Sylvie Léonard heureuse que sa fille fasse le même métier qu’elle
Michèle Lemieux
Sylvie Léonard est reconnue pour son franc-parler, ses convictions, ses opinions. Femme engagée, elle défend avec aplomb les valeurs qui lui sont chères. Féminisme, environnement, avenir de la planète, les causes qu’elle défend sont nombreuses. Entrevue avec celle qu’on verra dans quatre épisodes d’Un gars, une fille pour souligner le 25e anniversaire de la série.
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Sylvie, racontez-nous le contexte qui a permis le retour de la populaire série Un gars, une fille pour quatre épisodes...
Depuis bientôt 20 ans, les gens nous demandaient, à Guy et à moi, de revenir avec nos personnages. Il y a eu des projets de film et de pièce de théâtre, mais ce n’était pas pertinent. Guy et moi, nous disions toujours que nos personnages n’étaient pas morts. C’était un projet en dormance, mais sincèrement, je ne pensais pas que nous allions revenir un jour. Dans le tourbillon des 25 ans d’Un gars, une fille, Guy et moi nous sommes demandé ce que nous pourrions faire pour marquer le coup. L’idée d’un spécial d’une heure nous est venue. Radio-Canada ne voulait pas de spécial, mais plutôt quatre épisodes. Le moment était bien choisi. Guy et Sylvie sont toujours en couple, les enfants ont grandi. Nous verrons où ils en sont dans leur vie. Ils se retrouveront à Montréal avec tout ce qu’elle offre et n’offre plus! Les personnages ont évolué, mais ils ne changent pas. S’ils sont ensemble depuis 30 ans, c’est qu’ils se sont aimés et qu’ils se sont acceptés.
En quoi Sylvie est-elle proche de Sylvie Léonard?
Elle est très loin de moi, mais ses préoccupations ne sont pas loin de celles que j’observe chez certaines femmes. Sylvie est l’archétype de la femme aux prises avec ses propres contradictions. Ses défauts étaient insupportables pour certains téléspectateurs tandis que les défauts de Guy faisaient rire. Le double standard est toujours présent. Sylvie a évolué. Elle a, entre autres, appris à se servir d’Excel, mais moi, dans la vie, je n’ai aucun intérêt pour la chose! Je ne suis quand même pas un dinosaure... J’ai un i-Pad et ça me suffit. Je suis vraiment très différente de Sylvie, mais j’ai en commun avec elle de dire assez rapidement ce que je pense.
Iriez-vous jusqu’à dire qu’avec vous, on a toujours l’heure juste?
Oui. Si quelqu’un dit quelque chose de grotesque ou d’antiféministe, je ne me gênerai pas pour le remettre à sa place. Dans ce genre de contexte, je peux être prompte. Parmi tous ceux qui me rencontrent, personne n’a la même opinion de moi. Je peux paraître froide, directe, bête, distante et je peux être tout cela. D’autres diront que je suis plutôt simple et facile d’approche. Tout dépend du point de vue. Je pense qu’il en est ainsi pour tout le monde, mais ça se cristallise particulièrement chez les personnalités publiques. À cela s’ajoute le fait que j’ai toujours eu une certaine réserve par rapport à ma vie privée.
Parce que vous êtes de nature discrète?
Je ne comprends pas pourquoi ça intéresserait les gens. Je n’aime pas les potins. Je n’en comprends pas la nécessité. Je ne regarde pas les téléréalités: je n’en vois pas l’intérêt. Je me regarde dans tous les rôles que j’interprète, mais je ne réécoute toutefois pas les entrevues que je fais. Je peux partager mes valeurs, je peux parler du féminisme, mais entrer dans le détail de ma vie? Non.
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On vous a vue récemment sur un tapis rouge avec votre amoureux. C’était quand même un événement rarissime...
J’ai souvent fait des tapis rouges avec lui, mais nous ne sortons pas constamment ensemble. Je ne me cache pas, mais je ne ferais pas d’entrevue à ce sujet. Je ne sors pas qu’avec lui: je vais souvent au théâtre avec mes amies, qui sont très importantes pour moi. Certains couples sont constamment ensemble, mais ce n’est pas notre cas.
