«L’air est irrespirable»: à cause de la pollution, une famille quitte la Serbie et s’installe à Montréal
Anne-Sophie Poiré
Incommodée par la pollution atmosphérique extrême, une famille a choisi de quitter la Serbie pour venir s’installer à Montréal. Les centrales au charbon parmi les plus polluantes d’Europe, la décharge à ciel ouvert et l’inaction du gouvernement ont rendu l’air du pays «irrespirable».
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D’octobre à avril, la Serbie étouffe. De nombreuses villes, dont la capitale, Belgrade, se recouvrent d’une épaisse brume jaunâtre formée d’un mélange d’humidité et de pollution.
Les mois d’hiver y sont synonymes de fumée, d’odeur de plastique brûlé et de problèmes respiratoires, témoigne Mia Markovic, 35 ans.
«Ça fait vraiment peur de sentir et de voir la pollution, quand on connaît les impacts sur la santé», fait-elle valoir.
Il y a un mois, la Montréalaise d’origine serbe est entrée au Québec avec son mari et leurs deux jeunes enfants. Après 10 ans passés à Belgrade, la septième ville la plus polluée au monde, la piètre qualité de l’air était devenue intolérable.
«Les maux de tête, les maux de gorge, la toux, les attaques de panique, l’impression d’étouffer, c’est devenu monnaie courante», raconte la professeure d’anglais. «C’est carrément difficile de respirer. Ça fait mal. Souvent, il fallait carrément quitter la ville. Nous allions à la montagne, mais même là-bas l’air est irrespirable.»
«Même ma fille de 5 ans le comprenait», ajoute-t-elle. «Si on lui demande pourquoi nous avons déménagé, elle répond que c’est pour avoir de l’air pur.»
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Le charbon empoisonne la Serbie
Dans le pays des Balkans, en Europe du Sud-Est, la concentration de particules fines dépasse largement les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les centrales au charbon et les installations de chauffage privées sont les premières responsables de la pollution de l’air, selon la National Ecological Association (NEA). Et elles sont parmi les plus polluantes d’Europe.
À titre comparatif, les 16 centrales des Balkans émettent autant de CO2 que les 250 autres usines dans tout le continent, précise un rapport de l’Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL).
«Les gens utilisent tout ce qu’ils peuvent trouver pour se chauffer. Dans les quartiers les plus pauvres, ils ont commencé à faire brûler du lignite de très mauvaise qualité [un charbon riche en carbone]», détaille Mia Markovic.
«J’ai décidé de revenir à Montréal parce que je ne voulais pas que mon fils et ma fille vivent dans cet environnement», poursuit-elle. «L’hiver, tous les enfants sont malades. Ils toussent constamment, ils ont de la fièvre. Ma fille se réveillait le matin en disant que sa gorge lui faisait mal.»
Mais la qualité de l’air n’est pas le seul problème. Et la pollution ne se fait pas sentir uniquement durant les mois d’hiver.
«Le pays est comme une montagne de déchets»
La plus grande décharge à ciel ouvert qui reste en Europe se trouve en Serbie. Des milliers de tonnes d’ordures s’empilent sur le site de Vinča, près de la capitale, depuis près de 50 ans.
«Il y a souvent des feux dans la décharge», signale Mme Markovic. «Les fumées toxiques se mêlent au smog de la ville et empirent la qualité de l’air déjà horrible.»
De plus, Belgrade est la seule capitale européenne à rejeter ses eaux usées non traitées dans le Danube, le deuxième plus long fleuve du continent.
«Tout le pays est comme une montagne de déchets», lance-t-elle. «On n’a pas d’eau potable claire depuis 20 ans. Elle est jaune et goûte le métal.»
Comme plusieurs militants écologistes, elle dénonce l’inaction du gouvernement autoritaire pro-Poutine d’Aleksandar Vučić, qui vient tout juste d’être réélu pour un deuxième mandat, soit le 3 avril.
La Serbie espère rejoindre l’Union européenne d’ici 2025. Sa candidature est toujours en examen, mais son bilan environnemental pourrait lui faire obstacle, entre autres.
Mia Markovic ne compte pas retourner vivre dans son pays natal.
«Le pays a toujours été pollué, dit-elle, mais ça a beaucoup augmenté en 10 ans. J’étouffais. Je faisais des attaques de panique, je prenais des médicaments.»
Depuis son retour au Québec, l’anxiété a disparu.
«Mes enfants n’ont pas été malades depuis qu’on est à Montréal. On peut ouvrir les fenêtres de la maison sans danger. On peut prendre des marches», se réjouit-elle. «Ma fille me dit que l’air est plus pur ici.»