Zoonoses et grippe aviaire au Québec: les changements climatiques font craindre le pire
Anne-Sophie Poiré
Les changements climatiques sont directement associés à l’expansion des zoonoses au Québec, ces maladies infectieuses naturellement transmissibles entre les animaux et les humains. L’éclosion de grippe aviaire dans les élevages de l’Estrie est un aperçu de ce qui nous attend dans les prochaines années.
Un troisième cas d’influenza a été détecté dans un élevage de canards en Estrie, a confirmé hier le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).
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La vague de grippe aviaire qui se propage à travers le monde depuis l’an dernier vient donc d’atteindre la province. Et les éleveurs de volailles restent sur le qui-vive, vu le caractère hautement pathogène de la souche H5N1.
Lorsqu’une troupe contracte le virus, «plus de 90% vont tomber malades et le taux de mortalité peut atteindre 100%», fait valoir le Dr Jean-Pierre Vaillancourt, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
«C’est la première fois qu’on voit ça au Québec, qu’un élevage commercial est touché par une épidémie de grippe aviaire», lance celui qui est membre du Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique (GREZOSP).
Des maladies dangereuses
Cette grippe n'est pas très menaçante pour la population générale.
«Les personnes à risque sont celles qui sont en contact étroit avec les oiseaux infectés, comme celles qui travaillent dans les élevages ou les abattoirs», souligne le médecin spécialiste en santé publique, Yassen Tcholakov.
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Mais d’autres zoonoses plus dangereuses et très sensibles aux changements climatiques apparaissent dans de nouvelles régions du monde depuis quelques années, comme le virus Nipah, la maladie de Lyme ou le paludisme.
La hausse des températures, des précipitations et de l'humidité provoque une prolifération des insectes porteurs de ces infections, puis entraîne leur expansion géographique.
Et ces maladies sont beaucoup moins bénignes que l’influenza aviaire pour l’humain.
Il y a 20 ans, il semblait impensable que les tiques porteuses de la maladie de Lyme traversent la frontière canadienne. «Mais aujourd’hui, ce n’est plus prudent même au Québec d’aller se promener en short dans la forêt de manière désinvolte en plein mois de juillet», souligne le Dr Vaillancourt.
Plus de zoonoses
Comme le Québec n’échappe pas aux variations météorologiques, les spécialistes s’attendent à ce que les zoonoses continuent leur progression dans les années à venir.
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«Les changements climatiques entraînent des modifications dans les écosystèmes. Des espèces d’oiseaux ou d’animaux qui ne vivaient pas dans le même climat peuvent maintenant se rencontrer. Ils ont des contacts plus étroits, échangent des virus, ce qui crée de nouvelles souches de maladies», détaille le professeur.
Sur les 1465 infections répertoriées chez l’humain, 60% sont naturellement transmissibles entre les animaux et les humains, précise l’expert. Depuis 30 ans toutefois, leur proportion a grimpé à 75%.
«Ça fait déjà une vingtaine d’années qu’on remarque une augmentation de leur nombre et de leur sévérité», signale M. Vaillancourt. «La tendance est là, et il n’y a pas de raisons de croire que ça va s’arrêter.»