Tout ce qu'il faut savoir sur la tendance des faux ongles
Les rallonges d’ongles, pas nouvelles pour deux sous, connaissent un pic de popularité grâce aux réseaux sociaux. Mais au fait, quelle histoire se cache derrière ces griffes acérées, et comment les adopter avec brio? On vous dit tout!
Marouchka Franjulien
«Les rallonges nous permettent de créer des choses vraiment plus amusantes qu’avec des ongles naturels courts, assure Alexandra Pilon. Et puis, ça donne du style et de l’assurance!»
Dans son studio montréalais, cette artiste manucuriste consacre en moyenne de deux à quatre heures à la réalisation d’une œuvre, de la pose des rallonges au gel jusqu’au dessin lui-même, afin de répondre aux désirs parfois extravagants de sa clientèle, qui puise notamment son inspiration sur Instagram.
La tendance, elle, ne date pas d’hier. Tout commence dans l’Égypte ancienne, alors que les premiers faux ongles, faits en os, en or ou en ivoire, témoignent du statut social de ceux qui les portent. Une idée qui fait son chemin jusqu’en Chine, sous la dynastie Qing, au XVIIe siècle. La mode est alors à un ou plusieurs ongles (très) longs. Pour préserver ces griffes pouvant facilement atteindre 10 cm, les aristocrates enfilent une petite innovation: le protège-ongle en or ou en argent! Plus tard, au XIXe siècle, les femmes grecques riches préfèrent plutôt se coller des coques de pistaches sur le bout des doigts, avant que l’invention des rallonges en acrylique ne vienne changer la donne.
En 1934, un dentiste américain du nom de Maxwell Lappe crée des ongles artificiels pour ses patients qui se rongent les doigts, mais il faut attendre 1954 pour qu’un autre dentiste, Fred Slack Jr., flaire la bonne affaire en se cassant un ongle dans son laboratoire. En effet, il décide de le recoller en utilisant du papier aluminium et de l’acrylique dentaire... et comprend rapidement l’intérêt esthétique de son invention! Son brevet en poche, il lance les rallonges telles qu’on les connaît aujourd’hui.
D’un symbole élitiste...
C’est principalement sur les réseaux sociaux – d’Instagram à TikTok – que l’engouement pour les longues griffes se fait sentir. Le mot-clic #nailart compte plus de 89 millions d’occurrences. De leur côté, #fakenail (faux ongles) et #nailextensions (rallonges d’ongles) récoltent près d’un million d’occurrences chacun. Ils regroupent une collection d’images impressionnante qui permet de prendre le pouls des tendances. «Les petits dessins – fleurs, cœurs, papillons, bonshommes sourire... – ont la cote, tout comme les carreaux façon échiquier et les ongles en 3D, explique Alexandra Pilon. La manucure française reste aussi très populaire, même si on la préfère aujourd’hui dans des couleurs plus osées.» Les tourbillons seventies, les motifs graphiques, les dégradés fluo et les personnages tirés de l’univers des dessins animés et des mangas japonais ne sont pas en reste, tout comme les formes d’ongles originales, du stiletto ultra pointu au carré ovale, plus connu sous le nom de coffin (cercueil) et qui séduit un florilège de stars. Sur les tapis rouges, les rallonges XL se font remarquer. Cardi B, Megan Thee Stallion, Dua Lipa, Billie Eilish et Kylie Jenner en sont adeptes, tout comme le rappeur Machine Gun Kelly qui, avec ses griffes défiant les lois de la gravité, pourrait facilement se faire passer pour Edward aux mains d’argent!
... aux préjugés racistes!
Les griffes XL s’imposent dans les années 70 et 80, popularisées aux États-Unis par les communautés noire et latino-américaine (Diana Ross, Donna Summer et la mannequin Donyale Luna en sont d’ailleurs fans). Mais, alors qu’en Égypte, en Grèce ou en Chine, les faux ongles symbolisaient un statut social élevé, une nouvelle connotation leur est désormais associée. On les qualifie de «vulgaires» et de «ghetto», des stéréotypes empreints de racisme et de classisme. L’athlète américaine Florence Griffith-Joyner, dite Flo Jo, en fait les frais. Grande gagnante des Jeux olympiques d’été de Séoul en 1988, la sprinteuse est immortalisée avec des rallonges en acrylique de 10 cm. Cette ex-esthéticienne vient de remporter deux médailles d’or, et pourtant c’est son look qui retient l’attention – et les critiques – des médias... Tout ça ne décourage heureusement pas, en 2021, une autre sprinteuse américaine, Sha’Carri Richardson, de montrer ses griffes sur la piste de course (et de remporter la victoire haut la main)!
La folie des rallonges
En 1995, la manucure des stars Bernadette Thompson décore les ongles de la chanteuse Lil’ Kim avec des billets de 1 $US – elle utilisera par la suite des coupures de 100 $US – et fait sensation... à tel point que ses coûteuses rallonges font désormais partie de la collection permanente du MoMa, le musée d’art moderne de New York.
C’est que, dans les années 90, les artistes hip-hop – de Missy Elliott à Janet Jackson – connaissent un succès retentissant, et leur style rayonne au-delà de la scène. À l’aube du nouveau millénaire, aux États-Unis comme en Asie (notamment au Japon, où l’art de la décoration des ongles prend de l’ampleur), les fausses griffes ne font plus tiquer personne, ou presque... car ça n’empêche pas les préjugés racistes de subsister! Il n’y a qu’à voir la couverture médiatique à laquelle ont eu droit Cardi B et Kylie Jenner en 2018. Les deux mamans ont été montrées du doigt pour leurs griffes interminables, peu adaptées à la «gestion» d’un nourrisson, mais seule la seconde a pu compter sur un soutien sans faille (ou presque) de la part des journaux. À force de voir de longues griffes partout, on constate que la démocratisation est en marche, mais il reste encore du chemin à faire!
Avant de sauter le pas...
Tamara Di Lullo, propriétaire du bar à ongles Candy Nail Bar, à Montréal, et formatrice pour la marque CND, nous explique tout ce qu’il faut savoir pour adopter les rallonges d’ongles en toute sérénité.
Quelles rallonges d’ongles choisir?
«L’acrylique est très dur, mais moins naturel, tandis que le gel est plus flexible et léger. Son adhérence est aussi de qualité supérieure. Quant à la technique résine et poudre, elle est facile et rapide, mais l’adhérence est souvent problématique.»
Combien de temps dureront nos nouvelles griffes?
«Ça dépend de nos activités manuelles et du pH de notre corps. Cela dit, ça dure en moyenne de 3 à 4 semaines, mais il est préférable de faire un remplissage toutes les 3 semaines pour garder l’ongle naturel en santé et éviter les cassures.»
Comment choisir la longueur?
«Je conseille un ratio de 1⁄3 de prothèse pour 2/3 de plaque d’ongle naturelle.»
Est-ce qu’on risque d’abîmer nos ongles naturels?
«Non, pourvu qu’on n’arrache pas nos rallonges et qu’on n’attende pas trop longtemps avant de les faire enlever ou remplir.»
