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Culture

Éric Bruneau estime avoir réussi à être plus qu’une belle gueule dans ce métier

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Patrick Delisle-Crevier

2024-04-23T10:00:00Z
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Après avoir écrit deux saisons de l’excellente série Avant le crash en compagnie de sa conjointe, Kim Lévesque Lizotte, Éric Bruneau a eu envie de prendre une sabbatique d’écriture d’un an pour se consacrer à des projets qui allaient céder toute la place à son travail d’acteur, dont le rôle du mystérieux Mathieu de Léry dans In Memoriam. Le comédien s’est ouvert sur sa carrière, sur la quarantaine qui le frappe et sur bien d’autres choses.

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Éric, comment ça va?

Je vais très bien. Je reviens tout juste d’un beau voyage à Lille, en France, où je suis allé présenter la série In Memoriam au Festival Séries Mania. Après, je suis parti passer une fin de semaine à Londres avec ma blonde, pour voir des pièces de théâtre. On s’est fait des petites vacances en amoureux. Sinon, j’écris un peu, mais c’est plus calme sur le plan professionnel. Ça fait du bien en fait. J’ai beaucoup travaillé ces derniers temps, avec l’écriture et les tournages des deux saisons d’Avant le crash. Il y a aussi eu, dans la même période, les tournages de Virage: Double faute. Là, je me pose un peu. On a demandé, Kim et moi, une pause d’un an de la série Avant le crash pour avoir plus de temps pour écrire, et ça fait du bien. J’avais envie de faire autre chose, et In Memoriam est arrivée juste à point. Ça change le mal de place.

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As-tu été surpris par le succès de la série Avant le crash?

Oui, je l’ai été. Ça dépasse nos attentes. En même temps, j’espérais qu’elle rencontre le public et la critique, mais je ne pensais pas que le public allait aimer l’histoire et les personnages à ce point. Il n’y a pas une journée où je n’entends pas parler de la série. Ma blonde et moi sommes très fiers.

Comment est né ce projet?

Dans ma famille, à un certain moment, il y a quelqu’un qui n’arrivait pas à avoir une assurance vie. J’ai eu envie d’écrire là-dessus et, à partir de là, j’avais la trame jouée par Marc Messier et Benoit Drouin-Germain. Ensuite, j’ai eu envie de parler d’ambition, d’ego et de pouvoir. Le milieu de la finance était un bon prétexte pour parler de ça. Je voulais aussi parler des gens de 35 ans qui sont pris dans un rythme de performance qui devient le cancer de leur vie. Ils prennent des décisions sans cesse guidées par la réussite. Je trouvais que c’était symptomatique de notre époque, et on le réalise de plus en plus ces temps-ci avec la montée de l’anxiété qui frappe de partout. Tout va à une vitesse si folle que nous avons de la misère à suivre, et le milieu de la finance démontre bien cette réalité. Ces gens mi-trentenaires travaillent 22 heures par jour.

As-tu déjà travaillé 22 heures par jour?

Non, mais honnêtement, il m’est arrivé d’en travailler 20 parce que j’avais parfois des tournages qui débordaient. Mais j’ai appris dans tout ça. J’aime travailler, j’aime l’adrénaline liée au travail, parce que c’est un bon moteur. Mais j’ai appuyé sur la pédale à fond pendant trois ans et là, je me rends compte que j’ai besoin d’un équilibre dans ma vie.

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Penses-tu y arriver, avec l’écriture, le jeu et la vie de famille?

Oui, je pense y arriver, tout simplement parce que je suis certain que je suis meilleur dans mon métier quand il y a un équilibre dans ma vie. Ces derniers temps, je me suis rendu compte que j’étais en quelque sorte devenu ce que je dénonçais dans ma propre série. Je sais que, lors d’une entrevue avec toi, j’avais dit que je voulais ralentir et savourer pleinement la vie de famille. Mais je me suis mis à écrire et j’ai été emporté par tout ça. C’était comme une autre étape pour moi de devenir auteur, d’être le créateur et de travailler avec ma blonde. J’adore travailler avec elle, nous créons bien ensemble et nous développons de beaux personnages. Ça change des tournages de 14 ou 15 heures par jour. Il y a quelque chose d’artistiquement galvanisant dans le fait de se développer d’une autre façon.

Il va donc y avoir une troisième saison d’Avant le crash?

Oui, il va y en avoir une, mais on a voulu respirer un peu et prendre le temps qu’il faut pour arriver avec une troisième saison forte. On a écrit la première saison en quatre ans et la deuxième en huit mois. Le rythme allait être trop fou pour la troisième. On a voulu se donner les moyens d’être bons pour la suite.

Tu vois encore plusieurs saisons à la série Avant le crash?

Je ne sais pas. Pour le moment, j’y vais une saison à la fois. Je suis même surpris, car je pensais arrêter après une saison, et finalement, ça a bien marché! Me voilà rendu à la troisième saison. Mais je ne suis pas du genre à commencer un projet avec une idée fixe de faire cinq ans.

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Parle-moi de ton personnage de Mathieu de Léry dans In Memoriam.

