Voici pourquoi le Québec garde en lieu sûr des millions de livres de sirop d'érable


Andrea Lubeck
La réputation du sirop d’érable du Québec n’est plus à faire, si bien que la province détient sa propre réserve stratégique d’or blond. On vous explique pourquoi des millions de livres de sirop sont stockés en lieu sûr et comment fonctionne cette réserve.
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La réserve stratégique telle qu’on la connaît a été mise sur pied en 2000. Déjà en 1986, les producteurs acéricoles avaient néanmoins constitué une banque de sirop d’érable, relate Pierre Rhéaume, directeur des communications par intérim des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ).
La raison est fort simple: comme les régions du Québec ne dégèlent pas en même temps, les producteurs situés plus à l’est entaillaient plus tard que ceux dans la grande région de Montréal. Les acériculteurs de l'est «arrivaient donc en retard sur le marché et restaient pris avec leur sirop d’érable», précise Pierre Rhéaume.
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Aujourd’hui, quand la production est plus importante que la demande, les acériculteurs placent leurs excès dans la réserve stratégique située à Laurierville, dans le Centre-du-Québec. Ce n’est que lorsqu’il faut piger dans la réserve que les producteurs sont payés.
Répondre à la demande
Comme la récolte dépend presque uniquement de la température, la réserve stratégique a pour but de pallier les problèmes d’approvisionnement lors d’une moins bonne année – comme ç’a été le cas en 2021, avec 133 millions de livres récoltés –, en plus de stabiliser le prix du produit.

Et avec un bond de la demande de 20% en deux ans, il en faut du sirop pour satisfaire tous les marchés. C’est que le Québec se classe au premier rang des producteurs d’érable sur le globe, comptant pour environ 72% de la production mondiale et 92% de la production canadienne.
«On ne peut pas faire de la promotion sur un marché européen, par exemple, et ne pas avoir de stocks à leur fournir», explique Pierre Rhéaume. Outre une hausse à l’international, il suppose que la pandémie a forcé les gens à cuisiner davantage et, donc, à consommer plus de sirop d’érable.
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Mais bien avant la pandémie, la consommation de l’or blond par les Québécois a bondi de 81% entre 2016 et 2020, pour s’établir à 3,2 livres par personne par année, selon des données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).
Dans un monde idéal, la réserve contient jusqu’à 100 millions de livres de sirop d’érable. Les PPAQ ne fixent toutefois pas de quantité maximum ou minimum, dit Pierre Rhéaume. Mais le printemps clément l’an dernier a forcé les acériculteurs à piger dans la réserve, qui a fondu à 36 millions de livres, le plus bas niveau depuis 2008.
«Une très bonne récolte» cette année
Heureusement, mère Nature a gardé le Québec dans ses bonnes grâces cette année. Jusqu’à maintenant, les acériculteurs ont eu «une très bonne récolte» qui permettra de renflouer les coffres de la réserve, indique Pierre Rhéaume. On estime que la production sera équivalente à la moyenne, soit 150 millions de livres.
«Si ça continue comme ça, on va pouvoir remplir la réserve, mais pas au niveau où elle était. Ça va prendre de trois à cinq ans pour la remettre à niveau», ajoute-t-il.

Pour y arriver, les PPAQ ont autorisé sept millions d’entailles supplémentaires. D’ici 2023, le Québec franchira le cap des 57 millions d’entailles, ce qui pourrait donner jusqu’à 185 millions de livres de sirop d’érable par année.
Toute cette production à venir incite donc les PPAQ à construire un second entrepôt pour leur réserve stratégique, pas très loin de l’espace d’entreposage actuel.