L’amitié occuperait donc une grande place dans votre vie?
Oui, et ç’a été le cas à toutes les étapes de ma vie. Ces liens ont toujours pris une grande place. Certaines amitiés remontent à il y a très longtemps, d’autres à 10 ou 12 ans. Certains se demandent si on peut nouer de nouvelles amitiés à partir d’un certain âge. Moi, je crois que oui. Dans notre métier, il n’y a pas de clivage d’âge. Nous entretenons des amitiés avec des gens plus jeunes et avec d’autres, plus vieux. J’ai une amie qui a à peine 30 ans. Elle a l’âge de ma fille, mais c’est une amie.
Parmi ces amis, il y a Guy A. Vous souvenez-vous du contexte dans lequel vous vous êtes rencontrés?
Oui. Je n’oublierai jamais cette rencontre, et lui non plus. Je devais jouer dans RBO quand j’ai croisé Guy A. dans un couloir. Nous nous sommes mis à jaser, et ça a cliqué entre nous. Depuis, nous ne nous sommes plus jamais laissés. Entre nous, c’est 30 ans d’amitié. Nous ne sommes pas toujours d’accord. Je l’aime, j’aime ce qu’il est. Certains me disent qu’il est comme un frère, mais ce n’est pas le cas. C’est une âme sœur. Même si nous sommes un moment sans nous voir, il n’y a pas d’ajustement ou de décalage lorsque nous nous retrouvons. Nous avons une grande complicité. Guy et moi, nous ne jouerions pas un Tchekhov ensemble. Ça serait indécent... C’est Guy qui le dit! Il peut faire de l’impro ou être un animateur hors pair alors que, de mon côté, ça dépend des jours. Mais lorsque nous jouons Guy et Sylvie, nous n’avons même pas besoin de nous donner d’indications: les choses vont de soi.
Vous arrive-t-il de vous demander conseil l’un à l’autre?
Oui, surtout sur le plan du jeu. Quant aux décisions du métier, nous sommes tous les deux très autonomes. On nous a déjà proposé d’animer un gala, mais j’ai refusé. Je n’ai pas cette force. Si je vais chercher un Gémeaux, je suis très stressée et je connais mon texte par cœur. Mais je n’ai aucune pudeur à me mettre un masque de concombres dans le visage et à jouer Francine dans Caméra café.
C’est important de savoir où sont les limites de notre terrain de jeu?
Bien sûr. Je n’ai pas relevé certains défis et je n’ai pas à le faire. Sortir de sa zone de confort le dit bien: en dehors de mes limites, je suis incompétente et je le sais. Je ne vais pas relever des défis simplement pour prouver que je peux le faire.
Vous faites partie de ceux et celles qui n’ont pas d’âge. Vous avez 68 ans, si je ne m’abuse?
Pas encore. Je les aurai cet été. J’ai 67 ans.
Arrivez-vous à bien vieillir dans ce métier?
Oui, parce que j’ai des rôles. Je pense que ce métier peut nous permettre de tenir des rôles toute notre vie. Tant qu’on a la mémoire et la santé, on peut jouer. J’espère pouvoir continuer à le faire comme de grandes comédiennes que j’ai côtoyées: Andrée Lachapelle, Monique Miller et Janine Sutto, notamment. Quand Janine a joué Les Belles-sœurs à Paris, c’est elle qui insistait pour sortir après les représentations... (rires) Dans une salle de répétition, on rencontre des gens formidables. Je ne pourrai jamais assez dire à quel point j’aime le théâtre. L’année dernière, l’Espace Go m’a rendu hommage. Pour moi, c’était une consécration personnelle. Je regarde les jeunes comédiennes que j’admire, les plus vieilles
que j’admire aussi, et dans une salle de répétition, elles cohabitent toutes. C’est absolument extraordinaire!
