Tous les profs du Québec devraient être évalués tous les deux ans, suggère le plan d’action de l’école Bedford
Certaines recommandations seront appliquées à toutes les écoles du Centre de services scolaire de Montréal

Dominique Scali
Tous les enseignants de la province devraient être évalués par leur direction d’école tous les deux ans afin de ne plus laisser traîner les problèmes d’incompétence, suggère le plan d’action des deux observateurs déployés à l’école Bedford.
«Le but, ce n’est pas de coincer nos enseignants. C’est qu’ils soient confiants de ce qu’ils enseignent», explique Isabelle Gélinas, directrice générale du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM).
Depuis octobre, deux «accompagnateurs indépendants» ont été dépêchés par le ministère de l’Éducation à l’école Bedford, qui a fait l’objet d’un rapport explosif ayant mené à la suspension de 11 enseignants.
Ce rapport d’enquête révélait qu’un clan d’enseignants y avait instauré un climat toxique. Certains négligeaient certaines matières ou disciplinaient leurs élèves en les dénigrant, par exemple. Des manquements à la laïcité avaient aussi été rapportés.
«Imputabilité»
Le Journal a obtenu copie du plan d’action composé par ces deux observateurs indépendants, qui ont pour mandat d’accompagner l’école pour y rétablir un climat sain.
Dans l’introduction, les accompagnateurs expliquent vouloir ramener une certaine «imputabilité», qui se serait perdue en raison de la «rigidité» qui vient avec les conventions collectives.
La première partie du plan énumère une série d’actions visant spécifiquement Bedford ou le CSSDM. On y trouve, par exemple, l’idée de «clarifier la différence entre discipline et violence, bienveillance et laxisme, difficultés d’apprentissage et paresse intellectuelle».
Le rapport avait en effet révélé que des enseignants avaient tendance à nier les besoins particuliers de certains élèves en les qualifiant plutôt de «paresse ou de caprice.»
Changer la loi
Dans une deuxième partie, les deux experts offrent des recommandations qui pourraient s’appliquer à l’ensemble du Québec et dont plusieurs nécessiteraient de modifier la Loi sur l’instruction publique.
Dans le tableau sur la compétence des professeurs, ils suggèrent d’obliger la direction à faire une «évaluation formative» de chaque enseignant tous les deux ans. Actuellement, rares sont les enseignants qui sont régulièrement évalués.
Ils suggèrent aussi d’interdire toute activité religieuse pendant les heures de classe ou après celles-ci et «d’évaluer la possibilité d’intégrer dans la loi l’obligation de parler français dans tous les espaces de l’école».
Il n’a pas été possible de savoir si le ministre Bernard Drainville a l’intention d’aller de l’avant avec certaines de ces recommandations. Dans une déclaration écrite, il affirme que le contenu du plan d’action va «guider» ses travaux.
«La sécurité et le bien-être de nos élèves, c’est non négociable. Toutes les options sont sur la table», écrit-il.
«Électrochoc»
Pour Isabelle Gélinas, Bedford aura été un «électrochoc» qui servira d’impulsion à un changement de culture à la grandeur du CSSDM.
«Notre objectif, c’est que tout ce qui s’appliquait à Bedford [comme recommandations] s’applique dorénavant dans toutes les écoles. On va systématiser tout ça.»

La plupart des actions spécifiques à Bedford sont déjà en place ou sont en cours d’implantation, indique celle qui accueille favorablement le plan.
Par exemple, la direction a rapidement été libérée de certaines tâches administratives afin de se concentrer sur «son rôle de leader pédagogique». Les enseignants ont maintenant des rencontres de supervision avec la direction, comme le suggère le plan d’action.
Le plus gros défi pour arriver à concrétiser tout cela: la pénurie de personnel, qui touche autant les directions d’école que les enseignants, avoue Mme Gélinas.
Reste que depuis le scandale de l’automne, beaucoup de choses ont changé à l’école Bedford. La moitié du personnel enseignant a été renouvelé, ce qui a grandement changé la dynamique, explique-t-elle.
QUELQUES EXTRAITS DU PLAN D’ACTION
Qui s’appliqueraient à tous:
- «Introduire dans la Loi sur l’instruction publique [...] l’obligation pour la direction de procéder à une évaluation formative de chaque enseignant aux deux ans, soutenu par un expert au besoin.»
- «Clarifier les concepts de culture et de religion, qui s’entremêlent et alimentent les tensions.»
- «Instituer un “conseil pédagogique”, présidé par la direction de l’établissement (leader pédagogique), regroupant un enseignant par cycle ainsi que des professionnels et du personnel de soutien impliqué dans le suivi des élèves.»
- «Prévoir un article dans la loi interdisant toute manifestation ou activité d’ordre religieux dans l’école que ce soit pendant ou après les heures de classe.»
- «Évaluer la possibilité d’intégrer dans la loi l’obligation de parler français dans tous les espaces de l’école susceptibles d’être fréquentés par les élèves (couloirs, cour d’école, espaces communs, etc.).»
- «Reconsidérer les avantages et inconvénients de créer un ordre professionnel des enseignants.»
Qui s’appliquent spécifiquement à Bedford:
- «Soutenir les enseignants dans l’enseignement du programme des sciences.»
- «Favoriser l’intégration des nouveaux membres du personnel.»
- «Présence du service des ressources humaines dans l’école sur une base régulière (hebdomadaire, si possible). [...] Assurer un suivi rigoureux et rapide des employés “difficiles”.»
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