Le Colorado ne veut plus de pelouses vertes
Anne-Sophie Poiré
Devant la sécheresse extrême qui sévit dans tout l'Ouest américain, les législateurs du Colorado proposent de payer les propriétaires et les entreprises pour qu'ils remplacent les pelouses par des plantes mieux adaptées au climat aride de l'État – ce qui permettra d'économiser beaucoup d'eau.
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La région est touchée depuis près de deux décennies par une sécheresse historique, la pire enregistrée en 1200 ans, selon une étude publiée en février dans Nature Climate Change. La situation devrait se poursuivre en 2022.
Ces pelouses ornementales consomment presque la moitié de l'eau utilisée dans les villes du Colorado. L’État a donc décidé d’agir en proposant un programme de remplacement du gazon.
Le projet de loi 1151 de la Chambre des représentants serait un moyen efficace de gérer la demande d'eau, selon le Capitole, puisque les citoyens seraient payés pour chaque pied carré de pelouse remplacé.
Dans la vallée de Las Vegas, un programme semblable lancé en 1999 offre trois dollars par pied carré aux citoyens qui se départissent de leur pelouse.
Il a permis d’économiser plus de 617 milliards de litres d’eau depuis, selon Associated Press.
Un pied carré de gazon consomme près de 276 litres d’eau par an. En remplaçant l’herbe par des plantes indigènes, on peut réduire cette utilisation à 68 litres, voire moins.
La pelouse à la mauvaise réputation
Par souci d’économie d’eau, le Québec devrait-il emboîter le pas au Colorado?
«Avant la colonisation, la province était une forêt. Les plantes indigènes de couvre-sol ne sont pas adaptées au milieu ouvert et ensoleillé, elles évoluent plutôt dans un milieu humide et ombragé», explique le professeur au département des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, Guillaume Grégoire.
Il serait donc impossible de remplacer la pelouse par des plantes indigènes, notamment en raison du contexte climatique qui est très différent de la région aride des États-Unis.
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«Au Colorado, il y a deux fois moins de précipitations qu’au Québec annuellement», illustre l’expert en horticulture ornementale. «Déjà, en 2007-2008, on ne donnait pas d’eau dans les restaurants à moins de le demander.»
Et si la pelouse a mauvaise réputation, la plante n’est pourtant pas nuisible à notre environnement, assure-t-il. Au contraire.
«C’est plutôt l’entretien qu’on en fait qui peut poser problème, si on met trop d’eau et trop de fertilisant», précise M. Grégoire. «Cette réputation s’explique mal d’un point de vue scientifique.»
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«C’est une plante qui a plein de bienfaits», poursuit le spécialiste. «En ayant une couverture végétale dense, on évite l’érosion éolienne et hydrique. Elle permet la stabilisation du sol, la gestion des eaux pluviales. Il n’y a pas beaucoup d’alternatives au gazon pour stabiliser notre sol. Avec du gazon en plaques, on a une protection instantanée.»