Marie-Claude Barrette fait de touchantes confidences sur le décès de sa mère, qu’elle a accompagnée jusqu’à la fin
Dave Morissette
Il y a un an et demi, mon amie Marie-Claude Barrette m’a interviewé lorsque j’ai perdu mon père. Récemment, les rôles se sont inversés; c’est elle qui s’est à son tour confiée à moi au sujet de sa mère, Doris, décédée en septembre. Marie-Claude, c’est une femme empathique qui veut faire du bien aux gens. Je suis certain que son témoignage mettra du baume au cœur de toutes les personnes qui vivent un deuil comme le sien.
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Marie-Claude, comment vas-tu depuis le départ de ta mère?
Ma mère est décédée le 1er septembre, à 13 h 54. Dès le lendemain, j’avais un topo à faire. Il n’en demeure pas moins que la mort n’empêche pas le monde de tourner, et c’est ce que j’ai trouvé le plus difficile. Mais, comme mes invités étaient mes amis Denis Lévesque et Pascale Wilhelmy, je me suis dit que ça allait me faire du bien. J’ai passé beaucoup de temps avec mon père entre mes journées de travail. Il va mieux, mais c’est difficile pour lui. Depuis 30 ans, mon père et ma mère vivaient seuls ensemble.
Comment se sont passés les derniers moments auprès de ta mère?
Ma mère ne voulait pas laisser mon père. Pendant plusieurs années, elle s’était préparée à devenir veuve. Mon père est cardiaque; il avait fait son premier infarctus à 47 ans. Elle ne pensait pas qu’il avait encore une longue espérance de vie. Finalement, ma mère a eu un cancer du pancréas avec des métastases au foie, stade 4. On a tous été renversés par le premier diagnostic, qui lui donnait trois mois à vivre.
Pour toi, le plus important, c’était d’être là pour ta mère, de la soutenir...
Avant que tout ça n’arrive, je ne pensais pas que ça allait être comme ça. Ma mère et moi, on n’a pas toujours été sur la même longueur d’onde. Même si on s’aimait énormément, on s’obstinait souvent. On défendait chacune notre position! La maladie nous a rapprochées; il n’y avait plus d’opposition entre nous. Quand elle s’est installée chez moi avec mon père, elle avait perdu au moins 50 livres, mais elle me disait qu’elle ne se sentait pas si malade. C’était difficile pour toute la famille de la voir ainsi, car on savait qu’elle venait à la maison pour mourir. Ma mère, c’était la vie! Quand elle arrivait quelque part, il se passait toujours quelque chose. C’était un personnage! Elle déplaçait beaucoup d’air, elle n’avait peur de rien et elle racontait des histoires sans arrêt. Quand elle a vu l’oncologue Aryan Abab [pour la première fois], elle lui a dit qu’elle ne voulait pas perdre ses cheveux. Il lui a dit que ce n’était pas un problème pour la chirurgie palliative. Ma mère avait baptisé son cancer Antoine et il avait trouvé ça drôle! (rires) Il lui a finalement proposé une chimio curative, ce qui impliquait la chute de ses cheveux. Et elle a accepté! C’est comme ça que le lien de confiance a commencé, et ça a duré presque quatre ans avec lui.
Comment s’est déroulé le processus?
Je n’ai jamais forcé ma mère dans ses décisions. Quand elle a décidé d’arrêter la chimiothérapie en avril dernier, après trois ans de traitements, elle était tannée. Elle avait commencé à faire des convulsions et elle avait des problèmes de vision. Le médecin a trouvé ça triste, car il ne lui en restait plus long à vivre; le cancer était très actif. Elle aurait tellement pu déposer les armes avant... (larmes dans la voix) Doris a eu une grosse opération qui touchait plusieurs organes. Elle a été volontaire et elle voulait guérir. C’est étrange, parce qu’elle disait toujours qu’elle ne craignait pas la mort, mais elle ne voulait pas mourir. Au début, je trouvais que c’était un paradoxe, mais après, je me suis dit que c’était logique. Je pense que, jusqu’à la toute fin, elle était inquiète pour mon père.
Ta mère avait 78 ans quand elle est partie. À quoi ressemblaient vos conversations?
J’ai compris à quel point elle m’a fait confiance en tout temps... (larmes dans la voix) Elle avait besoin que je la défende; j’étais sa porte-parole officielle. On a passé beaucoup de temps ensemble. S’il n’y avait pas eu une date de fin pour ma mère, on n’aurait jamais fait ça. Quand ma mère a arrêté ses traitements, on savait qu’elle entrait en fin de vie. Je lui ai dit: «Doris, tu n’as pas encore fait tes préarrangements et j’aimerais qu’on visite des maisons de soins palliatifs.» Elle ne voulait pas venir avec moi; j’y suis donc allée seule avec mon frère. C’est comme si, en acceptant de faire les visites, elle abdiquait devant son cancer. Ma mère faisait tout pour mieux aller...
Comment se sont passés ses derniers jours?
Quand on est en fin de vie, on dort presque tout le temps. Elle pouvait parfois dormir 24 heures d’affilée. Après que nous avons admis ma mère aux soins palliatifs, je suis restée avec elle 25 jours, jusqu’à sa mort.
Qu’est-ce que ta mère t’a laissé en héritage?
