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L'article provient de Le Journal de Montréal

Guerre froide et espions russes : le maître du polar islandais Arnaldur Indridason suit les traces d'un policier solitaire et de son enquête fascinante dans «Les lendemains qui chantent»

Photo fournie par Phillippe Matsas
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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

6 avril à 7h
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Avec Les lendemains qui chantent, l’écrivain islandais Arnaldur Indridason nous offre une super histoire à mi-chemin entre le polar et le thriller d’espionnage.

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Après avoir écrit pendant près de 20 ans une série consacrée aux enquêtes du commissaire Erlendur Sveinsson, l’écrivain islandais Arnaldur Indridason a changé son fusil d’épaule. En 2017, il a en effet entamé une tout autre série. Son nouveau héros? Konrad, qui est probablement devenu l’un des retraités les plus occupés d’Islande. Car peu importe l’année ou le moment de la journée, jamais les malfaiteurs et les tueurs ne prennent de pause.

«Konrad ne travaille plus dans la police et lorsqu’il décide d’enquêter sur un crime, il n’a pas accès aux rapports et aux procès-verbaux, explique Arnaldur Indridason. Il enquête par conséquent en solitaire et s’efforce de recueillir des informations en passant par d’autres canaux que ceux empruntés par les policiers de profession. Cela me semble intéressant. Parviendra-t-il à découvrir des choses que la police ignore? Bénéficie-t-il d’une longueur d’avance dans l’enquête? Ou est-ce une gêne de ne pas avoir accès aux documents de l’enquête? Il possède évidemment une longue expérience des relations avec les policiers comme avec les criminels, et cette expérience lui est souvent très utile.»

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Dans les cinq premiers tomes de la série, Konrad a notamment tenté de percer le mystère entourant l’assassinat de son père, un escroc de petite envergure qui a été retrouvé poignardé devant les abattoirs de Reykjavik en 1963. Et maintenant que c’est fait, il a pleine latitude pour se consacrer entièrement à d’autres affaires criminelles. Une bonne chose puisque dans Les lendemains qui chantent, le sixième tome de la série, elles vont se bousculer!

Au cœur de la guerre froide

«L’intrigue des Lendemains qui chantent s’inspire d’une ancienne pratique consistant à se débarrasser de vieilles Lada hors d’usage pour les confier aux équipages de chalutiers russes dans le port de Reykjavik, précise Arnaldur Indridason. Dans le temps, quand leur Lada était en fin de course, les Islandais la proposaient aux chalutiers russes et recevaient en échange une bouteille de vodka, par exemple. Mon idée consistait à dissimuler dans une de ces Lada un secret lié à une affaire d’espionnage, un crime terrible, une disparition très ancienne dont les tenants et aboutissants s’étendraient jusqu’à Moscou.»

Le livre s’ouvrira donc sur des époux désireux de vendre leur Lada rongée par la rouille à des marins russes sur le point de lever l’ancre. Malheureusement pour eux il y aura déjà une Lada à bord et pas question d’en prendre une deuxième.

En parallèle on verra aussi un Islandais de passage en Autriche s’inquiéter pour son ami Pétur Jonsson, qui a mystérieusement disparu en laissant son fils derrière lui. On verra aussi réapparaître les restes humains d’un certain Skafti, mais pas au bon endroit. Alors que son présumé meurtrier prétendait avoir commis son méfait sur l’îlot d’Örfinisey, ses restes seront trouvés dans une grotte à des kilomètres de là. Et veut, veut pas, Konrad sera lié à cette affaire. Parce que dans les années 1970, en pleine guerre froide, ce n’est nul autre que son coéquipier Leo qui était chargé de l’enquête Skafti.

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«La guerre froide a eu d’importantes conséquences en Islande, ajoute Arnaldur Indridason. Des troupes américaines stationnées ici assuraient la défense du pays, et leur présence était très controversée. L’Islande est entrée dans l’OTAN, ce qui a divisé la nation pendant plusieurs décennies. C’était une époque d’intenses tensions en Islande, et il y a là matière à récits! J’ai aussi aimé le fait d'écrire un roman d’espionnage qui, au lieu de mettre en scène un très élégant James Bond, dévoile aux lecteurs la réalité islandaise tout en grisaille.»

Une histoire à suivre

Avec Les lendemains qui chantent, on pourra donc découvrir un pan de l’histoire islandaise absolument fascinant. Par contre, ce qu’Arnaldur Indridason écrit sur les réseaux d’espionnage russes établis en Islande relève principalement de la fiction.

«Nous avons bien quelques exemples de Soviétiques qui ont essayé de convaincre des Islandais d’espionner les activités de l’armée américaine pour leur compte, mais c’étaient des tentatives maladroites, souligne l’écrivain. L’Union soviétique était très présente en Islande par le biais de son ambassade dotée d’une incroyable cohorte d’employés et il est évident que ces derniers surveillaient de près ce qui se passait autour de la base américaine, comme d’ailleurs en politique islandaise.»

S’il va y avoir d’autres romans consacrés à Konrad? «Oui, j’ai encore des choses à dire sur lui, conclut Arnaldur Indridason. Mais d’une certaine manière, Les lendemains qui chantent marque la conclusion d’un feuilleton qui a commencé avec Les fantômes de Reykjavik. Un feuilleton où il est question de crimes commis contre des enfants, et qui raconte aussi l’histoire de Reykjavik depuis l’après-guerre et jusqu’à aujourd’hui.»

Photo fournie par les Éditions Métailié
Photo fournie par les Éditions Métailié

Les lendemains qui chantent
Arnaldur Indridason
Éditions Métailié
336 pages

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