Jacques L’Heureux adore son rôle dans Indéfendable
Daniel Daignault
Comptant bientôt 50 ans de carrière, et alors qu’il vient de célébrer son 70e anniversaire, Jacques L’Heureux n’a pas fini de nous épater. Il joue au théâtre, et on le retrouvera aussi dans Indéfendable, où il campe le juge Lamy.
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Vous avez joué quantité de personnages à la télé. Est-ce votre premier rôle de juge?
J’ai joué des avocats, des détectives, des policiers, mais je pense qu’effectivement, c’est mon premier rôle de juge. À l’âge vénérable que j’ai, c’est normal. Je suis un juge en forme, parce que le théâtre, c’est athlétique, il faut être en forme. C’est du bonbon, ce personnage! Lamy est un bon juge de la vieille école, qui écoute les deux parties. C’est un monsieur de mon âge, pas loin de moi, qui est bien sérieux.
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Un rôle intéressant pour vous...
Oui! J’ai parlé avec Me Richard Dubé, qui collabore à l’écriture d’Indéfendable, et il m’a dit que les juges n’ont pas beaucoup d’amis parce qu’ils doivent demeurer neutres. C’est dur pour eux d’avoir des amis et de discuter politique ou faits divers. J’ai aussi parlé à un ami avocat, et il ne veut pas être juge. Ce sont des hommes très solitaires parce qu’ils ont peur de se faire influencer. Ils ne peuvent pas parler de leur travail ni des causes dans lesquelles ils sont impliqués. Dans Indéfendable, ce sont tous des vrais cas, c’est ça qui est fantastique. Le gars qui a tiré son frère parce qu’un psychiatre le lui a demandé (la première intrigue à l’automne), c’était vrai. Souvent, la vraie vie est plus fascinante que la fiction.
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Mis à part ce rôle, vous avez fait beaucoup de théâtre l’an dernier?
Oui, j’ai joué dans Kilimandjaro, de Mario Jean, au théâtre La Marjolaine, à Eastman, et dans La société des poètes disparus en décembre dernier, au Théâtre Denise-Pelletier, et on présente la pièce un peu partout au Québec jusqu’en mars. C’est une pièce extraordinaire. J’ai eu le plaisir de remplacer Jean-François Casabonne, qui ne pouvait pas faire la tournée, et je peux dire que c’est spectaculaire. On a joué récemment à la salle Maurice-O’Bready, à Sherbrooke, et on a fait salle comble. C’est la quatrième plus grande salle au Québec et il y avait près de 1500 personnes! C’est exceptionnel et l’accueil était délirant.
Il faut dire que les gens connaissent le titre puisqu’ils ont probablement déjà vu le film...
Oui, le film a été fait en 1989 (Robin Williams était en vedette dans cette production) et l’auteur a écrit lui-même l’adaptation pour le théâtre. Au lieu d’avoir 25 élèves dans la classe comme dans le film, on a 6 pour la pièce. Moi, je joue l’un des directeurs de l’école, l’un des bad guys, c’est plaisant.
Préférez-vous jouer au théâtre pour le plaisir d’être devant les spectateurs?
Fouler les planches, c’est extraordinaire! J’ai commencé à faire ça à 14 ans. J’ai eu la piqûre, et j’aime encore ça. Quand j’embarque sur scène dans la pièce et qu’on entendrait une mouche voler dans la salle parce que c’est le méchant directeur qui arrive et que les étudiants se taisent, c’est un feeling qui est dur à battre. Évidemment, c’est très, très plaisant de jouer devant une caméra, c’est quand même mon métier, ça fait 50 ans que je l’exerce.
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Vous me disiez que vous avez été papa assez jeune, à l’âge de 24 ans. Êtes-vous un grand-père?
Oui, je vais être grand-père au printemps pour la quatrième fois. J’ai une belle famille. J’ai deux enfants et trois, bientôt quatre, petitsenfants. Mais ça, je n’en parle pas vraiment.
Quel genre de grand-père êtes-vous?
Un grand-papa gâteau. J’essaie d’être un bon grand-père. Quand je vois la petite dernière, on a du fun au boutte. Pour les parents, surtout avec la covid, c’était rock and roll. Des journées, il y avait de l’école, d’autres pas, et comme les deux sont pigistes, si je peux les aider, tant mieux, et il le faut. Pour moi, c’est juste du fun. Les parents prennent la relève quand ça va moins bien. (rires)
J’imagine que vos petits-enfants ont vu les cassettes ou DVD de Passe-Partout?
Oui, ils savent que leur grand-père, c’est Passe-Montagne. Ils sont fiers de ça. Là, la page est tournée et il y en a des nouveaux qui vont faire plaisir aux jeunes.
On peut dire que l’émission et votre personnage de Passe-Montagne ont été marquants!
Pas à peu près! Espérons que d’autres rôles resteront aussi marquants!
Avez-vous en tête des personnages ou des projets que vous aimeriez faire au cours des prochaines années?
Comme disait Lennon: «Life is what happens to you while you’re busy making other plans» — «La vie, c’est ce qui t’arrive quand tu es occupé à faire autre chose.» Alors je dirais que je suis ouvert à tout. J’ai été très chanceux, je bénis ma bonne étoile, et on n’est jamais meilleur que notre dernier rôle.
Vous avez joué tellement de rôles, on peut dire que vous n’êtes pas identifié à un seul genre de personnage...
C’est ce que j’aime. Le rôle le plus flyé que j’ai joué au théâtre, c’était dans Les dishwasheurs, avec François Papineau et Stéphane Crête. Je jouais un vieux laveur de vaisselle, asthmatique, fumeur, tout croche, il avait l’air d’un robineux. C’était deux heures de maquillage pour chaque représentation; la maquilleuse m’ajoutait des bobos dans le visage, de la couperose, du vernis brun sur les dents, et j’avais une grosse barbe de six mois. J’ai joué devant des amis qui étaient à six pieds de moi quand je mourais sur scène à la fin de la pièce. Les lumières s’éteignaient et se rallumaient pour le salut des comédiens, et l’un de mes amis s’est exclamé: «Hein? Jacques?» Il ne m’avait pas reconnu!
Vous avez l’air en grande forme, et il le faut pour faire du théâtre aussi régulièrement!
Oui, mais ç’a été dur pendant la covid. Dans le milieu des arts vivants, ç’a été difficile pour beaucoup de gens. Je pense surtout aux jeunes, ceux qui sortaient de l’école, tout était fermé. Deux pièces de théâtre dans lesquelles je devais jouer ont été annulées. On devait les faire, ça ne s’est pas produit, et on ne les fera pas non plus parce que d’autres pièces étaient déjà programmées. Je peux quand même dire que j’ai d’autres projets de théâtre pour l’année prochaine. Plus on vieillit, plus c’est difficile d’apprendre son texte sur le bout des doigts. La mémoire est un muscle, ça se pratique, ça se travaille. À 40 ans, je lisais un texte deux fois et je le savais par cœur. Maintenant, je travaille un peu plus fort, j’ai quelqu’un qui m’aide à répéter. Je ne m’en fais pas trop avec ça. Je fais des mots croisés, c’est un bon exercice.
Jacques L’Heureux fera son entrée la semaine prochaine dans Indéfendable, diffusée du lundi au jeudi à 19 h, à TVA.
La tournée La société des poètes disparus se poursuit jusqu’au 18 mars.