Stéphane Demers explique son casting de personnage de méchant
Michèle Lemieux
Sorti de l’école de théâtre depuis 35 ans, Stéphane Demers a tracé son chemin grâce à une grande variété de personnages, même si on lui a souvent confié des rôles d’arrogants. À 57 ans, l’acteur a bon espoir de pouvoir vieillir dans ce métier. Les projets sont nombreux: Lac-Noir, Après le déluge. Et, ces jours-ci, c’est dans la quotidienne Indéfendable qu’on le retrouve dans le rôle d’un tueur en série.
• À lire aussi: Le public d'Indéfendable choqué par le nouveau personnage de tueur en série
• À lire aussi: Voici quand vos émissions se termineront ce printemps
Stéphane, vous avez de beaux projets, dont Indéfendable, qui fait jaser...
Oui, c’est un beau projet plein d’adrénaline. C’est un cadeau imprévu. Je venais de terminer les tournages de Lac-Noir. Ceux de la série Après le déluge doivent démarrer ce printemps. Et j’ai eu cette proposition. Izabel Chevrier m’a parlé du personnage et, après une longue conversation téléphonique, j’ai accepté d’instinct.
Vous saviez donc quel personnage vous alliez devoir défendre...
Oui, je savais dans quoi je m’embarquais. Ça m’a fait perdre quelques nuits de sommeil... Ce sont des zones troubles. Ce personnage m’a habité pendant la préparation. Je n’avais qu’une partie des textes en main. Heureusement! J’ai pu me concentrer sur la base, qui était déjà assez vertigineuse... J’ai trouvé la préparation du personnage troublante.
Parce qu’il s’agit d’un psychopathe...
Oui. C’est un personnage confrontant dans sa brutalité, dans son inhumanité. On ne peut pas le voir que comme un monstre; ça reste un humain profondément déréglé, inquiétant et dangereux. Si on veut jouer ce genre de personnage, il faut entrer dans son monde intérieur. Il faut comprendre ses moteurs. C’est un homme qui brutalise et torture des femmes pour son propre bénéfice. Je dois comprendre ce qui le motive. Compte tenu de la vague de féminicides et de violences extrêmes dont les femmes sont victimes, c’est encore plus confrontant. Quand il y a eu l’attentat à Polytechnique, j’avais l’âge des étudiantes. Ça m’avait marqué. À chaque anniversaire, je pense à tout ce que ces femmes n’ont pas réussi à vivre à cause du geste d’un homme. J’ai hâte de voir si ce personnage provoquera des discussions.
Vous êtes aussi de Lac-Noir, une série de genre qui plaît aux amateurs...
Oui, c’est mon bonheur des dernières années. C’est le bébé du réalisateur Frédérik D’Amours que je trouve admirable. Parmi les émissions auxquelles j’ai participé, c’est l’une de celles dont on m’a le plus parlé. Peut-être à cause des thèmes et du genre, qui sont plus rares. Adrien, mon personnage, est un protecteur qui a de grosses failles, mais je l’aime beaucoup. On m’a souvent offert des rôles de croches, d’arrogants, de dangereux, d’égoïstes. Celui-là, c’est un homme positif.
Que déduire de ce casting de méchants qui semble si loin de votre énergie naturelle?
C’est vrai que les gens me disent souvent que je suis plus gentil qu’à la télé... (rires) Je suis tout à fait conscient de ce dont j’ai l’air. C’est aussi une question de morphologie. À partir du moment où tu as les pommettes hautes, les yeux très clairs et le menton comme les miens, tu peux avoir l’air au-dessus de tes affaires. Je me trouve chanceux, car mon physique n’a pas tant déterminé mon casting. On m’a offert beaucoup de contre-emplois et des choses différentes à jouer. Ça fait 35 ans que je suis sorti de l’école de théâtre. Ce sont 35 ans de métier, d’apprentissages, de découvertes, de plaisirs, d’angoisses et d’anxiété.
Avez-vous réussi à composer avec les insécurités du métier?
Si je n’avais pas voulu ça, j’aurais choisi autre chose. Les gens qui me connaissaient, plus jeune, n’auraient jamais pu penser que j’allais devenir comédien. Je n’étais pas super extraverti. J’ai eu de bons guides, des gens sur ma route qui m’ont beaucoup appris.
Aviez-vous songé à faire autre chose?
Je cherchais une façon d’être en lien avec l’autre. Je ne suis pas quelqu’un de timide, mais je suis réservé. Je savais qu’il fallait que je fasse un effort pour aller vers l’autre, que c’est ainsi que je grandirais comme être humain. Je n’étais pas fait pour travailler seul dans mon coin. Sans dire que je suis un intellectuel, j’aime les choses de l’intellect. Je suis aussi quelqu’un de manuel. Je viens d’une longue lignée de paysans. J’admire les hommes et les femmes de ma famille qui sont encore sur la terre. Le bois et la terre, c’est très présent et très important dans ma vie. On dit que 10 % des gens se désâment pour nourrir 90 % du peuple. On ne peut pas faire ce métier sans passion, comme on ne peut pas être artiste sans passion.
Aimer encore son métier après 35 ans, c’est quand même exceptionnel, non?
On dit que les acteurs ne prennent pas leur retraite, ils meurent... (rires) C’est épouvantable! En même temps, il y a une certaine beauté dans le fait de dire: «On me sortira les pieds devant.» C’est quelque chose que j’ai beaucoup entendu. Maintenant, je suis souvent le plus vieux des gangs. J’ai l’âge de jouer des pères et des grands-pères, mais j’ai été le jeune qui jouait avec des acteurs que j’admirais énormément. J’ai appris en les regardant. Les générations montantes ont une force, une ambition et une audace qui me donnent confiance. Dans ce métier, il faut aider les gens à nous choisir. Comme acteur vieillissant, il faut que notre travail, notre attitude, notre façon de fonctionner conviennent aux gens.
Le métier pose-t-il des enjeux pour les hommes qui vieillissent?
Je sens qu’on est plus tolérant envers les hommes vieillissants et que c’est plus difficile pour les actrices qui avancent en âge, mais j’ai l’impression que la donne change. Nous verrons. Il faut accepter de vieillir à l’écran. Surtout avec l’avènement du 8K qui n’est pas fait pour le visage humain! (rires) Mais c’est la réalité. Vieillir, c’est accepter que notre peau, nos cheveux, notre corps changent. J’ai 57 ans, presque 60... bientôt 80! C’est comme ça que je vois les choses. J’aurai ces rôles-là. Et s’il n’y a plus de rôles, j’irai jardiner! (sourire)
C’est un métier qui vous laisse beaucoup de temps libres. Que faites-vous des périodes creuses?
J’observe. J’écoute. J’essaie de développer une empathie générale pour la bibitte humaine. Je trouve important de rester ouvert aux idées qui ne sont pas les nôtres. Il faut rester allumé, vibrant, impliqué.
Suivez Indéfendable du lundi au jeudi, à 19 h, à TVA et sur TVA+. Les deux saisons de Lac-Noir sont disponibles sur Club illico. Stéphane Demers joue dans la saison 4 de Transplanté, offerte dès le 26 mars sur Crave.