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L'article provient de Clin d'oeil
Culture

«Revenge songs»: ce phénomène où les pop stars se vengent de leurs ex

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Kelly-Ann Neeley

2024-04-16T21:55:00Z
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Les rumeurs vont bon train depuis l’annonce du nouvel album de Taylor Swift, The Tortured Poets Department, à venir le 19 avril prochain. Ce dernier contiendrait des revenge songs faisant allusion à la relation de la pop star avec son ex-copain Joe Alwyn. Ces chansons exprimant la frustration, la colère ou la déception semblent être devenues monnaie courante dans l’industrie musicale contemporaine. Pourquoi certains artistes choisissent-ils de «laver leur linge sale» en public? On fait le point sur ce qui explique l’essor de ce curieux phénomène.

Passer un message à son ex en chanson, c’est nouveau?

On choquera peut-être les Swifties avec cette déclaration: Taylor Swift n’a pas inventé la chanson vengeresse, bien que son répertoire soit bien fourni en paroles incendiaires faisant allusion à des ex, tant en amour qu’en amitié. Ce type de représailles existe depuis des décennies et n’est pas propre à la musique pop. On n’a qu’à penser au style classique et à ses opéras. Combien d’entre eux ont comme thème la frustration et la déception amoureuse? Des tonnes! Le blues et le country ne laissent pas non plus leur place quand vient le temps de chanter la rupture. En réalité, on a toujours chanté l’amour, qu’il soit joyeux, triste ou déçu. En ce qui a trait à l’amour fâché, il y avait au Moyen Âge (et plus encore aux 15e et 16e siècles, périodes charnières pour la chanson française) ce qu’on appelait des chansons de mal mariées (ou maumariées, comme on disait autrefois). «C’étaient des chansons dans lesquelles les femmes s’indignaient d’un mariage arrangé, d’un époux vieux, jaloux, violent ou ridicule. Être mal mariée était généralement synonyme de contrainte à cette époque. Par ces chansons, les femmes pouvaient exprimer leur insatisfaction et leur désir de liberté, d’émancipation», explique la professeure de musicologie à l’Université Laval, Sandria P. Bouliane.

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La chanson de mal mariée est-elle l’ancêtre de la revenge song? Les similarités sont difficiles à ignorer, quoique la première soit entièrement anonyme. On peut comprendre le désir de ne pas révéler son identité à un moment de l’histoire où le divorce n’est pas vraiment une avenue possible... Mis à part ce détail, les deux styles ont comme but ultime de dévoiler au grand jour les écueils d’une relation, qu’elle soit terminée ou non. Les chansons vengeresses peuvent également trouver écho auprès du public, qui est susceptible de se reconnaître dans les mots d’autrui. Et plus les paroles s’approchent d’une histoire vécue, plus elles sont authentiques, plus elles toucheront certaines personnes, qui auront l’impression que l’artiste éprouve les mêmes émotions qu’elles.

Pourquoi vouloir chanter sa rupture?

Les grandes vedettes, comme Miley Cyrus, Beyoncé et Ariana Grande, vivent leur vie amoureuse et intime aux yeux du monde. Pas étonnant alors qu’elles désirent aussi surmonter leurs ruptures sur la place publique. Leur art est leur véhicule, une sorte de journal intime qui sert à les libérer d’un poids émotionnel, créant du même coup des connexions avec un public en quête d’authenticité. C’est pourquoi cette pratique n’est pas fréquente qu’aux États-Unis. En France, le rappeur devenu icône pop, Lomepal, évoque une ancienne relation toxique dans son simple Trop beau. Ici, au Québec, quand l’autrice-compositrice-interprète Alicia Moffet chante It’s you that divided us, don’t blame it on me (c’est toi qui nous as éloignés, ne jette pas le blâme sur moi) dans sa chanson Didn’t Try, on comprend vite qu’elle fait allusion à sa rupture extrêmement médiatisée avec le père de son enfant. 

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Les États-Unis, rois de la revenge song?

Pourquoi avons-nous alors l’impression que le phénomène est plus fort chez nos voisins du Sud ? Selon les articles sur les meilleures chansons vengeresses, la plupart sont interprétées par des artistes américains ou qui sont représentés par d’importantes maisons de disques américaines. «Il ne faut pas oublier la puissance du marketing derrière ces grandes pop stars, souligne Sandria P. Bouliane. Un ou une artiste de renommée internationale a toute une équipe à son service. Celle-ci est présente à toutes les étapes afin que le produit soit le plus vendeur possible. On ne doit pas non plus écarter de l’équation le matraquage à la radio, sur les plateformes d’écoute en continu et sur les réseaux sociaux. Tout est calculé pour attirer l’attention des auditeurs et pour que la chanson devienne un ver d’oreille.»

