Il va passer l’hiver à donner aux plus démunis
Julien Lamoureux
Pendant les mois les plus froids de l’année, un groupe de bénévoles mené par Bertrand Breton prévoit venir toutes les deux semaines à la place Émilie-Gamelin, à Montréal, pour distribuer nourriture et biens à ceux qui en ont le plus besoin. On s’est rendu sur place à l’occasion de la première distribution afin de voir cette initiative citoyenne de près.
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Dimanche matin. La place Émilie-Gamelin est plutôt calme... quand soudain, une vingtaine de bénévoles arrivent sur les lieux et installent en toute hâte des tables pliantes le long de la rue Sainte-Catherine, tout près de l’édicule du métro Berri-UQAM. Rapidement, une file compacte et un peu chaotique se forme à une extrémité.
La plupart attendent patiemment leur tour, mais quelques individus s’approchent des tables, où les bénévoles commencent à exposer les manteaux, tuques, gants, bottes, sous-vêtements et autres biens qui seront remis au cours de la journée aux sans-abris et autres personnes dans le besoin qui se présenteront à cette distribution.
Quelques minutes plus tard, l’organisateur de l’événement, Bertrand Breton, arrive enfin. Il a dû faire un détour par Anjou pour aller chercher la soupe préparée par une dame du quartier. Cette soupe, c’est un hit à chaque fois qu’il la sert, jure-t-il, surtout quand il commence à faire froid.
En son nom personnel
Bertrand, un entrepreneur qui vend des extincteurs, nous dit qu’il s’implique auprès de la communauté itinérante de Montréal depuis six ans, et ce, à titre personnel, sans faire partie d’un programme gouvernemental ou d’un organisme communautaire.
«Mon cadeau de fête, c’est que j’ai acheté 150 paires de bottes neuves pour les sans-abris. D’habitude, on reçoit [à sa fête]. Pour moi, donner, c’est recevoir.»
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«Les mercis qu’on reçoit aujourd’hui, ils ne peuvent pas être plus sincères que ça», ajoute-t-il.
Et ces «mercis», ils sont fréquents. Autant Bertrand que ses complices en entendent tout au long des quelques heures que dure l’événement. D’autres sont moins loquaces ou plus rudes, mais ils quittent néanmoins les lieux avec un petit quelque chose qui rendra leur hiver un peu moins difficile.
Redonner de la dignité
Le dernier dénombrement effectué à Montréal, en 2018, révélait que la ville comptait alors plus de 3000 itinérants. En septembre 2020, la mairesse de la métropole, Valérie Plante, disait estimer que ce nombre avait plus que doublé, à environ 6400.
La pandémie a amené son lot de mesures temporaires pour les abriter, et la crise du logement a poussé l’administration municipale à promettre la construction de 60 000 logements abordables dans les prochaines années.
Pour Bertrand Breton, il ne s’agit pas de faire «des lois et des buildings» pour sortir les sans-abris de la rue. Son intention est plutôt de les écouter, de les accompagner et de leur redonner au moins un peu de dignité.
Jade, une bénévole rencontrée pendant l’événement, abonde dans le même sens. Pour elle, les gouvernements s’intéressent à l’itinérance pour faire bonne figure devant le public, mais ne s’attaquent pas au nœud du problème.
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«Si tu les mets dans une chambre d’hôtel pendant trois semaines et que tu les ressors après, y’a rien qui a avancé», estime-t-elle.
Pour elle, des actions citoyennes récurrentes, comme celle à laquelle elle participe en cette journée ensoleillée de novembre, permet de créer des liens et d’échanger avec des gens qui, souvent, sont plutôt laissés à eux-mêmes.