«Tout le monde aime Clara»: David Foenkinos explore le mystère de la voyance dans son nouveau roman


Karine Vilder
Dans son touchant nouveau roman, l’écrivain français David Foenkinos nous parle de voyance et d’un amour qui aurait pu ne pas être très bien vu.
Un truc dont on est sûr, c’est qu’à peu près tout le monde va aimer Tout le monde aime Clara. En partie parce qu’avec ce 20e roman, l’écrivain français David Foenkinos a pour la première fois osé aborder de front l’ésotérisme, un sujet qui lui est cher.
«Les forces de l’esprit, les signes de la vie, l’astrologie, la numérologie... Toutes ces choses-là sont pour moi assez importantes, précise-t-il lors de l’entretien qu’il nous a accordé au début du mois. La naissance de la voyance me passionne et pour pouvoir écrire ce livre, j’ai rencontré pas mal de voyants. Pas pour qu’ils me prédisent mon avenir, mais pour qu’on m’explique comment ça débutait, comment la voyance arrivait dans une vie.»
Pour Clara, 17 ans, ce sera à la suite d’un grave accident qui va la plonger dans le coma pendant des mois. Car de ce coma, elle rapportera un don assez perturbant: celui de voir, grâce à des visions ou à des intuitions très fortes, ce qui attend les gens qui l’entourent ou ce qu’elle peut faire pour les aider.
«Le coma, le réveil, la voyance... Une part de moi trouvait ça ringard comme sujet, et ça explique un peu pourquoi j’ai longtemps attendu avant d’en parler dans un livre, poursuit David Foenkinos. Mais j’ai moi aussi été hospitalisé au même âge pendant de longs mois. J’ai développé non pas des dons de voyance, mais l’imagination, puisque je me suis mis à ce moment-là à avoir des idées et à écrire. Souvent, au sortir d’un coma ou au sortir d’une frontière de l’extrême, on déverrouille sa sensibilité, on a accès à des choses différentes. J’y crois parce que d’une certaine manière, je l’ai vécu.»
Une figure de l’ombre
Bref, Clara va se réveiller différente. Et au fil des pages, on découvrira toutes les difficultés qu’elle devra ensuite surmonter. Mais c’est sans compter sur la touche Foenkinos, qui nous amènera également à côtoyer un certain Eric Ruprez. L’homme, qui n’a publié qu’un unique roman depuis longtemps introuvable en librairie, anime l’atelier d’écriture dans lequel a choisi de s’inscrire Alexis Koskas, le père de Clara. Pendant que sa fille était dans le coma, il a en effet ressenti le besoin de mettre en mots ses émotions, son ressenti. Sauf que pour ça, encore faut-il savoir comment. D’où son inscription.
Pour en revenir à Ruprez, il est pour ses élèves un véritable mystère. Parce qu’il n’a jamais publié de second roman et qu’on en ignore la raison, et parce qu’il est, comment dire... parce qu’il est complètement éteint. Comme si plus rien ne l’intéressait réellement.
«Moi, je me sentais beaucoup plus heureux avec Eric, souligne David Foenkinos. Il m’intéressait, j’aimais cette figure de l’ombre énigmatique, ce personnage à la fois assez touchant et insupportable. J’aimais bien le côté mythe de l’écrivain qui a écrit il y a 40 ans un livre aujourd’hui épuisé, et dont on estime qu’il y aurait peut-être la clé de son chemin littéraire dedans. Alors je l’ai développé de plus en plus.»
Sculpter l’amour
Autrefois, cet éternel primo-romancier aurait connu l’amour, le vrai, celui qui rend toute autre relation presque incolore. Le genre d’amour qu’aurait aussi connu le sculpteur William Wetmore Story au XIXe siècle: à la mort de sa femme Emelyn, il a travaillé pendant huit mois de manière obsessionnelle sur L'Ange du chagrin, la sculpture qui sera à la fois le tombeau de sa femme et le sien.
«La découverte de cette statue a été assez déterminante pour moi, explique David Foenkinos. D’ailleurs, c’est la première fois que je mets une illustration dans l’un de mes livres, alors que j’ai déjà parlé de peinture dans beaucoup de mes romans. Là, ça me paraissait très important de la voir, de la ressentir, parce qu’elle est la tonalité un peu générale du livre et des histoires d’amour qui se composent.»
«Elle m’a absolument bouleversé, cette sculpture, ajoute-t-il. Cette forme de postérité amoureuse est émouvante. En même temps, je ne sais pas pourquoi, je ne voyais pas ça comme quelque chose de douloureux, de tragique. Je trouvais qu’il y avait beaucoup de beauté dans cette énergie-là. C’est assez marrant parce que cette statue se trouve dans le cimetière non catholique de Rome, un cimetière que personne ne va visiter. Mais là, le livre a fait un démarrage très important en France et je reçois beaucoup de messages de lecteurs qui sont partis pendant les vacances de février à Rome et qui sont allés envahir ce cimetière. Les gens qui y travaillent doivent se demander ce qui se passe!»

Tout le monde aime Clara
David Foenkinos
Éditions Gallimard
208 pages