Le meilleur exemple du pouvoir de cette fameuse «machine marketing» est assurément Flowers, de Miley Cyrus, pour laquelle elle a gagné les deux premiers prix Grammy de sa carrière en janvier dernier. En bref (Internet est une source sans fin de théories au sujet de cet hymne féministe prônant l’indépendance), Flowers a été dévoilée au public le jour du 33e anniversaire de son ex-mari, l’acteur Liam Hemsworth. Miley Cyrus aurait écrit Flowers comme une sorte de réponse à When I Was Your Man, de Bruno Mars, chanson que Hemsworth lui aurait dédiée lors de leur union (allez comparer les paroles, c’est du bonbon !). Le vidéoclip, quant à lui, est bondé d’allusions à l’acteur, selon les internautes: il est tourné dans la villa de Los Angeles que Cyrus a achetée après la rupture; la chanteuse revêt un veston presque identique à celui que portait Hemsworth sur le tapis rouge d’Avengers: Endgame; elle exécute une danse similaire à celle qu’elle avait faite lors d’une entrevue de couple que, visiblement, son ex n’avait pas appréciée. Toutes ces petites flèches envoyées en direction d’Hemsworth ne sont pas des coïncidences, et Miley n’est pas la seule architecte de cette œuvre. Une équipe complète de spécialistes (producteurs, stylistes, attachés de presse, etc.) l’ont aidée à propulser son idée jusqu’au bout. Il ne faut donc pas être trop naïf devant la puissance de ce solide marketing à l’américaine, qui pourrait donner l’impression que le phénomène est plus présent là-bas qu’ailleurs dans le monde, pense la professeure P. Bouliane. «C’est lucratif, la chanson d’amour, qu’elle soit heureuse ou qu’elle soit triste. Même si on l’aime, il ne faut pas être dupe.»

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Le rôle des médias

L’intérêt médiatique est un autre facteur important. La vie intime des gens riches et célèbres suscite la curiosité depuis toujours. La culture de la célébrité qui apparaît au 19e siècle avec la presse à grand tirage s’est transformée au fil du temps. C’est l’arrivée des revues illustrées, suivies de la radio puis de la télévision, qui a propulsé la culture du vedettariat telle qu’on la connaît aujourd’hui. Qui est cet homme aperçu au bras de Selena Gomez à la sortie du restaurant? Est-ce que Liam Hemsworth a vraiment trompé Miley Cyrus avec Jennifer Lawrence? À qui s’adresse Taylor Swift dans sa chanson All Too Well? En passant, Internet soupçonne Jake Gyllenhaal... Cette curiosité qui habite les fans est alimentée par les médias, qui publient quotidiennement toutes sortes de théories sur la vie privée des célébrités. 

Mais les médias ne sont pas les seuls à nourrir la bête. Parfois, les vedettes elles-mêmes participent à ce culte de la célébrité en partageant des photos et vidéos de leur quotidien sur leurs comptes Instagram et TikTok. Alicia Moffet est une artiste qui a toujours été très généreuse au sujet de sa vie privée avec ses centaines de milliers d’abonnés. Il n’est donc pas étonnant que ces mêmes abonnés, qui ont l’impression de la connaître comme une amie, aient rapidement associé les mots de Didn’t Try à la rupture entre l’artiste et son ex, Alex Mentink. 

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Par ailleurs, même si les liens sont parfois faciles à faire, il faut rester vigilant, car tous les chanteurs et chanteuses ne signent pas leurs textes comme l’a fait Alicia Moffet, qui a bel et bien écrit Didn’t Try. Prenons l’exemple de l’Américaine Carrie Underwood, qui livre d’une puissante voix la populaire chanson Before He Cheats. Coup de théâtre: ce doigt d’honneur à l’infidélité est en fait l’œuvre de Josh Kear et Chris Tompkins, deux auteurs-compositeurs qui ont l’habitude de pondre des hits. 

Quoi qu’il en soit, que ces mélodies vengeresses soient basées sur des histoires vraies ou inventées de toutes pièces, elles restent un plaisir coupable qu’on n’arrêtera certainement pas de chanter à tue-tête pour oublier un ex! 

À VOIR: MAGALIE LÉPINE-BLONDEAU RÉVÈLE SES COUPS DE CŒUR MODE ET BEAUTÉ!

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