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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

«On savait que ça arrivait»: pro-Trump, les agriculteurs américains piégés par la guerre commerciale

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6 avril à 9h23
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Déjà plombés par des cours déprimés, les agriculteurs américains craignent de voir leurs exportations chuter après l’instauration de nouveaux droits de douane par Donald Trump, pour qui ils ont massivement voté l’an dernier.

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«On savait que ça arrivait, explique Jim Martin, qui cultive du soja et du maïs dans l’Illinois (nord). On s’inquiète de savoir comment tout ça va se résoudre.»

Les États-Unis ont mis en place samedi une taxe universelle de 10% sur leurs importations, qui s’ajoute aux droits déjà en vigueur.

Dès mercredi, le gouvernement Trump va encore les relever pour plusieurs dizaines de pays, dont la Chine, lestée de 34% supplémentaires.

La Chine a riposté dès vendredi et imposé le même montant de droits de douane aux produits américains, une mesure qui entrera en vigueur jeudi.

L’an dernier, l’agriculture américaine a exporté pour 24,6 G$ de sa production vers la Chine, son troisième partenaire commercial derrière le Mexique et le Canada.

Le soja pèse, à lui seul, pour plus de la moitié du total (52%), très loin devant le bœuf (6%) et le coton (6% également).

Les agriculteurs ont encore en mémoire le premier mandat de Donald Trump et les 25% assignés en 2018 au soja américain par la Chine pour répondre à une première salve protectionniste des États-Unis.

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Les exportations de l’oléagineux en Chine ont dégringolé de 75% cette année-là.

Pour compenser une partie des 27 G$ de chiffre d’affaires perdus à l’export, le ministère de l’Agriculture a injecté 23 G$ d’aide en 2018 et 2019.

Les électeurs des 444 comtés américains considérés comme dépendants de l’agriculture n’en ont pas moins voté à 78% pour Donald Trump à la présidentielle de novembre dernier, soit plus encore qu’en 2016 (73%).

«Le président a dit que ça irait mieux à long terme, observe Jim Martin, donc il faut qu’on décide à quel point on est prêts à patienter.»

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Double peine

Le tour de vis sur les tarifs douaniers intervient à une période où les cours du soja sont déjà proches de leur plus bas depuis 2020, lestés par une production et des stocks abondants.

Avant même ce début de guerre commerciale, le soja américain était déjà en mauvaise posture face à son concurrent brésilien, aidé par le dollar fort.

En 2015, les deux géants de la glycine max, le nom scientifique du soja, étaient encore au coude-à-coude sur le front de l’export.

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Cette année, le Brésil devrait vendre à l’étranger plus du double de son rival (105 millions de tonnes contre 50), qui piétine depuis 10 ans.

La position du Brésil a encore été renforcée par l’ouverture, en novembre, du terminal portuaire géant de Chancay, au Pérou, financé par un opérateur chinois et qui va faciliter l’exportation vers la Chine de denrées alimentaires.

«Il va y avoir encore moins de raisons d’acheter du soja américain, anticipe Michael Slattery, qui cultive maïs, soja et blé dans le Wisconsin (nord). C’est moins cher de l’acheter au Brésil, de très loin.»

«La perte de ce marché [la Chine] est un gros coup dur, parce qu’il est très coûteux de trouver d’autres acheteurs», prévient Christopher Barrett, professeur à l’Université de Cornell.

En 2018, Donald Trump ne s’en était pris qu’à la Chine. Cette fois, il a relevé les droits de douane de tous ses partenaires commerciaux, ce qui pourrait amener d’autres pays à répliquer, souligne l’universitaire.

Pour les exportateurs, la passe d’armes entre États-Unis et Chine est une double peine.

Leurs ventes risquent d’être pénalisées, tandis que «les droits de douane vont augmenter le coût de leurs approvisionnements», de l’outillage aux engrais, met en exergue la Fédération paysanne américaine.

«[C’est] un bouleversement majeur de l’ordre international», décrit Michael Slattery.

«J’ai essayé de vendre autant de soja et de maïs que je pouvais, dit-il, avant que Trump n’annonce combien il allait appliquer de droits de douane.»

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