L'hiver arrive: voici 10 traditions québécoises d'antan

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)
Avec l’arrivée du temps froid, on aime s’installer confortablement à l’intérieur. Cet état d’esprit nous vient peut-être de nos ancêtres qui, à l’exception des hommes qui partaient aux chantiers, ralentissaient leurs activités l’hiver venu. Jetons un coup d’œil à 10 traditions associées à cette période de l’année.
1) La Toussaint (1er novembre) et le Jour des morts (2 novembre)
![Cimetière et église de Notre-Dame-de-Providence [Notre-Dame-des-Pins], 24 octobre 1975.](https://www.qub.ca/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F03Q_E10S44SS1D75_681PE45f560e2a-6ac3-432a-b3ef-592f97ef456c_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
L’origine de la Toussaint remonte au début du christianisme. Elle a été créée pour commémorer les martyrs dont on ignore le nom. Par la suite, tous les saints n’ayant pas leur propre journée au calendrier liturgique seront fêtés le 1er novembre. Le choix de cette date permet de rapprocher la Toussaint d’une fête païenne particulièrement célébrée dans les pays celtes, qu’on appelle aujourd’hui Halloween.
À l’occasion de la Toussaint, les écoles sont fermées et les travailleurs sont en congé. Il est cependant primordial d’assister à la messe ce jour-là. Il est aussi bien vu de se recueillir au cimetière sur les tombes des parents décédés.
Le Jour des morts apparaît quelques siècles plus tard pour commémorer tous les défunts. Dans plusieurs paroisses, on procède à la criée pour les âmes après la messe. Un crieur met à l’enchère différents biens apportés par les paroissiens. Les profits servent à faire chanter des messes pour les défunts afin qu’ils reposent au paradis.
2) La Sainte-Catherine (25 novembre)
![Marguerite Bourgeoys [copie], 1948.](https://www.qub.ca/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F06M_P48S1P1642377efac47-8e28-4b06-9af1-8fa268e6e35b_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Sainte-Catherine est la patronne des jeunes filles. Une vieille coutume veut que l’on coiffe les statues dans les églises lors de cette fête célébrée le 25 novembre. L’honneur de coiffer la statue de cette sainte revient alors à une jeune fille.
C’est de cette tradition que vient l’expression «coiffer la Catherine», utilisée pour taquiner les femmes célibataires âgées de plus de 25 ans. Pourtant, cette fête n’est pas dédiée au célibat. Elle est célébrée dès l’époque de la Nouvelle-France. Les festivités atteignent leur apogée au XIXe siècle. Un repas copieux est servi et la soirée est consacrée à la danse.
On ne peut pas parler de la Sainte-Catherine sans mentionner la tire du même nom. La légende veut que ce soit Marguerite Bourgeoys qui ait inventé la recette pour attirer les enfants dans son école. Il semble que le nom de ce bonbon vienne du fait que le mélange de sucre refroidi est étiré jusqu’à ce qu’il blondisse.
3) Les boucheries

Pour l’agriculteur, faire boucherie découle de deux nécessités. La première, nourrir sa famille. Quant à la seconde, c’est que les rendements des récoltes sont souvent maigres et ne permettent pas de nourrir plusieurs animaux pendant l’hiver. Cette seconde nécessité s'est fait moins sentir avec le temps grâce à l’amélioration des techniques agricoles.
Pour faire boucherie, il faut attendre que le froid soit bien installé avant l’abattage des animaux. La viande pourra ainsi se garder tout au long de l’hiver. Bien que tous les animaux de la ferme puissent être mangés, c’est la viande de porc qui est la préférée. Cette dernière a la réputation de se conserver longtemps en saumure. La viande qui n’a pas été salée est congelée par le froid ambiant. Avec l’apparition des techniques de mise en conserve, les pièces de viande restantes sont apprêtées avant le dégel du printemps.
Nos ancêtres utilisent l’ensemble des ressources mises à leur disposition. C’est aussi le cas lors des boucheries. Par exemple, le cuir est récupéré pour être tanné et ensuite servir à la fabrication de chaussures et de certaines pièces d’attelage. Le gras, surtout celui du bœuf, sert à la fabrication de chandelles.
4) Les chantiers

