Shina Nova : chanter pour garder un peuple en vie
Élise Jetté
Shina Nova Linga refuse de voir s’éteindre le chant de gorge inuit, le souffle de ses ancêtres. À 22 ans, la Montréalaise d’adoption, née au Nunavik, utilise la voix de sa génération pour se faire entendre : les réseaux sociaux.
Avec 2,1 millions d’abonnés sur TikTok et 400 000 sur Instagram, elle dresse un portrait accessible d’une culture menacée d’extinction avec laquelle nous avons un devoir de nous familiariser.
Avant la pandémie, on ne vous connaissait pas du tout. Comment est née votre popularité?
Pour mon anniversaire, le 29 juin 2020, ma mère et moi avons publié une vidéo d’un chant de gorge en duo sur TikTok, et c’est devenu viral. Je me suis rendu compte que les gens aimaient ça et, surtout, que des traditions – très naturelles pour moi – pouvaient surprendre les autres.
Pensez-vous que les réseaux sociaux puissent faire progresser les mentalités?
La beauté de TikTok, c’est l’ouverture et l’honnêteté des gens qui composent ce réseau, et la variété du contenu. On y trouve autant de vidéos sérieuses que très drôles. Les créateurs ont la possibilité de s’adresser à leur communauté pour donner des astuces et expliquer des réalités nouvelles. Par ailleurs, ceux qui nous suivent interagissent directement avec nous. Ils nous écrivent immédiatement pour nous dire qu’on vient de leur apprendre quelque chose. Et techniquement, ça ne requiert pas de talent particulier. Pas besoin d’être un as de la vidéo et du montage pour transmettre un message.
Quels sont les aspects les plus fondamentaux de votre culture que la plupart des gens ignorent?
Le chant de gorge est plus qu’un style de musique, c’est un appel spirituel. Et c’est aussi une excellente façon de calmer l’anxiété ou de surmonter un deuil. Avec tout le stress qu’on vit à cause de la pandémie, je trouve important de pouvoir montrer une manière d’accéder à une plus grande sérénité. Nos coutumes vestimentaires et alimentaires ont une grande importance pour moi. J’ai besoin que mes abonnés TikTok sachent que, chez nous, on mange du caribou cru et on porte des fourrures d’animaux, et que tout ça est fait dans le respect le plus total de l’animal. Il y a derrière cela des raisons culturelles et économiques, et une nécessité d’approvisionnement qui normalisent cette façon de faire.
Y a-t-il d’autres personnes sur TikTok qui mettent en évidence les enjeux des Premières Nations?
Oui, il y en a plusieurs, et c’est une bonne nouvelle! Ma mère, Caroline (Kayuulanova), qu’on voit souvent dans mes vidéos, est également sur TikTok. Michelle Chubb (@indigenous_baddie) et James Jones (@notoriouscree) sont d’autres figures majeures pour moi, avec Tia Wood, une activiste inuite.
Avez-vous l’impression qu’il est désormais de votre devoir de devenir un véhicule pour votre culture?
Complètement. Il y a une éducation immense à faire, et j’ai envie d’en faire partie. Je compte poursuivre mes études au sein du programme NS Nunavik Sivunitsavut, offert à l’Institut culturel Avataq, à Montréal. Je veux continuer à m’instruire sur la culture, l’histoire, la gouvernance et la langue inuites pour mieux transmettre ce bagage culturel aux autres et revenir le plus possible à mes racines.
Je veux devenir un pont entre les gens de la ville et mes ancêtres du Nunavik. Il n’est jamais trop tard pour apprendre.