À votre tour, croyez-vous être devenue un modèle pour la jeune génération?
Bien humblement, certaines me le disent, mais ce n’est pas à moi d’en juger. Je me souviens de la première fois que j’ai travaillé avec Jean-Louis Millette. C’était une idole! Avec Hélène Loiselle, ç’a été la même chose. Je voulais juste l’embrasser et lui dire à quel point je l’aimais. La transmission est essentielle.
Dans Virage: Double faute, c’est votre fille qui tient votre rôle, jeune. N’est-ce pas formidable?
Oui, ça l’est! Quelqu’un qui ne savait pas que c’est ma fille a dit: «Mon Dieu qu’elles se ressemblent! Ils ont bien choisi...» (rires) Encore une fois, c’est un rôle que je n’avais jamais joué. Je fais ce métier pour créer des personnages, raconter des histoires, faire voyager et réfléchir les gens, les toucher. Françoise, c’est une autre personnalité qu’on voit évoluer. J’étais ravie de travailler avec Rafaël Ouellet, le réalisateur. J’ai adoré travailler avec Éric Bruneau. Je suis contente du résultat.
Comment avez-vous accepté l’idée que votre fille exerce le même métier que vous?
Si je vois dans les yeux d’un jeune la passion, le désir d’un métier, je sais qu’il est à la bonne place. Ça ne veut pas dire que ce sera facile. Peut-être qu’il lui faudra faire autre chose, parce que dans les arts, c’est très difficile. Je crois que les enfants des comédiens qui veulent pratiquer ce métier le font pour les bonnes raisons. Ils ont été témoins du travail. Ils savent ce que cela implique. Ils ne veulent pas être des vedettes. Ils savent que c’est un métier de labeur, car c’est beaucoup de travail et d’humilité. Il faut faire face au rejet. La gloire n’existe pas: elle est éphémère. Alors finalement, on ne peut qu’être heureux quand nos enfants font ce qu’ils ont envie de faire.
Avez-vous donné des conseils à votre fille ou vous êtes-vous abstenue?
C’est un mélange de tout cela. Comme parent, d’une manière générale, on connaît la grandeur du carré de sable dans lequel notre enfant peut jouer. Plus il grandit, plus le carré de sable grandit, et moins les limites sont claires. Comme parent, on fait un apprentissage en même temps que notre enfant grandit. Il faut donner de l’amour et enseigner la rigueur, mais ne pas tout leur éviter. Je crois que c’est dans le rejet et l’échec qu’on apprend.
Quels sont vos rêves à réaliser en tant que femme?
Je ne sais pas, car, comme plusieurs des personnes qui m’entourent, je souffre d’écoanxiété. Je suis très inquiète face à l’avenir de la planète. Je suis anxieuse. Si je regarde à long terme, je me questionne: est-il trop tard pour arrêter la dégradation de la planète? Alors je n’ai pas d’autre projet à long terme que de vouloir que ça aille mieux dans le monde. C’est gros comme souhait et ce n’est pas original, j’en conviens... La situation actuelle est anxiogène. Je ne suis pas seule à le penser. Parmi mes souhaits, j’aimerais faire du bénévolat. Ça fait partie de mes projets.
Chérissez-vous une cause en particulier?
Celles qui sont en lien avec les enfants. J’aimerais faire de l’aide aux devoirs. J’adore les enfants! Je suis aussi touchée par tout ce qui concerne la violence conjugale, la violence faite aux femmes. Je suis sans connaissance de voir le nombre de féminicides. Il y en a plus qu’avant! La question que je me pose, c’est toujours celle-ci: comment puis-je aider? Le bénévolat m’interpelle beaucoup.
Finalement, la femme de convictions, engagée, féministe, écologiste n’est jamais loin, avec vous...
C’est bien résumé: je suis une femme engagée et une femme de convictions...
Les 4 épisodes d’Un gars, une fille seront diffusés sur ICI Tou.tv Extra dès le jeudi 9 mars. On peut voir ou revoir Virage: Double faute sur Crave et sur Noovo.ca.
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