«Je me dis que Guy est parti en voyage dans son hélicoptère»
–Marcel Dionne, ébranlé par le décès de son ami Guy Lafleur
Marc de Foy
Marcel Dionne est remué par une gamme d’émotions depuis que Guy Lafleur nous a quittés. Son téléphone ne dérougit pas chez lui, à Niagara Falls. On l’appelle pour lui parler de Guy. C’est normal.
Nés tous deux en 1951, Lafleur et Dionne ont fait carrière parallèlement.
Lafleur a mis Thurso sur la carte par ses exploits au Tournoi international pee-wee de Québec.
Dionne faisait la fierté de Drummondville. Lui aussi captait l’attention partout où il passait.
Les deux se sont affrontés une première fois dans les rangs bantam.
Ça s’est poursuivi au niveau midget, dans la Ligue junior A du Québec et en finale de la Coupe Memorial de 1971 entre les Remparts et les Black Hawks de St. Catharines.
Cette année-là, ils étaient les deux joueurs les plus convoités au repêchage de la Ligue nationale.
Lafleur s’est retrouvé avec le Canadien tandis que Dionne a abouti à Detroit.
Ils ont joué ensemble lors deux premiers tournois de la Coupe Canada, en 1976 et en 1981, puis brièvement avec les Rangers de New York lors du retour au jeu de Guy, en 1988-1989.
Rivaux sur la glace, amis dans la vie
La rivalité qui les opposait ne les empêchait d’être amis à l’extérieur de la patinoire.
Dionne frayait avec les joueurs du Tricolore quand il évoluait à Los Angeles.
Aujourd’hui, il dit avoir plus d’affinités avec les joueurs qui ont fait les grandes équipes du Canadien qu’avec tous ceux qu’il a eus comme coéquipiers. Ce n’est pas banal.
Le choc fatal
Steve Shutt l’a appelé vendredi pour lui jaser de Lafleur. Ils se sont sans doute raconté des histoires savoureuses, lorsqu’on connaît les deux hommes.
Comme beaucoup de monde dans le milieu du hockey, ils ont su dès le début que Lafleur avait peu de chances de s’en tirer.
« Mais quand la nouvelle tombe, c’est le choc fatal », dit Dionne au bout du fil.
Dionne se rappelle les bons moments qu’il a vécus avec Lafleur et trouve le moyen de voir un aspect positif à sa mort.
« Quand je conduis, je pense à lui », dit-il.
« Je me dis qu’il n’est pas mort. Je me dis qu’il est parti en voyage dans son hélicoptère et qu’il est bien heureux.
« Je le vois tous les jours chez nous. J’ai au sous-sol de ma maison de nombreuses photos de lui provenant de la marchandise du magasin de souvenirs que je possédais.
« Guy est partout ! »
Coup au cœur
Voler en hélicoptère est probablement la chose qui a manqué le plus à Lafleur à partir du moment où il a éprouvé des problèmes de santé.
« Sa licence de pilote a été suspendue pour trois ans quand il a subi ses quatre pontages. Eh ! qu’il était fâché ! Il était passionné par les hélicoptères », continue Marcel.
Là-dessus, Dionne enchaîne en parlant de la spontanéité qui caractérisait Guy.
« Il avait soudainement une idée de faire quelque chose et c’était tout de suite », reprend Dionne en riant.
« Un jour, il m’a appelé pour me dire qu’il s’en venait chez nous dans son hélicoptère. Je lui ai dit : « Woh, woh, Guy, attends une minute !
« Mais il avait tout prévu. Il m’avait dit qu’il pouvait atterrir chez moi. Il était comme ça, c’était Guy. »
Vol au-dessus de chez Mario
Dionne se bidonne encore en relatant une histoire que lui avait racontée un grand ami de Guy.
« Les deux se baladaient au-dessus du Mont-Tremblant et Guy voulait montrer le manoir de Mario Lemieux à son chum », de dire Dionne.
« Il a fait descendre son appareil plus bas que l’altitude permise pour que son ami puisse voir la maison de près. »
Dionne n’en revient toujours pas non plus des déclarations incendiaires que Lafleur tenait à l’encontre du Canadien alors qu’il en était l’ambassadeur.
« Je lui disais : “Guy, tu travailles pour le Canadien, tu ne peux pas dire ça. Si c’était moi qui parlais comme tu le fais, je me ferais sacrer dehors !”
« Mais c’était Flower. Tout le monde savait comment il était. »
Pourquoi fumer ?
Marcel devient tout à coup plus sérieux. Il aurait aimé que Guy comprenne que la cigarette tue.
« Comme tous les gens qui fument, Guy se croyait invincible », déplore Dionne. « Mais la maladie ne fait pas de distinction. Elle peut s’attaquer à n’importe qui.
« J’ai lu beaucoup sur le cancer du poumon. Une étude dit qu’à partir du moment où tu commences à fumer, tu vis 50 ans.
« Pourtant, c’est un problème qui peut se régler. Les gens qui en meurent auraient pu remédier à la situation. Mike Bossy se trouve parmi ceux-là maintenant. »
La norme de l’époque
Il y a 60 ans que la science a fait la preuve que la cigarette cause le cancer. Mais le fléau se poursuit.
« Dans le temps que je jouais, fumer était la norme », raconte Dionne, qui n’a jamais fumé.
« Dans toutes les équipes, la moitié des joueurs fumaient. Chez les Kings, les gars allaient dans les toilettes.
« Roger Maris faisait des commerciaux pour une marque de cigarettes à ses grandes années avec les Yankees. Il est mort d’un cancer du poumon.
« Richard Martin [avec qui il a joué brièvement à Los Angeles] fumait cinq cigares par jour. Il est mort d’une crise cardiaque à 60 ans. »
C’est bien jeune pour partir.