Guy Lafleur: «Il ne voulait pas mourir»
Sa sœur Lise raconte ses derniers moments et partage ses souvenirs de son frère
Marc de Foy
« Il ne voulait pas mourir. Il a demandé au docteur de la maison de soins palliatifs où il se trouvait de lui donner quelque chose pour le renforcer. Le médecin lui a répondu qu’il ne pouvait pas, qu’il n’y avait plus rien à faire. Il voulait retourner à la maison. Mark [son fils cadet] dit qu’il s’est alors laissé aller. »
C’est Lise Lafleur qui raconte l’histoire, l’une des quatre sœurs de Guy qui porte le même prénom que son épouse.
Lise est à la maison familiale, à Thurso, en Outaouais. Là où son défunt père Réjean et sa mère Pierrette ont élevé leurs quatre filles et leur fils.
Sa maman, Pierrette, y habite encore.
À 90 ans, elle a encore une santé de fer.
« Elle ne paraît pas son âge, elle est plus en forme que nous, dit Lise, de sa belle voix.
Pareil à son frère
Lise relate les dernières heures de son frère sans retenue.
Comme l’était son frérot, elle est d’une grande sociabilité.
« On est comme ça dans la famille, on aime le monde. »
Lise vient quatrième dans la hiérarchie familiale.
L’aînée s’appelle Suzanne.
Guy était le deuxième enfant de la famille. Ont suivi Gisèle, Lise et Lucie.
Le dernier cadeau
La semaine dernière, la famille a rendu visite à Guy à sa résidence, à L’Île-Bizard, à Montréal.
« Il nous a dit que des objets nous attendaient sur la table de la salle à dîner », raconte Lise.
« Il avait fait confectionner des chandails avec sa photo pour chacun de nous. Il était content.
« Une de mes sœurs le portait quand on est allé le revoir, mercredi. Ça lui a fait plaisir. »
Guy avait été transporté à la maison de soins palliatifs Theresa-Dellar, à Kirkland. Ce fut la dernière fois qu’il a vu sa mère et ses sœurs.
Il dépérissait à vue d’œil. Sa mère priait son défunt mari Réjean, emporté lui aussi par un cancer du poumon à 62 ans, pour qu’il vienne chercher son fils.
Afin que cessent ses souffrances.
Guy la cherchait au bout du lit, voulant s’assurer qu’elle était bien là.
« Le règlement voulait que pas plus de trois personnes ne puissent le voir à la fois », continue Lise.
« Mais Guy voulait nous voir tous ensemble devant lui. Les gens du centre ont fait une exception. C’est Mark qui a passé la dernière nuit avec lui. »
« Il a pris la relève de sa mère et de son frère [Martin], qui étaient épuisés. »
Avec lui jusqu’à la fin
Mark a vu son père partir.
« L’oncologiste est allé le rejoindre et Mark a tenu la main de son père jusqu’à la fin. C’est lui qui a appelé ma mère.
« Ça l’affecte beaucoup. On lui dit qu’on est avec lui. »
Mark sera toujours reconnaissant envers son père de l’avoir soutenu alors qu’il connaissait des problèmes avec la justice.
Guy l’a aidé à se replacer.
Jeune garçon taquin
Les souvenirs se bousculent dans la tête de Lise, qui est de cinq ans la cadette de Guy.
Elle se revoit dans leur enfance.
« Il me jouait des tours, il aimait nous agacer. Il n’était pas le genre à rester à la maison à ne rien faire. Il était actif.
« À une époque où il n’y avait pas d’ordinateurs, on se regroupait, une bande de jeunes, pour jouer à la cachette. Les maisons n’étaient pas entourées de clôtures et on avait plein d’endroits où se cacher. »
« Mon père faisait aussi une patinoire. Ma mère m’avait acheté des patins et elle demandait à Guy de me montrer à patiner. »
Toujours le même
Lafleur faisait déjà la fierté de Thurso.
Entre les âges de 10 et 12 ans, il faisait courir les foules au Tournoi international pee-wee de Québec, qui se tenait au Colisée.
« Je n’ai pas vraiment de souvenirs de cette époque », reprend Lise, qui avait alors entre 5 et 8 ans.
« Je me souviens plus de ses années dans le junior. On se rendait parfois toute la famille à Québec. C’était loin de chez nous. »
« Mes parents y allaient plus souvent. »
S’il était déjà une vedette, Guy est toujours demeuré lui-même. Ses succès ne l’ont jamais changé.
Il a toujours été Guy Lafleur, le petit gars qui venait de Thurso et pour qui le hockey était une passion.
« Guy, c’est un gars généreux et simple », enchaîne Lise en parlant pour la première fois comme s’il était encore avec nous.
« C’était agréable de parler avec lui quand il venait ici. Il n’était pas vantard. Il ne parlait pas de ses rencontres avec des célébrités. Il fallait quasiment lui arracher les mots de la bouche. »
Un astronaute
« Un jour, il m’a dit qu’il avait posé avec un astronaute qui avait marché sur la Lune. Je ne le savais même pas. Je lui ai demandé de m’envoyer la photo. Je l’ai dans mon ordinateur. Il s’agit de Buzz Aldrin. »
« Quand on se retrouvait tous dans un restaurant dans notre coin, il était continuellement assailli par des gens qui lui demandaient son autographe ou qui voulaient faire une photo avec lui. »
« Il ne disait pas un mot. Il exauçait tout le monde pendant que son assiette était sur la table. Mais il aimait ça, être entouré de monde. »
Chevet de son père
Sa mère a dit la même chose au journaliste Yves Poirier, de TVA Nouvelles.
« Il aimait tout le monde. Il était généreux, il pouvait donner sa chemise. Il venait se promener ici [à Thurso] et des gens cognaient à la porte pour faire signer des autographes. Les gens rentraient et venaient voir Guy. »
Lafleur avait le même attachement pour les concitoyens de sa ville natale. Thurso a toujours été dans son cœur.
Le décès de son père l’avait beaucoup affecté, dit sa frangine.
« Quand il descendait, il faisait parfois un détour par le cimetière pour aller voir la tombe de papa. »
« Il a été avec lui, jour et nuit, les deux derniers jours de sa vie. »
Damnée cigarette
Quand ce n’était pas en voiture, Guy arrivait à Thurso en hélicoptère.
C’était le party !
« Il nous faisait faire des tours », dit encore Lise.
En terminant, Lise se rappelle une fête qui se tenait à Thurso, il y a trois ans.
Elle avait dit une chose importante à Guy.
« On était dehors et je lui avais dit : “Guy, arrête donc de fumer, tu vas pogner le cancer. Regarde papa”. »