Publicité
L'article provient de Clin d'oeil
Style de vie

Dating et pandémie: quand la peur prend le dessus

STOCKSY
Partager

Maude Goyer

2022-02-13T14:00:00Z
2022-02-14T14:19:04Z
Partager

Êtes-vous atteint de FODA, soit la peur de recommencer à fréquenter des gens dans un but romantique ou sexuel? Confinés et isolés pendant des mois, de nombreux célibataires sont réticents à l’idée de refaire un pas vers l’inconnu. D’autres ont perdu leurs repères et se sentent maladroits. Parlons-en.

• À lire aussi: Cette habitude peut devenir un tue-amour pour les couples

Sophie-Anne venait tout juste de se séparer de son conjoint des 15 dernières années lorsque la première vague de covid-19 a frappé la province. Pour la Montréalaise de 40 ans, mère d’une fillette, le choc a été brutal: «Je pensais renouer avec le fun de “dater”, de rencontrer de nouvelles personnes, de vivre à fond ma vie de célibataire, laisse-t-elle tomber en étouffant un rire, mais cela a finalement pris 15 mois avant que je n’ose faire quoi que ce soit en ce sens!»

Que ce soit clair!  

Elle est loin d’être la seule. Selon un sondage effectué au début de 2021 par la populaire application américaine de rencontre Hinge, 51 % des utilisateurs ont avoué ressentir cette peur. Du côté du réseau Match, 38 % des abonnés ont affirmé que «leurs aptitudes sociales les rendent nerveux dès qu’il est question d’avoir de vraies relations, dans la vraie vie». Paralysée par la peur de faire entrer le virus chez elle, angoissée par l’avenir, ensevelie sous la multiplication des tâches (travail à la maison, école fermée), Sophie-Anne ne s’est inscrite sur une application de rencontre que lorsque la troisième vague s’est essoufflée. Et ses intentions étaient claires: «Je voulais avoir du fun! Pas d’attaches, pas de promesses, pas de soupers de famille et pas question de dormir chez nous.» Cette manière d’aborder la rencontre sans filtre, en mode «On arrête le niaisage», est l’un des effets de la pandémie, selon Myriam Daguzan Bernier, étudiante en sexologie. «Les gens annoncent leurs couleurs plus rapidement et plus clairement, dit-elle. Ils affirment: “Voici ce que je veux” et évoquent, par exemple, leur statut vaccinal tout de go. Les critères se resserrent et la franchise est de bon ton, comme une façon de dire: “Si je me déplace pour quelqu’un, il faut vraiment que ça vaille la peine!”».

Publicité

Une chose à la fois...  

Marc-André, un Sherbrookois de 35 ans, était tétanisé pendant les deux premières vagues de coronavirus. Vivant seul, il s’est encabané chez lui et s’est retiré des applications de rencontre, par crainte d’attraper et de propager le virus. «Je n’avais aucune envie d’être sur le marché du dating!» avoue l’ingénieur. La pandémie a fragilisé la santé mentale d’une grande partie de la population: craintes, incertitudes, stress, anxiété et isolement ont nourri le réflexe, chez nombre d’entre nous, de se tenir en état d’alerte, constamment en hypervigilance. Une étude de l’Université de Sherbrooke, publiée en septembre 2020, s’est penchée sur les conséquences psychosociales de la pandémie au Québec. Elle révèle ainsi que 18 % des adultes présentent des symptômes du trouble de stress post-traumatique. Ce trouble se traduit, entre autres, par un sentiment intense d’impuissance, un flot de pensées incontrôlables et des difficultés à se concentrer, à dormir ou même à ressentir certaines émotions. Quand Marc-André a repris les rênes de son Tinder, il a renoué avec le dating... en accéléré! «Les activités de rencontre pour briser la glace, je les fais en ligne, raconte-t-il. Par exemple, je propose un apéro virtuel en FaceTime. Je vois assez vite si le courant passe et si ça vaut la peine de faire une activité ensemble par la suite. Ça passe ou ça casse.»

Il s’agit d’une bonne stratégie pour sortir de sa torpeur, croit Kanica Saphan, sexologue. «L’idée est de s’enlever un maximum de stress, précise-t-elle, et c’est encore plus vrai en temps de pandémie. Si aller au restaurant nous semble intense pour une première rencontre, on peut opter pour une marche dans un parc à la place.» Elle ajoute que sortir de sa zone de confort est un processus qu’il vaut mieux entamer de façon progressive pour regagner confiance en soi. «On ne plonge pas dans une piscine sans en connaître la température. On commence par y tremper un orteil et voir comment on se sent», illustre-t-elle.