C’est à partir du XIXe siècle que l’exploitation forestière prend de l’expansion dans la province. Les grands marchands de bois privilégient l’hiver pour pratiquer cette activité. Ils peuvent ainsi accumuler les billes de bois le long des rivières et profiter de la crue printanière pour les faire descendre vers les moulins ou même les ports en vue de leur exportation.
Un autre point à ne pas négliger: la main-d’œuvre agricole est disponible à cette période de l’année et a souvent besoin d’un apport financier supplémentaire. Certains exploitent le boisé de leur ferme et vendent la récolte de l’hiver à un prix convenu avec le marchand. Cependant, la grande majorité des hommes doivent partir plusieurs mois, les chantiers de coupe étant de plus en plus éloignés des régions habitées.
Le travail dans les chantiers forestiers est difficile. Les journées sont longues et éreintantes. Les dimanches sont les seules journées de congé. Les bûcherons doivent abattre les arbres, les émonder avant de les porter à la rivière en empruntant les chemins qu’ils ont préparés et entretenus. L’équipement sera pendant longtemps rudimentaire. De nos jours, il nous reste un riche imaginaire lié à ces anciennes méthodes d’exploitation forestière.
5) La production de sapins de Noël

La production de sapins de Noël pour l’exportation est une activité agricole qui remonte à presque 100 ans. Au départ, les forêts naturelles du sud du Québec sont exploitées. Mais rapidement, les réserves de sapins facilement accessibles deviennent plus rares. De plus, les consommateurs sont de plus en plus exigeants et demandent des arbres de qualité.
Les producteurs sont donc encouragés à utiliser les terres impropres à la culture de céréales pour planter des sapins. Avec les années, des producteurs agricoles en font leur gagne-pain. Les arbres sont semés en pépinière et plantés dans les champs lors de la troisième année.
Pour produire un arbre bien fourni, une taille annuelle est nécessaire, et ce, jusqu’à l’année précédant la coupe. Selon la grosseur des sapins vendus, il faut attendre de 8 à 15 ans avant qu’ils soient prêts pour la récolte. Les producteurs doivent aussi assurer un contrôle parasitaire régulier.
Traditionnellement, les arbres sont exportés par train vers les grands centres urbains des États-Unis. Par la suite, le transport par camion sera privilégié. Si le marché américain est aujourd’hui encore le plus important, des arbres sont aussi exportés en Amérique centrale et en Amérique du Sud.
6) Le déneigement

Le déneigement est une activité incontournable de nos hivers québécois. Si, aujourd’hui, on peut circuler facilement en voiture pendant tout l’hiver sur des routes déneigées et entretenues par la voirie publique, ce ne fut pas toujours le cas.
À l’origine, chaque propriétaire est responsable d’entretenir le chemin public longeant sa propriété, et ce, en toute saison. En hiver, cela veut dire taper la neige à l’aide de rouleaux et de gros madriers tirés par des chevaux pour permettre la circulation en carriole. En milieu urbain, il faut aussi déneiger les trottoirs.
L’arrivée de l’automobile vient bouleverser ces méthodes, si bien qu’à partir de 1928, le gouvernement s’occupe de déneiger certains tronçons interurbains. Toutefois, il faut attendre après la Seconde Guerre mondiale pour voir cette pratique se généraliser.
Avec le temps, des patenteux québécois ont développé diverses solutions pour se débarrasser de la neige plus efficacement. On peut penser à l’invention de la souffleuse à neige par monsieur Sicard ou encore à cette pratique discutable qui consistait à jeter la neige dans le fleuve lors des opérations de déneigement.
7) Noël

La fête de Noël se passe presque de présentation. Elle est, depuis fort longtemps, la fête religieuse la plus populaire. Or, les festivités de nos ancêtres sont bien différentes de celles que l’on connaît aujourd’hui. Elles sont précédées d’une période de prières et de pénitences appelée l’avent, qui commence quatre dimanches avant Noël.
Chez nos ancêtres, les décorations n’apparaissent souvent que la veille de Noël. La fête elle-même débute par la messe de minuit. De retour à la maison, la famille prend un repas: le réveillon. Si des cadeaux sont offerts, ils seront distribués le matin de Noël. Ils sont souvent modestes et faits à la maison. Traditionnellement, les festivités se déroulent avec les membres de la maisonnée seulement.

