Tombes anonymes: des fouilles exigées près de l’ex-Royal Vic


Nora T. Lamontagne
Des femmes mohawks réclament que la restauration de l’ancien hôpital Royal Victoria, à Montréal, soit mise sur pause tant que des fouilles archéologiques de tombes anonymes n’y sont pas menées.
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«Tout le terrain devrait être considéré comme une scène de crime potentielle», affirme Okwaraken, responsable média pour les «mères mohawks» (kanien'kehá:ka kahnistensera).
Ces dernières craignent que des dépouilles de patients — autochtones ou non — se trouvent près de la piscine désaffectée qui borde l’Institut Allan Memorial, à un jet de pierre du projet du «Nouveau Vic» de l’Université McGill.
C’est que de 1957 à 1964, des expériences cruelles et tenues secrètes ont été effectuées dans cet institut sur des participants non consentants dans le cadre des «Montreal Experiments», financées par la CIA.
Le psychiatre Donald Ewen Cameron y administrait entre autres à ses patients du LSD et des chocs électriques à répétition dans l’espoir de contrôler leur esprit et leur comportement.
L’une d’entre elles, Lana Ponting, se souvient d’avoir discuté avec une femme autochtone et plusieurs enfants victimes de ces traitements lors de son séjour en 1958.
«Il y avait des rumeurs comme quoi la piscine a été construite pour cacher des corps [...] Je suis convaincue qu’il en a qui sont enterrés là», lit-on dans la retranscription de son témoignage dans le mémoire des Mères mohawks soumis à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).
Dans ce document qui sera déposé le 10 novembre prochain, le groupe de femmes autochtones exige que des fouilles à l’aide d’un radar soient effectuées pour en avoir le coeur net avant de commencer les travaux.
«C’est à McGill de prouver que personne n’est mort [des suites de ces expériences et enterré à proximité]», souligne Okwaraken.
Du côté de l’université, on réfère à une étude sur le potentiel archéologique datant de 2016 qui a jugé «peu probable» que des restes humains se trouvent sur le site du «Nouveau Vic».
«McGill n'a aucune preuve ou information voulant que les expériences menées à l’institut Allan Memorial dans les années 50 et 60 aient eu un quelconque rapport avec la présence d'Autochtones», ajoute la porte-parole Cynthia Lee.
Au-delà des fouilles, les mères mohawks dénoncent les décisions unilatérales de l’université concernant son campus qu’elle reconnait pourtant être située en territoire mohawk non cédé.
«Ils ont besoin de notre permission [pour les travaux] et ils ne l’ont jamais demandée», insiste Kahentinetha, une aînée de Kahnawake du clan de l’Ours.
L’université McGill avance plutôt avoir tenu une douzaine de rencontres avec des représentants des Premières nations depuis le début de l’année pour les impliquer dans le projet.
Les consultations de l’Office de consultation publique concernant le «Nouveau Vic» se termineront en novembre. L’organisme déposera ses recommandations début 2022, après quoi les travaux pourront commencer.