Macha Grenon célèbre 35 ans de carrière
Patrick Delisle-Crevier
Cet hiver, la comédienne incarne Édith, une femme travaillant dans une agence de pub, dans la nouvelle série L’empereur. Grâce à des flashbacks valsant entre 2005 et 2015, le spectateur est plongé dans l’univers d’un prédateur sexuel. Entrevue avec la comédienne sur son rôle, ses projets et sa prolifique carrière.
• À lire aussi: Tout à propos de l’histoire d’amour entre Ludovic et Lucie dans Les honorables
• À lire aussi: L’empereur: Un agresseur populaire trop aimé du public?
Macha, comment vas-tu en ce début d’année 2023?
Je vais très bien. J’ai profité d’une pause de tournage en fin d’année pour voir mes proches. Ça m’a fait du bien de décrocher un peu et de passer du temps en famille. J’ai eu une super année 2022, avec de très beaux projets. En plus de L’empereur, j’ai aussi joué dans Transplanté. J’y incarne la maman du personnage de Laurence Leboeuf, c’est un beau rôle. J’ai été comblée, et ce, sur les plans tant personnel que professionnel.
Tu mentionnes L’empereur. Que peut-on dire de ton personnage, Édith?
Quand j’ai lu les épisodes, c’était tellement bien écrit que je trouvais ça inspirant. En plus, la courbe du personnage est fort intéressante. Édith incarne une femme d’une génération vivant un féminisme qui était précurseur de ce qui se passe maintenant, mais avec d’autres codes. Je trouvais intéressant qu’on explore ça. Elle représente une génération de femmes pour qui ça passait avant tout par l’autonomie financière. Il fallait se faire une place sur le marché du travail et comprendre les codes, comprendre le boys club et en faire partie. Ça m’a tout de suite inspirée.
Comment se prépare-t-on pour un tel rôle?
Tout était dans le texte! Mais j’ai aussi eu une bonne conversation sur le personnage avec Adam Kosh, le réalisateur, et autant lui que moi étions d’accord sur le fait qu’Édith voit tout, entend tout et sait négocier. Pour moi, ce réalisateur, qui est aussi comédien, est un véritable coup de cœur. Il est d’une grande gentillesse, il a un leadership naturel et est très respectueux de ses interprètes. On a jasé ensemble de sa vision. Comme nous traitons d’un sujet délicat, tout a été fait avec sensibilité. Nous nous sommes tout de suite compris sur ce dont il avait besoin pour le personnage d’Édith.
Cette série parle de l’évolution d’un prédateur sexuel dans le temps. Selon toi, est-ce important de traiter d’un tel sujet et de cette façon-là?
On en a beaucoup parlé entre nous dans l’équipe, et ç’a vite été clair que notre intention était de travailler sur ce projet parce qu’on le trouve pertinent et essentiel. On souhaite d’ailleurs que la conversation se poursuive, on espère que les gens vont faire des parallèles et que ça les amènera à pousser la réflexion encore plus loin. Notre intention principale avec cette série est de participer à une conversation qui est, hélas, d’actualité et de réfléchir collectivement à tout ça.
Ton rôle dans Les Honorables a été marquant et t’a ramenée dans l’œil du public, en quelque sorte. Qu’as-tu fait pendant ta période plus calme?
C’est vrai que j’ai eu des années plus calmes... Il y a eu une pause avant que je revienne dans Nouvelle adresse et, par la suite aussi, avant de reprendre dans des séries telles que Marche à l’ombre. Juste avant, j’ai joué dans le film Pays, de Chloé Robichaud. Parfois, décrocher et faire autre chose, ça fait du bien. J’en ai justement profité pour prendre du temps pour moi. J’ai une nature qui fait que je ne m’ennuie jamais, j’ai toujours quelque chose à faire: je cuisine, je lis, je fais du yoga. Je m’intéresse vraiment à la nature humaine, à la psychologie, et je fais beaucoup de lecture autour de ça. Je pense que j’aurais aimé, si je n’avais pas été comédienne, être psychologue ou un truc du genre. Dans Marche à l’ombre, je jouais d’ailleurs la psychiatre du personnage de Laurence Leboeuf et j’ai adoré ça.