Dès que j’ai lu le scénario de cette série, j’ai eu envie de jouer ce personnage. Il y a un dicton qui dit Ce à quoi l’on fait face s’efface, et ce que l’on fuit nous suit. Cette série parle exactement de cela. Ça aborde les traumas familiaux. Ce personnage m’amène à jouer quelque chose que je n’avais pas eu à explorer tant que ça dans ma carrière d’acteur. Il est mené par la jalousie, l’insécurité et la peur. C’est une victime qui peut devenir un bourreau. C’est une série ambitieuse, un thriller familial comme on en a très peu vu au Québec. Dans les dernières années, j’ai beaucoup joué dans les projets que j’écrivais. Or, artistiquement, c’est aussi plaisant d’aller jouer dans l’univers des autres.

Est-ce qu’écrire a changé ta façon de jouer?

Oui, vraiment. Depuis Avant le crash, je ne joue plus de la même façon. J’en parlais dernièrement avec Patrice Robitaille, qui a réalisé la dernière saison de C’est comme ça que je t’aime, et il m’a lui aussi dit qu’il n’allait plus jouer de la même façon. C’est difficile à expliquer, mais on dirait que de s’impliquer dans la production, ça permet d’avoir une vision globale du projet. On est plus conscient de plein de choses qui se passent sur le plateau et ça apporte un renouveau dans la façon de travailler, que j’aime beaucoup.

Ces jours-ci, tu tournes aussi dans le film d’André Forcier. C’est un retour aux sources pour toi, n’est-ce pas?

En effet, j’ai l’impression que je rentre à la maison, car la première fois de ma vie que j’ai tourné, c’était avec lui. Je venais de sortir de l’école, j’avais 19 ans, et je jouais dans Les États-Unis d’Albert. Je m’envolais dans le désert avec Roy Dupuis et Céline Bonnier. Ça fait plus de 20 ans cette année. J’ai donc 20 ans de carrière. Retrouver Forcier, c’est un vrai bonheur. Son scénario est vraiment extraordinaire, et le film aura pour titre Ababouiné. C’est un réalisateur au style unique, rempli de poésie.

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Vingt ans de carrière, ça te fait quoi?

Ça me rappelle que le temps passe vite et qu’il faut en profiter. Je réalise aussi ma chance: je suis vraiment privilégié, parce que j’ai eu de très beaux rôles. J’ai pu travailler avec de grands créateurs et c’est un beau cadeau.

Ta carrière se passe-t-elle comme tu le pensais?

Non, je dirais qu’elle se passe beaucoup mieux que ce que j’avais imaginé! Même que je ne pensais pas me mettre à écrire ni à développer des projets. Je venais d’avoir 35 ans et je n’avais plus envie d’attendre après les autres pour travailler. Quand j’ai eu ma fille, Marguerite, je me suis mis à être obsédé par l’idée de manquer de travail. De là est venue cette envie d’écrire et de prendre des risques. Je me suis lancé là-dedans et c’est la meilleure chose qui me soit arrivée. Quand on est acteur, on existe dans le désir des autres et je ne suis pas si bon pour vivre dans cette situation. Je veux exister d’une autre façon. Je n’ai pas envie de demander pour pouvoir travailler. Par contre, quand j’ai ouvert mon ordinateur pour commencer à écrire Avant le crash, je ne savais pas si je pouvais le faire, si j’avais ça en moi. C’est une belle surprise.

Tu m’as déjà dit que tu voulais être plus qu’une belle gueule dans ce métier. Penses-tu avoir réussi?

Disons que la quarantaine s’en charge bien! (rires) Sérieusement, je pense moins à ça et j’ai l’impression que j’ai réussi à briser cette image de belle gueule. Justement, l’écriture me permet de montrer une autre facette de moi. D’être beau ou pas, je m’en fous; je veux surtout être un bon acteur et que mes projets fonctionnent. Mais il y a eu des périodes où j’ai eu peur qu’on m’offre des rôles grâce à mon apparence; je voulais jouer autre chose que des jeunes premiers. Avec le temps, je pense avoir réussi à faire mes preuves, et on me parle moins de ma belle gueule.

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Est-ce difficile pour toi de vieillir?

Pour le moment, je trouve ça formidable d’avoir 40 ans. J’ai de l’expérience et, surtout, j’ai encore de l’énergie! Donc, c’est le fun d’avoir cet âge. En plus, j’ai une belle vie. Je suis en couple avec une femme extraordinaire depuis 11 ans et j’ai une petite fille fantastique. Je n’ai jamais été du genre à avoir un plan de vie, avec le désir d’acheter une maison à 30 ans et d’avoir six enfants. Cela dit, mes 11 années avec Kim sont les plus belles de ma vie.

Et la vie de papa dans tout ça?

Ma fille a déjà cinq ans. J’adore être papa. Comme Luc Picard me l’a déjà dit: «Avoir un enfant, ça double ta superficie sensible.» À la naissance de ma fille, il y a quelque chose qui s’est ouvert en moi et qui ne se refermera jamais.

Et que peut-on te souhaiter pour la suite?

Que je puisse simplement continuer à faire ce que je fais en ce moment, mais que ce soit un petit peu plus doux. Mais je suis sur une belle lancée, je suis heureux. Je me cherchais durant la trentaine, surtout au début. Je me suis trouvé. Je suis un amoureux heureux, un papa heureux et un acteur heureux. Quoi demander de plus?

La série In Memoriam est disponible sur Crave.

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