Publicité
L'article provient de 24 heures

Ne demandez jamais aux personnes trans ce qu’elles ont entre les jambes (et à n’importe qui d'autre)

Photomontage Marilyne Houde
Partager
Photo portrait de Sarah-Florence  Benjamin

Sarah-Florence Benjamin

2023-02-23T17:12:01Z
2023-05-17T12:43:08Z
Partager

«Avez-vous un pénis?» C’est ce qu’a demandé cet hiver le sénateur de l’Arkansas, Matt McKee, à une pharmacienne trans. Non seulement cette question ne se pose pas, mais elle sert souvent à déshumaniser les personnes trans, déplorent deux intervenantes.  

C’est lors d’une audience sur les soins d’affirmation de genre prodigués aux mineurs que la pharmacienne Gwendolyn Herzig s’est fait poser la question, à laquelle elle a refusé de répondre.  

«Je suis une professionnelle de la santé, une docteure. Traitez-moi comme telle s’il vous plaît. Prochaine question», a-t-elle rétorqué. En entrevue avec NBC, elle a décrit l’échange comme «la chose la plus publiquement humiliante» qu’elle a subie dans sa vie.  

Le projet de loi discuté vise à interdire aux professionnels de la santé de l’État d’offrir des traitements et des chirurgies d’affirmation de genre aux mineurs.  

Inapproprié et déshumanisant 

Pour l’activiste trans Celeste Trianon, il n’y a aucun doute: la question du sénateur n’avait d’autre but que de discréditer l’experte en face de lui.  

Publicité

«On passe à côté de son expertise pharmaceutique et on centre la conversation sur ses parties intimes. On remet en question sa dignité. S’il avait posé la question à une pharmacienne cisgenre, ça n’aurait jamais passé», affirme-t-elle. 

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Les questions sur les parties génitales peuvent être posées par curiosité, mais elles sont trop souvent une tactique de domination, précise la militante.  

«On utilise le langage pour oppresser les personnes qui ne se conforment pas à la binarité du genre depuis très longtemps. On mégenre les personnes trans comme on le faisait à l’époque avec les gais et lesbiennes, et même les suffragettes.»

Même si on a l’impression d’être de bonne foi, ça demeure une question inappropriée, rappelle pour sa part Ash Paré, travailleur·euse social·e qui accompagne les personnes trans dans leurs démarches de transition.  

«Demandez-vous à votre voisin s’il a couché avec sa blonde hier soir? C’est la même chose. Peu importe l’apparence de quelqu’un, il y a des questions qui ne se posent pas.» 

Une question qui revient sans cesse 

Lorsqu’on pose à une personne trans des questions sur ses parties génitales, ce qui nous intéresse finalement, c’est de savoir si elle a eu une opération ou si elle compte en avoir une, remarque Ash Paré.  

«Avoir l’air d’un homme implique que tu as un pénis, avoir l’air d’une femme, un vagin. Lorsqu’on est face à des personnes trans, on est mal à l’aise parce qu’on n’est pas sûr si la personne ne correspond pas à ce schéma, encore plus si elle ne compte pas subir de chirurgie à ce niveau.» 

Publicité

On pose cette question pour essayer de comprendre comment on devrait traiter la personne devant soi, ce qui demeure problématique aux yeux d’Ash Paré. «On ne devrait juste jamais baser le traitement d’une personne sur son apparence ou la perception qu’on a d’elle de toute façon.» 

Pas qu’un problème américain 

Avant d’être apostrophée par le sénateur McKee, Gwendolyn Herzig parlait du manque d’empathie envers les personnes trans aux États-Unis. Ce n’est pas un enjeu qui se limite à nos voisins du Sud, regrette Celeste Trianon.  

«Les personnes trans sont toujours marginalisées au Québec. 58% d’entre elles gagnent en bas de 30 000$ annuellement», affirme-t-elle, ajoutant qu’il existe toujours un discours transphobe, notamment dans les médias.

Même si les personnes trans sont protégées par la Charte québécoise des droits et libertés depuis 1998 et que l’identité de genre est un motif de discrimination reconnu depuis 2016, elles n’ont pas encore les mêmes droits que les personnes cisgenres en pratique, notamment au niveau médical, soutient Ash Paré.

Photo courtoisie
Photo courtoisie

 

En accompagnant des personnes trans dans leurs démarches médicales, iel a constaté que leur accès aux soins de santé est souvent limité.  

«Les temps d’attente sont tellement longs et les professionnels sont si peu nombreux que certaines personnes se tournent vers des solutions DIY et des hormones commandées sur Internet», déplore Ash Paré.  

Le manque de connaissance et d’ouverture envers les personnes trans peut également contribuer à mauvaise qualité des soins accordés à ces dernières. 

«C’est très grave. Il y a des gens qui s’enlèvent la vie, faute de soins adéquats. Les ressources pour en apprendre plus [existent,] pour le grand public et les professionnels de la santé [...] C’est juste une peur irrationnelle qui empêche les gens de s’informer», regrette Ash Paré.  

Publicité
Publicité

Sur le même sujet