D’autres fêtes religieuses sont célébrées dans les jours suivant Noël, la plus connue étant probablement l’Épiphanie (ou la fête des Rois). Elle symbolise pour plusieurs la fin du temps des fêtes et le retour à une vie plus tranquille.
8) Le jour de l’An

La tradition universelle qui consiste à marquer le passage d’une année à l’autre remonte à plusieurs centaines d’années. Pour nos ancêtres, le jour de l’An est la célébration la plus festive du temps des fêtes. L’on reçoit ou l’on visite la famille élargie.
Une coutume qui s’est perdue dans les dernières décennies est la bénédiction paternelle. Au nom de ses frères et sœurs, l’aîné de la famille en fait la demande auprès de son père. C’est un moment d’une grande solennité. Le père bénit ses enfants et leur offre ses souhaits de santé et de prospérité. Ils assistent ensuite à une messe dans la matinée.
Pour plusieurs familles, le matin du jour de l’An est le moment de la distribution des cadeaux, appelés aussi étrennes, aux enfants. Ces derniers reçoivent un modeste présent: des friandises ou une orange. Avec l’industrialisation et le commerce qui prospère, des jouets seront offerts dans les familles mieux nanties.
Le dîner et souvent le souper sont servis à la famille et aux amis de passage. Les victuailles sont préparées avec la viande de boucherie apprêtée les semaines précédentes: boudin, pâtés à la viande et ragoût de pattes sont généralement au menu. Il ne faut pas oublier quelques plaisirs sucrés, comme les beignes ou la tarte aux raisins. Un après-midi, puis une veillée à raconter des histoires et à danser permettent de continuer les festivités.
9) Le tissage, le tricot, la couture et le tressage

Les femmes de la maisonnée ne chôment pas l’hiver. C’est pendant cette saison qu’elles ont le plus de temps à consacrer au travail de la laine et des tissus. Le lin et la laine nécessaires à la confection des vêtements, de la literie et autres linges de maison sont préparés et tissés à domicile.
S’ensuivent des travaux de coupe et de confection de vêtements pour tous les membres de la famille, soit à partir de tissus fraîchement tissés, soit à partir de vêtements familiaux recyclés. Ces travaux seront longtemps faits à la main. C’est vers la fin du XIXe siècle qu’apparaissent les machines à coudre dans les maisons. On comprend un peu mieux pourquoi la garde-robe de nos ancêtres était plus limitée que la nôtre!
Pour se garder au chaud, on tricote bas, tuques, foulards et mitaines. L’hiver est aussi le bon moment pour faire des courtepointes. Des femmes se réunissent afin d’assembler des bouts de tissus récupérés sur des vêtements usés pour faire le dessus de la courtepointe. Plusieurs épaisseurs de tissus sont ensuite piquées ensemble pour en faire une couverture bien chaude.
Lors de la récolte des céréales, plus particulièrement du blé, de belles tiges sont conservées pour être ébouillantées, puis blanchies au soleil. Une fois sèches, elles sont conservées précieusement jusqu’à l’hiver. C’est à ce moment qu’elles sont tressées pour en faire des chapeaux de paille qui serviront l’été suivant.
10) Les veillées

C’est pendant l’hiver que nos ancêtres ont le plus d’occasions de socialiser. Les travaux étant moins nombreux et moins pressants, il s’agit de la saison idéale pour se rassembler chez l’un ou chez l’autre, spécialement entre la fête des Rois et le carême où, pénitence oblige, les festivités sont proscrites.
Si ces rassemblements comptent parfois un repas, on se réunit particulièrement pour danser. Le violoneux est alors le centre de l’attention. Quelques volontaires l’accompagnent à la cuillère. Au besoin, un «calleur» se joint au violoneux pour crier les figures à danser.
Des vieilles danses françaises de la Nouvelle-France en passant par la gigue et les fameuses danses carrées, apprises auprès des immigrants britanniques, ces soirées sont variées. Les danses carrées sont exécutées par quatre couples, disposés, le nom le dit, en carré. Des versions en ligne ou en cercle existent aussi pour accommoder plus de danseurs.
Nos ancêtres sont également friands de veillées de chants, dont un pan du répertoire est publié dans de nombreux cahiers édités par La Bonne Chanson et l’abbé Gadbois. Si un bon conteur se trouve parmi les invités, une partie de la soirée est consacrée aux plus belles pièces de son répertoire.
Un texte d’Annie Labrecque, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
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Sources
- DURAND, Guy, Fêtes, traditions et symboles chrétiens – Pour comprendre la culture québécoise, Montréal, Fides, 2014, 273 p.
- LABELLE, Alain, Nourrir le Québec – Les sapins de Noël, Québec, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Télé-Capitale, 1981, numérique, 24 min.
- LABERGE, Yves, «La voirie et les chemins d’hiver – 1928 les premiers essais», Cap-aux-Diamants, no 111, automne 2012, 9. 49-51.
- PROVENCHER, Jean, Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, 2e éd., Montréal, Boréal, 1996, 605 p.