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Environnement

De la matière fécale pour alimenter l’Oregon en énergie propre

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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2022-03-27T18:06:10Z
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L’Oregon a trouvé un moyen efficace de satisfaire ses besoins en électricité. L’État transforme les excréments retrouvés dans les eaux usées en source d’énergie renouvelable. Les usines d’épuration ont donc le potentiel de générer de l'énergie plutôt que d’en consommer.

L’Ouest américain est aux prises avec des incendies de plus en plus destructeurs qui menacent les infrastructures. 

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Les feux de forêt de l’été 2020 ont brûlé l’Oregon sur des dizaines de milliers de km2. Les flammes qui se rapprochaient dangereusement de la station d'épuration de Clackamas Water, à Oregon City, ont alarmé les employés de l’usine. Si elle venait à perdre l’électricité, les eaux non traitées inonderaient la rivière Willamette et causeraient d’importants dommages environnementaux. 

La station a tenu le coup. Mais avec ces phénomènes météorologiques extrêmes qui s’accélèrent, le stockage d'énergie renouvelable pouvant renforcer la résilience du système électrique continuait de préoccuper les employés

À l’automne 2021, l’usine a pris les devants. Pourquoi ne pas y convertir les déchets humains en énergie renouvelable?

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Fabriquer du biogaz 

«Lorsque la boue d’épuration sort de l’usine de traitement des eaux, on la place dans des réacteurs fermés. On n’ajoute pas de produit chimique, c’est la microbiologie qui effectue le travail. La matière va se dégrader. Une partie sera convertie en gaz, majoritairement en méthane, qui est le composé principal du gaz naturel», explique la professeure au département de génie chimique de l’Université Laval, Céline Vaneeckhaute.

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Le biogaz est produit à partir du méthane qui se retrouve dans la décomposition des déchets humains dans un environnement sans oxygène.

«C’est ce qu’on appelle la digestion aérobie», précise la spécialiste de la valorisation des eaux usées et des résidus municipaux. 

Capture d'écran Station d'épuration de Clackamas Water
Capture d'écran Station d'épuration de Clackamas Water

Le reste des déchets plus difficiles à dégrader est ensuite transformé en digesta, une matière riche en potasse, azote et phosphore, utilisée comme engrais. 

Depuis 2017, déjà, la ville de Portland en Oregon utilise les matières fécales comme source d'énergie verte.

Le projet Poop to Power permet annuellement d’éliminer 21 000 tonnes de GES — l’équivalent de 4600 voitures —, de générer plus de 3 M$ de revenus puis de remplacer 4,9 millions de litres de diesel par du gaz naturel propre et renouvelable dans les camions lourds.

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Portland affirme être en voie d'exploiter la quasi-totalité du méthane produit par sa station d'épuration afin de le transformer en biogaz. 

Elle se dit «leader nationale» dans la transformation des excréments en énergie.

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Dans cet État, 68% de l’électricité produite provient de sources renouvelables – dont 50% de l’hydroélectricité –, selon les données de 2020. Le reste est fabriqué avec du gaz naturel. 

Économie circulaire 

Il faut savoir que le traitement des eaux usées demande beaucoup d'énergie. 

Les infrastructures consomment approximativement 3 à 4% de l'électricité utilisée à l'échelle du Québec, selon l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). Un secteur de l'économie où l’utilisation d’énergie est «relativement élevée», donc. 

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Mais en transformant les déchets humains, les installations de traitement des eaux usées ont le potentiel de générer de l’énergie – et de l’argent – plutôt que d’en consommer.

«On tout intérêt à utiliser les boues d’épuration», souligne la professeure Vaneeckhaute. «Même si la vaste majorité de l’énergie du Québec est déjà verte. Il faut encourager l’économie circulaire.» 

«Ça pourrait être intéressant pour fabriquer de l’électricité propre dans les régions décentralisées de la province qui ne sont pas connectées au réseau Hydro-Québec», fait valoir l’experte.

Au Nunavik, en Haute-Mauricie, sur la Basse-Côte-Nord, à Anticosti et aux Îles de la Madeleine, les 22 réseaux autonomes d’Hydro-Québec sont alimentés par des génératrices au diesel et au mazout lourd. 

Ils constituent la principale source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du réseau électrique québécois, fourni à 99% par des énergies renouvelables.

Et le Québec possède déjà l’expertise pour convertir les déchets humains en énergie.

«On a des usines à Saint-Hyacinthe, à Rivière-du-Loup, et il y en a d’autres en construction. À Québec, on est en train de faire une usine de biométhanisation qui va transformer les déchets alimentaires en énergie», détaille Mme Vaneeckhaute. 

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