Publicité

• À lire aussi: Les bijoux pour seins sont la nouvelle tendance sexy de l’heure

Qui suis-je? Où vais-je?  

Il n’en demeure pas moins que toute l’entreprise est stressante... voire déstabilisante. Isabelle, célibataire de 28 ans vivant à Joliette, en a fait la douloureuse expérience lorsqu’elle s’est remise à «dater» au printemps 2021. «Je ne savais pas quoi dire! Il ne s’était tellement rien passé dans ma vie depuis un an... Qu’est-ce que j’avais envie de révéler sur moi, quoi mettre de l’avant, sur quoi miser? J’étais perdue.» Mme Daguzan Bernier remarque que la pandémie en a ajouté une couche. «Le monde du “dating” est déjà complexe, note-t-elle, car il peut être brutal. Je pense qu’il faut prendre son temps, poser ses limites, revenir à l’essentiel en relativisant et essayer de rester soi-même.» Mme Saphan ajoute que «dater» comporte toujours une part de risque. «Oui, on se fait juger... mais on juge aussi, fait valoir la sexologue. Il ne faut pas oublier que la personne qu’on a en face de soi est probablement tout aussi stressée que nous!» Par ailleurs, la pandémie est venue souligner à gros traits une autre problématique de société: la gestion de l’image corporelle. Cloîtré chez lui aux moments forts de la crise sanitaire, le Québécois moyen a peu bougé, a consommé plus d’alcool, a cuisiné et a mangé davantage. Et il a pris du poids. Isabelle confesse: «J’ai pris 3,5 kg au cours des 20 derniers mois. Ça ne me dérange pas tant que ça dans ma vie de tous les jours, mais je n’irais pas jusqu’à dire que je suis 100 % à l’aise par rapport à mon corps, surtout nue.» La coquetterie a encore sa place, clame haut et fort Kanica Saphan. «Un moment pour soi, que ce soit un massage, une séance chez l’esthéticienne, le coiffeur, le barbier, l’achat de nouvelles chaussures ou de nouveaux vêtements, bref, se faire beau ou belle et se sentir bien, ça ajoute une bonne dose de confiance. On a tous un peu perdu ça pendant la pandémie.»

Publicité

Une double dose avec ça?  

Ce qui s’est aussi perdu, croit Maxime, un célibataire de 47 ans, c’est l’insouciance. «Avant la pandémie, le “dating” était plus léger, plus ancré dans le moment présent», dit celui qui a continué à avoir des fréquentations tout au long de la crise sanitaire. «Là, dès les premiers échanges, on se pose des questions importantes: est-ce qu’on est doublement vacciné? Est-ce qu’on suit les consignes du gouvernement? Et si on ne le fait pas, à quel point est-on à l’aise dans la situation actuelle?» Aucun détour dans son cas: il annonce d’entrée de jeu sur son profil Bumble qu’il est «double vacciné». L’expression a d’ailleurs connu une croissance fulgurante sur les plateformes de rencontre: les dirigeants de l’application de réseautage américaine OkCupid indiquent avoir remarqué une augmentation de 1500 % du mot «vacciné» entre janvier et avril 2021. Être vacciné est même devenu une option supplémentaire parmi les critères de recherche. «C’est un prérequis, avoue Sophie-Anne. Si tu n’as pas reçu tes doses, tu n’entres pas chez moi!»

Alors, se lancer ou non... telle est la question. Isabelle a choisi de tout mettre sur pause et a fermé ses profils sur les sites de rencontre. «J’aimerais attendre que la pandémie soit derrière nous avant de recommencer à “dater”, dit-elle. Je ne sais pas si la situation va revenir à la normale, mais pour le moment, j’en suis là, même si je me donne le droit de changer d’idée.» La sexologue Kanica Saphan conclut en soulignant l’importance d’en revenir toujours à ses propres désirs et besoins. «Avec quoi va-t-on vivre le mieux? Le potentiel remords d’être rejeté par l’autre ou le potentiel regret de ne pas oser s’exposer à cet autre?»

À VOIR :

Publicité
Publicité

Sur le même sujet