Lafleur, idole des nouveaux arrivants
Plusieurs ont pu mieux s’intégrer au Canada et s’initier au sport national grâce au Démon blond
Nora T. Lamontagne
Les prouesses de Guy Lafleur sur la glace ont soulevé les passions de générations d’immigrants, en plus de faciliter leur intégration dans leur nouveau pays d’adoption.
« Tout l’intérêt que mon père avait pour le football s’est déplacé pour le hockey et le Canadien de Montréal en arrivant ici », se rappelle José Luis Andres, qui a immigré de l’Uruguay avec ses parents en 1969.
Et parmi tous les joueurs du CH, le préféré du père et du fils – et d’innombrables autres nouveaux arrivants – était le Démon blond.
Ils l’ont vu jouer quelques fois, d’abord pour les Remparts de Québec, puis pour le Canadien de Montréal.
« On allait au Forum, on était des spectateurs parmi les autres. Le hockey, ça a été notre façon de nous intégrer à la culture québécoise », dit le sexagénaire.
« Guy Lafleur a été un pont entre les communautés, peu importe leur langue ou leur origine ethnique », confirme Jack Jedwab, spécialiste de l’histoire du sport et président de l’Association des études canadiennes.
« À l’époque, quand on arrivait au Québec, on n’avait presque pas le choix de devenir un fan du Canadien », affirme Jean-Patrice Martel, auteur du livre Raconte-moi les Canadiens.
« De nos jours, c’est un peu plus difficile », ajoute-t-il en riant, faisant référence à la présente saison de misère.
Une idole
Mais même avant d’immigrer au Canada, Alex Sherbatov, originaire de Moscou, rêvait que son fils « joue comme Guy Lafleur ».
« C’était un joueur tellement libre et charismatique avec ses longs cheveux blonds. Pour moi et plusieurs Soviétiques, il était simplement exceptionnel », se rappelle le père d’Eliezer Sherbatov, qui évoluait jusqu’à récemment dans une équipe de hockey professionnelle en Ukraine. Ce dernier a fui les bombes au tout début de l’invasion pour finalement revenir au Québec.
Près du monde
La légendaire gentillesse est une autre des qualités du numéro 10 citées à répétition par les immigrants interviewés par Le Journal.
« La fois que je l’ai rencontré, j’ai demandé si je pouvais prendre une photo de lui. Il m’a dit “non ! Il faut absolument que vous soyez dans la photo aussi” », se remémore la docteure Tahira Ahmed, arrivée du Pakistan dans les années 1970.
Aujourd’hui encore, le mur de son cabinet médical est orné de photos de sa famille... et d’un immense portrait de Guy Lafleur, signé.
L’esprit d’équipe
La septuagénaire est convaincue que les nouveaux arrivants devraient être encouragés à pratiquer un sport.
« Même si les gens ne parlent pas anglais ou français, il y a une façon de se faire comprendre. L’esprit d’équipe prend le dessus, et c’est une façon formidable de connaître une nouvelle culture », dit-elle.
Elle-même ne compte plus le nombre de conversations qu’elle a eues avec des inconnus au sujet de la Sainte-Flanelle ou des performances de ses enfants, tous deux initiés très jeunes au sport national.