Nour Belkhiria a des aspirations de faire carrière en Europe

La nature est effervescente, l’air est doux. J’arrive au parc Baldwin, à Montréal, à la rencontre de la jeune comédienne Nour Belkhiria. Je ne la connais pas beaucoup: bien sûr, j’ai lu ses entrevues, je suis allée jeter un oeil sur ses réseaux sociaux. Je suis un peu fébrile. Pourtant, en l’espace de quelques minutes, on jasait comme de vieilles copines. Celle qui a interprété Inès dans la quotidienne Indéfendable tient les rênes de sa vie avec conviction, mais aussi avec une candeur très rafraîchissante.

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Grande rencontre avec Saskia Thuot

Pour la petite histoire, nous sommes arrivées portant des chandails presque de la même couleur, qui s’agençait parfaitement avec les lilas en fleur. Nous jasons de météo, évidemment, heureuses de vivre les beaux jours du printemps, la saison préférée de Nour. Il y a une décennie, sa famille posait ses valises au Québec. «Déjà 10 ans qu’on a quitté la Tunisie pour venir vivre ici, c’est incroyable! Il s’en est passé des choses, depuis... En fait, on a immigré tous les cinq ici. Je trouve mes parents courageux, ça ne doit pas être facile de tout quitter et de recommencer passé la cinquantaine. Ils souhaitaient pour nous, mes deux soeurs et moi, plus de sécurité, de liberté, un avenir plus doux. Mes deux parents sont médecins mais, malheureusement, ils n’ont pas pu exercer leur métier ici. Pour chauffer la marmite, l’expression que papa utilise pour dire “nourrir la famille”, il est retourné à Tunis pour travailler pendant que nous restions ici. Maman a refait des cours en espérant retrouver son titre de médecin biologiste, mais ça ne s’est pas passé ainsi. En 2019, après cinq ans, ils ont décidé de retourner à Tunis.

Un vieux rêve

Mon coeur de maman est un peu triste en écoutant son histoire, mais Nour me rassure tout de suite. «Bien sûr que ça remue plusieurs émotions, mais c’était la meilleure décision pour tous. Tout le monde va bien, mes parents font leur métier adoré, mes soeurs et moi allons bien et avec la technologie, c’est facile d’être en contact quand on veut. Et puis je vais souvent les voir à la maison, à Tunis. Je compte y aller cet été. J’y vais aussi pendant l’hiver, c’est si beau à la maison! Je suis chanceuse d’avoir les deux. J’adore vivre à Montréal et, en plus, c’est ici que mon rêve s’est concrétisé.» Le visage de Nour s’illumine quand elle parle de son métier, celui dont elle rêvait depuis toujours: comédienne. «Très tôt dans ma vie, j’ai su que je voulais être comédienne. Quand on a immigré ici, en 2014, je me suis naïvement rendue à la très réputée École nationale de théâtre pour savoir si on y offrait des cours du soir. Je n’étais pas du tout au courant de la façon dont ça fonctionnait, j’ai découvert plus tard tout le côté élitiste de l’École nationale. Quand je suis allée à l’accueil, la dame a souri — j’imagine qu’elle n’avait jamais eu une demande pareille! (Nour éclate de rire.) Elle m’a gentiment expliqué tout le processus, auditions, concours de jeu, etc. J’étais déçue, mais c’était pour le mieux.»

Travail et action

Oui, rien n’arrive pour rien et Nour en est persuadée. Il y a toujours une part de chance, comme lorsqu’on se trouve au bon endroit au bon moment, mais, plus que tout, elle croit que travailler et être en action est essentiel. «Évidemment que si on reste à la maison en espérant, il risque de ne pas se passer grand-chose. Je suis beaucoup dans l’action, pas dans l’attente. Je suis déterminée dans tout ce que j’entreprends. En fait, le jeu est arrivé dans ma vie alors que j’étais à la faculté de droit. Mes parents voulaient que je fasse un métier sérieux. Ils m’ont toujours encouragée quand je faisais du théâtre, mais pour eux, c’était un passe-temps, pas un métier. Peut-être qu’ils espéraient que j’abandonnerais après mon droit. (rires) Je blague. Ils sont très fiers de moi et ils m’encouragent dans tout ce que je fais. Je suis aussi contente d’avoir choisi le droit: c’est très exigeant, j’ai dû étudier sans relâche, mais j’ai réussi. J’ai mon diplôme, je suis avocate et je continue de payer ma cotisation annuelle pour conserver le droit d’exercer, si jamais... Mais ce que je veux le plus au monde, c’est continuer de jouer.»

