Sortie de l’enfer de la consommation, Éliane Gagnon souhaite renouer avec le jeu
Carolyn Richard
Autrice et entrepreneuse, Éliane Gagnon est aussi une comédienne qu’on a aimé suivre dans Ramdam, Louis Cyr, District 31 et STAT. Elle s’est faite discrète au cours des dernières années, notamment pour se sortir de l’enfer de la consommation. Âgée de 37 ans et mère de deux beaux enfants, la fondatrice de Soberlab se sent, aujourd’hui plus que jamais, prête à renouer avec l’actrice en elle.
Éliane, ces dernières années, vous vous êtes faite plutôt discrète sur nos écrans. Vous avez eu des problèmes de consommation et avez écrit deux livres sur le sujet, Carnet de fuite et La sobriété. Ce recul était-il voulu?
Disons que j’avais besoin de travailler sur moi avant tout et que je n’avais pas encore les outils nécessaires pour renouer avec le métier que j’aime le plus au monde. Dans mon livre Carnets de fuite, je raconte ma déchéance avec la consommation. J’ai sombré dans un enfer et je m’en suis sortie il y a sept ans.
Vous avez transformé votre vie et avez fait un 180 degrés!
Oui, vraiment. J’ai même fondé une famille depuis, et j’ai deux beaux enfants, Éloi et Ariel. Dernièrement, j’ai joué dans STAT, et l’année d’avant, dans District 31. Aujourd’hui, je suis déterminée à renouer avec mon métier et j’ai envie de relever des défis en tant que comédienne. J’ai même le goût d’explorer la comédie pour faire voir mon côté goofy. (rires)
Votre carrière était bien amorcée à l’époque, et vous sembliez bien aller. Qu’est-ce qui vous a fait sombrer dans l’alcool et les drogues?
J’ai commencé à consommer très jeune. Je crois que je voulais faire taire l’anxiété que j’avais en moi; ça m’étouffait. À 11 ans, je consommais de la marijuana, à 17 ans, l’alcool est arrivé et, un an plus tard, la cocaïne. Je voulais faire ma place, avoir l’air cool, et je me croyais au-dessus de mes affaires. J’étais insouciante et, évidemment, je me pensais invincible.
Et c’est sournois, tout ça, non?
Oui! L’alcoolisme et la dépendance, c’est très insidieux, ça s’introduit dans notre vie et souvent, quand on s’en rend compte, on a déjà perdu le contrôle. Déjà, à 20 ans, j’avais ces comportements destructeurs. On se dit souvent qu’il faut que jeunesse se passe, mais ça a continué. J’ai été dans le déni pendant 10 ans. J’étais vraiment en train de me détruire peu à peu. Rendue à 30 ans, j’avais toujours les mêmes habitudes de vie et les mêmes comportements destructeurs. Il y avait en moi deux personnalités: la Lili Love qui voulait être aimée et la Lili Destroy qui détruisait tout. Alors, pendant 10 ans, j’ai nourri Lili Destroy, mais au fond de moi, je savais que ça ne fonctionnait pas.
Plus tôt, vous parliez d’anxiété...
À l’époque, tout m’effrayait dans la vie. C’est triste, parce que j’avais peur du succès et de ma propre lumière, mais l’échec m’effrayait aussi, et je ne savais pas comment m’aimer. Dans le fond, tout ce que je voulais dans la vie, c’était réaliser mes rêves, aimer et être aimée, mais l’alcoolisme détruisait tous les bonheurs possibles.
Votre carrière allait bien, vous enchaîniez de beaux rôles, comme celui d’Émiliana dans le film Louis Cyr.
Oui, j’avais commencé à jouer à 14 ans, j’avais de bons rôles, c’est vrai. Même qu’à 30 ans, après avoir été sélectionnée par le Canadian Film Center pour six mois de cours du côté anglophone, je me dirigeais vers Los Angeles pour poursuivre mon rêve d’actrice aux États-Unis et développer ma carrière là-bas.
Et que s’est-il passé?
C’est justement là que tout a basculé. J’étais en route pour Los Angeles quand j’ai eu un gros accident de voiture. Je conduisais en état d’ébriété, mais je n’ai rien eu, sauf que j’ai démoli ma voiture. Cet événement-là a été le grand tournant pour moi. Je me retrouvais à Hollywood, j’étais sans abri et je ne pouvais même plus dormir dans ma voiture, car je n’en avais plus. (rires) Finalement, c’est à Hollywood que j’ai commencé une thérapie pour m’en sortir. Ma vie a alors fait un virage à 180 degrés, et si je n’avais pas arrêté ce rythme de vie avec la consommation, je ne serais probablement pas là pour en parler aujourd’hui.
Aujourd’hui, à 37 ans, vous êtes maman, comédienne, autrice et aussi fondatrice du projet Soberlab. On dirait que la vie vous a prise dans ses bras...
Ah, que c’est bien dit! Oui, je me sens un peu comme ça. Au lieu de dire que je suis sobre, j’aime dire que je suis en cheminement d’amour, et aujourd’hui, ça fait sept ans que je suis dans ce cheminement.
Vous avez vraiment transformé le laid dans votre vie en quelque chose de très inspirant.
J’aime pouvoir aider les gens qui en ont besoin à cause de leurs problèmes de consommation. Je sais ce que c’est, je suis passée par là. Le projet Soberlab me nourrit énormément. Le don de soi, c’est la clé du bonheur.
En quoi votre rôle de mère vous nourrit-il dans votre cheminement d’amour-propre?
En fait, j’ai juste envie de m’améliorer autant avec mes pensées et mes émotions qu’avec mes actions. Je crois que c’est ce qui fait en sorte que je suis vraiment présente avec mes enfants et que je savoure tout ça. Je prends le temps de bien vivre le moment présent et je ne laisserai rien le gâcher. Je le fais en premier lieu pour moi et ensuite, pour mes enfants. J’ai tellement cheminé ces dernières années que je n’ai plus rien à prouver à personne.
Quel genre de mère êtes-vous?
J’ai déjà une si belle relation avec mes enfants! J’ai eu Éloi en premier, et c’est lui qui m’a ramenée à l’amour. Ma famille, c’est mon noyau et c’est ce que j’ai de plus précieux. Oui, j’ai des ambitions professionnelles, mais pas au détriment de ma vie familiale. Je pense être une maman assez cool, qui joue et déconne avec eux, et qui est probablement trop permissive parce que j’ai de la difficulté à mettre mes limites. Mon fils l’a remarqué, alors je dois un peu serrer la vis. (rires)
Et en ce qui concerne votre carrière d’actrice, où en êtes-vous?
Récemment, j’ai joué dans un court métrage et dans un film anglophone, dont je ne peux parler pour l’instant mais qui devrait sortir cette année. Jouer m’a beaucoup manqué. C’est vrai que j’ai connu des années de consommation, mais j’ai travaillé tellement fort, je me suis relevée, j’ai eu mes enfants et j’ai fondé Soberlab, en plus d’avoir écrit deux livres à travers tout ça. Je ne peux décider pour l’industrie si elle veut me ravoir comme comédienne, mais avec tout ce que j’ai déjà fait dans ma carrière, je sais que j’ai juste le désir de renouer avec un métier qui me passionne profondément.
Pour plus de renseignements, visitez elianegagnon.com.
On peut écouter Le moment inspirant, une discussion en direct avec Éliane Gagnon et ses invités, sur YouTube.