Je suis en train de faire le ménage; ma mère faisait tellement attention à ses choses! Tous les cadeaux qu’on lui a faits étaient bien protégés. Il faut prendre le temps de s’arrêter et d’honorer ce qu’on a. Ma mère, parfois, on la trouvait un peu fofolle! Personne ne lui faisait peur. Elle nous a légué ça; je n’ai jamais été intimidée par rien. Elle nous a aussi montré qu’il ne faut rien attendre des autres. J’adore travailler en équipe, mais je n’attends pas qu’on me donne quelque chose; je vais chercher ce dont j’ai besoin. Je crois que je vais aussi hériter de sa tête de cochon! (rires) Les derniers jours avant sa mort, tout le monde venait la voir. Nous avons vraiment vécu de beaux moments. Ma mère voulait être partout; elle allait où le vent la poussait! Donc nous avons tous des bijoux contenant ses cendres.
Est-ce que le départ de ta mère a changé quelque chose?
Son départ a créé un vide, car je passais environ 25 heures par semaine avec elle. Au lieu de combler ce vide par toutes sortes d’affaires, il faut que je garde en moi nos précieux moments. Je veux penser plus à moi.
Te voici productrice, ce qui s’accompagne de nouvelles responsabilités. Pourquoi maintenant?
Parce que j’ai presque 54 ans et que j’en suis rendue là dans ma vie. Avec mon émission, je m’implique dans presque toutes les étapes. Je m’investis beaucoup. Cela faisait longtemps que je pensais à devenir productrice. Il y a une pression d’être toujours devant la caméra et il y a de beaux projets que j’aimerais soutenir, mais sans les animer. Attractions Images m’a proposé un partenariat, comme celui qu’ils ont avec Sophie Lorain et Patrick Huard. Nous avons donc fondé UMANO productions. Le thème d’un de mes projets serait: Se relever. On peut se relever de plein d’affaires et se relever de la mort de quelqu’un, par exemple. J’ai envie de discuter de ça et de voir ce que ça donne de faire un cheminement particulier, de se mettre en danger. Je crois qu’on a tous à apprendre de ça.
T’es-tu fixé des défis particuliers à l’émission pour 2023? Si oui, lesquels?
J’ai connu un automne plutôt difficile sur le plan émotif. Plusieurs thèmes traités m’ont bouleversée. C’est difficile de faire une entrevue ou de diriger la discussion quand l’émotion s’empare de nous. À plusieurs reprises, je me suis demandé comment j’allais y arriver. J’ai souvent versé des larmes pendant les pauses. Dans ces moments-là, les invités ont toujours été d’un grand réconfort. Mon équipe ne m’a pas connue aussi joyeuse et enthousiaste que je le suis de nature. La festive que je suis était au repos. La pause tant attendue du temps des fêtes m’a permis de vivre une partie de ma peine et de prendre le temps de respirer. J’entrevois un début de saison 2023 plus léger, où les éclats de rire se feront peut-être plus présents.
Y aurait-il des nouveautés?
Au cours de l’automne, nous avons fait un spécial Jeanick Fournier et un spécial Shirley Théroux. Nous allons refaire cette expérience plus souvent. Pour l’équipe, c’est le fun
à préparer, et les téléspectateurs et téléspectatrices aiment beaucoup
ce format d’émission.
Quelles ont été tes rencontres les plus marquantes?
Je n’avais jamais rencontré le boxeur Jean Pascal. C’est un personnage haut en couleur. Le tête-à-tête que j’ai eu avec lui a été très sérieux. Il a parlé de sa dépression et de ses pensées suicidaires. Cela démontre bien que personne n’est à l’abri de perdre l’équilibre au cours de sa vie. Éric-Emmanuel Schmitt est venu parler du manque de l’autre. Ce n’était pas la première fois que je le recevais, mais chaque fois, ses réflexions me font comprendre des choses. Honnêtement, j’avais besoin de l’entendre parler du deuil et de l’absence.
Y a-t-il des sujets qui ont été plus délicats à aborder?
Je dois faire attention aux choix des invités par rapport aux sujets. Si on parle par exemple du divorce, il serait trop délicat de recevoir un invité qui vient de divorcer. Il faut que l’invité ait du recul face à la situation. Pour l’équipe et moi, le plus grand défi, et de loin, c’est de trouver les bonnes personnes pour chacun des sujets. Elle se trouve là, la complexité.
Quels sujets souhaites-tu mettre en avant, et pourquoi?
Je veux parler de la gestion des émotions. Je vais recevoir le sociologue Frédéric Lenoir, qui vient de sortir un livre où il aborde le désir de posséder et le sentiment de manque qui nous pousse à posséder autre chose. Cela cache une mauvaise identification de nos émotions. Si on avait besoin de moins, ça calmerait beaucoup de choses. J’aime beaucoup tout ce qui est architecture, design, décoration, et nous allons en parler, ça, c’est certain. J’apprécie grandement les trucs pour revamper certaines pièces à petit prix. C’est important d’être bien chez soi. En juin dernier, nous sommes passés très près de perdre notre belle Tokyo, un de nos chiens. Nous avons appris qu’elle a la maladie d’Addison. C’est très grave et elle aura besoin de médication pour le reste de ses jours. Nous avons décidé de préparer une émission sur les différentes maladies qui touchent les chiens et les chats.
Marie-Claude anime l’émission éponyme du lundi au mercredi, à 10 h, à TVA.
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