Ok, Doomer: le mouvement qui veut contrer l’alarmisme climatique
Anne-Sophie Poiré
«Ok, Doomer», c’est la réponse d’une communauté grandissante de jeunes militants pour le climat au cynisme environnemental. Cette riposte — tout aussi cinglante que son précurseur «Ok, Boomer» — rappelle qu’il est temps de passer aux solutions plutôt que de se laisser foncer dans le mur climatique.
Ils ont lu les rapports alarmants sur le climat. Ils assistent aux feux de forêt, aux inondations, aux vagues de chaleur aux deux pôles, à la guerre en Ukraine qui pousse à produire davantage de combustibles fossiles et à la multiplication des événements météorologiques extrêmes.
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Mais, malgré l’urgence, ils refusent le statu quo. «Non, il n’est pas trop tard pour agir», plaident ces personnes — souvent jeunes — qui luttent contre le catastrophisme climatique.
Alaina Wood, 25 ans, connue comme The Garbage Queen sur les réseaux sociaux, fait partie de ce groupe qui préfère miser sur les moyens de lutter contre la crise dans leur vie quotidienne.
En se concentrant uniquement sur les mauvaises nouvelles, confiait la communicatrice climatique et experte en développement durable au New York Times, on s’enfonce dans l'inaction, le consumérisme et l’exploitation des combustibles fossiles.
@thegarbagequeen Reply to @kaydencenoelle #climate #climatechange #climatecrisis #globalwarming #ecoanxiety #climateanxiety ♬ original sound - Alaina Wood
Changer de ton, ça fonctionne
«Ça ne sert à rien de faire des enfants, la planète est foutue et l'humanité tout entière va périr dans quelques décennies.»
«Ok, Doomer»
«Ça ne sert à rien de publier des photos de tortue avec une paille dans le nez pour les retirer du marché, ce n’est pas comme ça qu’on va sauver la planète.»
«Ok, Doomer»
Au cours de l'été 2021, Alaina Wood a commencé à créer des vidéos TikTok pour démystifier ces exemples de catastrophisme climatique. Elle cherchait à éduquer la population plutôt qu'à l’effrayer, puis à exposer les bonnes nouvelles pour la planète.
@thegarbagequeen Just a few #climatesolutions 🌍 #climatechange #ecotok #climatecrisis #climateaction ♬ Works Of Art - RobertKenobi
Avec ce changement de ton, son nombre d’adeptes a triplé, dit-elle. The Garbage Queen compte désormais 300 000 abonnés sur TikTok.
Elle a également contribué à créer un groupe de défenseurs du climat aux vues similaires sur le réseau social, appelé Eco-Tok. Leur hashtag #ecotok dénombre plus de 300 millions de vues.
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Non au doom and gloom
Sans perdre de vue la science qui expose une réalité climatique souvent effrayante, le défaitisme, lui, est tout simplement contre-productif, prévient la psychologue Inês Lopes.
«Dans les campagnes pour l'environnement, on dit de ne pas entrer dans le doom and gloom [pessimisme et morosité] parce que les gens deviennent comme des chevreuils devant des phares, ils paralysent. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus efficace en termes d'impacts», explique la spécialiste de l’écoanxiété.
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Il faut être honnête et réaliste, rappelle l’experte, sans toutefois donner tous les détails de ce qui est catastrophique.
«Quand on doit annoncer la mort d'un proche, par exemple, on ne va pas entrer dans les détails graphiques de comment il est mort. Ce n'est pas nécessaire. Mais est-ce qu'on lui cache? Non plus», illustre Mme Lopes.
La ligne est donc très fine.
«On veut que les gens comprennent que c'est sérieux, mais qu'ils ne soient pas paralysés par la peur. C'est ça le défi», fait valoir celle qui est aussi éducatrice à l’environnement.
Avec Élizabeth Ménard