ne sera pas facile
Sa nomination comme ministre des Affaires étrangères inquiète des spécialistes


Anne Caroline Desplanques
OTTAWA | Mélanie Joly aura des croûtes à manger pour faire sa place aux Affaires étrangères et convaincre qu’elle a le profil de l’emploi, estiment des experts en relations internationales, inquiets du changement constant de ministre à ce poste stratégique.
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« Son bagage en droit va lui être utile, ainsi que son passage à la Francophonie, mais la courbe d’apprentissage va être raide », prévient l’ex-ambassadrice à l’ONU, Peggy Mason, maintenant présidente de l’Institut Rideau.
La nomination surprise de Mme Joly à la tête de la diplomatie canadienne a reçu un accueil mitigé. La députée d’Ahuntsic-Cartierville est certes très proche du premier ministre et est une organisatrice politique précieuse pour son parti. Mais elle n’a pas « l’envergure » pour revoir notre politique étrangère, cingle Jocelyn Coulon, ex-conseiller à Affaires mondiales Canada.
- Écoutez l'entrevue de Jocelyn Coulon avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:
Il souligne que ceux qui sont à la hauteur sont « habituellement des gens qui ont un bagage important en relations internationales ».
Le ministre français des Affaires étrangères, en poste depuis 2017, évolue par exemple sur la scène internationale depuis les années 1990. Ex-ministre de la Défense, il a géré l’engagement militaire au Liban et en Irak, le retrait d’Afghanistan, l’intervention au Mali et la stratégie de cybersécurité.
Portes tournantes
C’est surtout le manque de stabilité qui inquiète. Justin Trudeau a nommé cinq ministres différents à ce poste depuis 2015, soit plus que tous nos alliés du G7 au cours de la même période.
« Ça envoie le message d’un ministère instable, qui n’est pas considéré par le premier ministre », gronde M. Coulon.
« Les portes tournantes aux Affaires étrangères, c’est regrettable », renchérit Mme Mason, déçue du départ de Marc Garneau qui, selon elle, avait en peu de temps saisi beaucoup de grands enjeux et fait des progrès considérables.
Elle explique que les dossiers qu’aura à gérer Mme Joly sont extrêmement complexes et requièrent un long apprentissage. Il lui faudra aussi tisser des liens au sein de la diplomatie canadienne et au-delà, ce qui prend du temps.
Diplomatie fragilisée
Mme Joly a indiqué prendre ses fonctions avec « humilité » mardi et a souligné qu’elle fera équipe avec le corps diplomatique « parmi les meilleurs au monde, sinon le meilleur au monde ».
Mais la diplomatie canadienne est « drastiquement fragilisée » depuis les années Harper et rien n’a été fait par les libéraux pour changer la donne, selon Mme Mason.
« Plusieurs diplomates seniors ont pris leur retraite et la moitié du ministère est plein de gens qui n’ont aucune expérience internationale », s’inquiète-t-elle.
– Avec Guillaume St-Pierre
Sa liste de devoirs
- Crise humanitaire en Afghanistan
- Regain de protectionnisme américain
- Blocage de la ligne 5 du pipeline d’Enbridge au Michigan
- Impérialisme chinois et tensions sino-américaines
Ses prochains grands rendez-vous
Décembre : sommet pour la démocratie organisé par Washington, comme un défi lancé à la Chine et une alternative au traditionnel rendez-vous du G20. Comment se positionnera le Canada ?
Janvier : conférence d’examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. Pour aller plus loin, 50 pays ont signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en janvier 2021, mais pas le Canada. Le gouvernement changera-t-il d’avis ?