Ça fait déjà 30 ans que la série Scoop a été diffusée. Que retiens-tu de tes débuts?
Je me souviens que l’impact sur ma vie avait été énorme. À l’époque, il n’y avait qu’une série lourde à la fois, et tout le monde l’avait donc écoutée.
Quel regard portes-tu sur la Macha des débuts?
Elle était tellement passionnée par ce métier! Mon premier rôle important a été dans Lance et compte. Je me souviens que ç’avait été une espèce d’apprivoisement du métier, parce que tout était allé si vite! Ç’a été très intense.
Dirais-tu que la popularité est arrivée trop vite?
C’est effectivement allé vite: du jour au lendemain, on me reconnaissait dans la rue et j’étais plongée tête première dans le métier, tout ça sans véritable formation. Donc, après ça, j’ai ressenti le besoin de faire des stages, d’apprendre mon métier et de me former. Après, il y a eu Scoop, et j’ai véritablement pu découvrir encore plus ce métier qui me passionnait et que je voulais faire.
Cette popularité soudaine a-t-elle été difficile à apprivoiser?
Oui, surtout avec Lance et compte, parce que ç’a été un véritable choc. Pour Scoop, c’était différent. Je savais un peu plus où je m’en allais, j’étais très disciplinée et concentrée sur le travail. Je pense que ça m’a aidée à apprivoiser le côté étrange du métier, comme de simplement aller prendre un café avec quelqu’un et de se retrouver à faire
les manchettes des journaux. C’était l’époque, il faut croire. J’ai eu à me créer un ancrage.
Justement, tu as toujours été discrète sur ta vie privée. C’est important pour toi?
Je pense que j’ai une bonne relation avec les médias. Je n’ai pas absolument besoin de raconter ma vie en entrevue. J’aime avoir mon jardin secret et, en même temps, j’aime faire des entrevues quand c’est fait dans le respect. Ça fait partie de mon travail. Au Québec, les gens sont respectueux et sensibles. Même le public est tout le temps gentil et dans la délicatesse.
Tu es dans la mi-cinquantaine. Comment vis-tu cette décennie?
J’ai la cinquantaine heureuse. Pour moi et pour bien des femmes, la quarantaine a été plus rentre-dedans, une étape difficile à franchir. Avec la quarantaine, on dirait que tu appréhendes quelque chose face à une société qui te met énormément de pression en rapport à l’âge. Mais la cinquantaine a été une libération. Après tout, j’ai le privilège d’être vivante et en santé!
Ce sont aussi 35 années de carrière. Qu’en gardes-tu?
J’ai été extrêmement privilégiée et j’ai eu un beau parcours, dont je suis fière, avec de beaux rôles. Je me souhaite de continuer de faire de belles rencontres et d’avoir de jolies surprises. J’aime participer à des projets qui ont un discours qui m’interpelle. Je ne rêvais pas de faire une carrière internationale. Plus jeune, je travaillais un peu pour ça et j’ai pu jouer dans des projets en anglais. Il y a eu une période où j’aurais aimé en avoir plus, mais ensuite, ce qui m’intéressait avant tout, c’était le travail et les projets. Peu importe qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs. J’ai eu la piqûre pour ce métier par plaisir de jouer et non pour devenir célèbre. Ma mère m’amenait au théâtre quand j’étais enfant, et ç’a été marquant pour moi. J’avais une fibre créative qui a répondu à ça et tout est arrivé de fil en aiguille par la suite.
Les rôles sont arrivés même si tu n’as jamais eu une formation dans une école. As-tu déjà eu le syndrome de l’imposteur?
Je l’ai eu longtemps. Mais avec l’âge et l’expérience, j’ai lâché prise et j’ai accepté que j’avais appris mon métier sur le tas, que c’était mon parcours.
Quels sont les projets en 2023?
Rien n’est confirmé pour le moment, mais je me souhaite de belles rencontres et je nous souhaite collectivement de retrouver une espèce de sociabilité qui nous a manqué ces derniers temps.
• À lire aussi: Macha Grenon revient sur les rôles marquants de sa carrière