Le tout pour le tout

C’est d’ailleurs pendant ses études qu’elle a vu passer un appel à tous pour les auditions du film Antigone. À ce casting sauvage, c’est-à-dire sans passer par une agence, des milliers de personnes ont tenté leur chance. Huit cents personnes parmi celles qui ont rempli le formulaire ont été appelées à passer des auditions, qui se déroulaient dans les cégeps partout au Québec. Nour en faisait partie. «Je faisais un peu de théâtre à l’Université de Montréal. Comme je venais d’arriver au Québec et que je suis très timide, c’était une bonne façon de rencontrer des gens. Mais aller faire une audition pour un film, c’est autre chose! Quand j’ai été retenue au premier tour, j’étais tellement contente. Tu peux imaginer, c’était une énorme audition et ils voulaient me voir! En fait, j’étais juste heureuse de pouvoir la faire. (rires) Je me sentais bien, pas nerveuse, je me suis juste amusée. En sortant, j’ai appelé ma soeur et je lui ai dit: “Je ne sais pas comment ça s’est passé, mais en tout cas, j’ai eu du fun!”» Non seulement cette audition lui a permis de décrocher son premier rôle professionnel, mais elle l’a amenée à recevoir le prix Écrans canadiens de la meilleure actrice dans un second rôle en 2020. «Ç’a été incroyable comme première expérience, je suis tellement reconnaissante!»

Un rôle marquant

Elle s’arrête un instant et me répète à quel point elle est reconnaissante. «C’est un mot très important pour moi et j’aimerais que chaque personne qui a croisé ma route sache à quel point je le suis sincèrement. Après Antigone, j’ai été accueillie par l’agence de casting Duchesne, une équipe merveilleuse et bienveillante. Le fait d’être bien accompagnée en début de carrière fait une grande différence, c’est vraiment rassurant. C’est d’ailleurs avec l’agence que j’ai pu auditionner pour le rôle d’Inès dans Indéfendable.» Elle y consacrera deux années qu’elle n’oubliera jamais, aux côtés d’une équipe qu’elle adore. «Une émission quotidienne, c’est un concept unique. Tout le monde, devant comme derrière la caméra, travaille fort, très fort, et on devient une grande famille. Comme dans tous les métiers, il y a des jours plus durs que d’autres — nous sommes des humains, pas des robots —, mais je suis tellement, mais tellement reconnaissante! C’est une expérience extraordinaire et si enrichissante.» Son personnage, Inès, a été tué lors d’une explosion au tout dernier épisode de la deuxième saison, une fin qui a fait couler beaucoup d’encre. Quelques jours plus tard, on apprenait que Nour avait demandé à quitter la série. Une décision mûrement réfléchie par l’actrice et accueillie avec bienveillance par l’équipe. Elle poursuit tout en douceur. «C’est un honneur d’avoir joué Inès, j’ai envie de profiter de cette entrevue pour remercier chaque personne qui prend le temps de m’écrire ou de me parler dans la rue pour me dire qu’elle aime mon travail. Les gens sont vraiment gentils, c’est un grand privilège de recevoir de l’amour ainsi, je me sens choyée. L’équipe a été avisée il y a un moment, tout a été bien fait. Je n’ai pas pris cette décision à la légère, j’y ai longuement réfléchi. Oui c’est vertigineux, mais je suis bien dans ma décision. Dans la vie, je ne fais pas de folies, j’ai mon appart dans un quartier où je peux tout faire à pied, pas de voiture, je vis simplement. En fait, je désire juste me laisser de l’espace pour aller au bout de mes rêves, tout en me laissant surprendre par la suite. Et je veux concrétiser mon rêve de carrière internationale!»

De grands rêves

J’apprends alors que Nour a déjà fait des démarches en Europe; elle a aussi participé à des ateliers de casting avec des agences françaises. Pour elle, rien de mieux que d’aller en personne à la rencontre des gens — une photo de casting, c’est bien, mais rien n’est plus fort que le contact humain. J’adore cette confiance, quelle jeune femme inspirante! Elle sourit. «Merci, c’est gentil, vraiment. Mais en même temps, si je ne le dis pas, si je ne le fais pas, qui le fera? J’essaie de me faire confiance et bien sûr, il m’arrive d’avoir des moments de doute, mais je suis foncièrement positive et surtout, je pose des gestes en fonction de ce dont j’ai envie. Le pouvoir des mots est fort, c’est sûr que si je me dis que ça ne fonctionnera pas, il y a peu de chances que je réussisse. Mais si j’essaie, je mets plus de chances de mon côté. Et si jamais ça ne marche pas, je ne verrai pas ça comme un échec, c’est une expérience, je veux aller au bout et au moins je me serai écoutée. Je me choisis, en quelque sorte, et je n’ai pas envie d’avoir peur ou d’avoir des regrets, alors je fonce.» C’est la fin des classes, des enfants arrivent de partout pour profiter de la nature. Nour regarde une petite fille à vélo. «Tu vois, Saskia, j’adore marcher dans mon quartier, mais j’aimerais beaucoup apprendre à faire du vélo, ça aussi c’est un autre projet. Mais je pense que je vais avoir besoin des deux petites roues en arrière, comme la petite fille.» Nous rions en marchant vers l’avenue du Mont-Royal, nous nous prenons en photo sous les lilas. Chère Nour, que tous tes rêves se réalisent, c’est tellement beau et énergisant à voir!

Nour est en vedette dans In Memoriam, disponible sur Crave, et on pourra bientôt la voir dans la deuxième saison de la série De Pierre en fille, qui sera diffusée sur Tou.tv Extra au cours de la saison 2024-2025.

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