Choisir le prénom de son bébé: un sujet épineux qui suscite les conversations
Catherine Gendreau
Qu’on le veuille ou non, la plupart d’entre nous avons des préjugés envers certains prénoms. Souvenirs, associations, mépris de classe, etc., le prénom véhicule une image de soi, il porte le poids des valeurs et des aspirations de ceux qui l’ont donné.
Il n’est donc pas surprenant que son choix soit au cœur de plusieurs chicanes et nuits blanches quand un couple attend un enfant...
«Qu’y a-t-il dans un nom?»
Cette question, posée par Juliette Capulet dans la fameuse scène du balcon, me fascine depuis longtemps. À 7 ans déjà, j’écrivais dans mon journal intime que je ne pourrais jamais épouser un Steve, et je faisais de longues listes de prénoms potentiels pour mes hypothétiques enfants à venir. Ces listes évoluaient au gré de mes lectures et de mes rencontres, et c’est ainsi que ma fille s’est finalement appelée Frédérique, et non pas Marigold comme l’héroïne du roman de Lucy Maud Montgomery dévoré au cours de l’été de mes 10 ans (fiou!).
Dans son livre Le pouvoir des prénoms, l’auteure et professeure Anne-Laure Sellier affirme que les prénoms conditionnent notre existence et influencent profondément notre réussite, autant dans la sphère intime que professionnelle. Ce constat est également fait par de nombreuses études sociologiques qui prouvent l’impact indubitable du prénom sur le succès scolaire, amoureux et financier. Ainsi, à compétences égales, les Kevin francophones auraient 30% moins de chances de décrocher un emploi qu’un candidat prénommé Philippe ou Charles-Antoine, par exemple. On imagine la pression pour les parents! Mais est-ce vraiment si pire que ça? Le choix d’un prénom est-il réellement la décision la plus importante de la vie des parents?
«Ah! C’est... spécial!»
Pour éviter les préjugés conscients et inconscients, le racisme, l’âgisme et le classisme qui nous feraient swiper à gauche les Jason ou les Georgette, plusieurs parents optent pour l’originalité. Une stratégie qui ne donne pas toujours de bons résultats, comme en témoigne l’hilarité provoquée par les palmarès annuels des prénoms les plus «spéciaux». Certes, on peut imaginer les difficultés sociales rencontrées par Michael-Jordan, Slayer ou Bungee (je n’invente rien, ces prénoms ont été enregistrés à l’état civil en 2019), mais qu’en est-il des Karolyne et des Ely-Anne?
«Tu ne peux pas totalement comprendre ce qu’on vit, tu es une Catherine classique, m’écrit mon amie Jessyka. Ma vie est un calvaire, je passe mon temps à épeler mon prénom. On me juge. Il m’arrive encore parfois de ressentir de la colère envers mes parents. Quelle bulle leur est montée au cerveau pour penser que c’était une bonne idée d’écrire ainsi mon prénom, qui est déjà connoté négativement par les francophones lorsqu’il est orthographié de façon normale!?» Sans surprise, lorsque Jessyka a vu le petit + apparaître sur son test de grossesse, elle s’est mise en quête d’un prénom classique, un prénom qui ne ferait pas de vagues, qui ne serait pas un fardeau à porter pour son enfant. «Je n’en dors plus tant j’ai peur de faire le mauvais choix et de handicaper mon enfant sans le vouloir!»
Juste Leblanc?
Il arrive aussi que le prénom en tant que tel ne pose pas de problème, mais que son association au nom de famille rende l’ensemble ridicule, voire humiliant. «Fille, je m’appelle Dominique Dominique... Imagines-tu ma vie?» rigole ma collègue «Dom-à-la-deux». Quand on se compare, on se console. C’est quand même moins lourd à porter que le nom complet d’une ancienne cliente qui comprenait le très joli mot «charogne» (tousse, tousse). Finalement, nos blagues d’enfance et nos jeux de mots douteux pour détourner les noms des élèves de notre classe n’arrivent pas à la cheville de la réalité de plusieurs d’entre nous.
J’aimerais bien rassurer les futurs parents, mais l’expérience de la maternité donne plutôt raison aux angoisses de Jessyka. Combien de fois ai-je eu à répondre à des madames inquiètes, dans l’autobus ou à l’épicerie, que non, Frédérique n’était pas un prénom exclusivement masculin, et que non, je n’étais pas en train de «scrapper» la vie de ma fille en lui donnant un prénom unisexe? Ma propre mère avait fait la moue quand je lui avais annoncé mon choix: «Ça sonne violent, avec les r et le q, tu ne voudrais pas plutôt l’appeler Camille? C’est tellement doux, Camille, c’est parfait pour une petite fille!» Mégaroulement d’yeux de ma part, surtout que j’avais choisi ce prénom parce que je voulais JUSTEMENT une enfant forte et volontaire. Assez forte et volontaire pour chialer, à 11 ans, que son prénom n’est pas assez original et qu’elle aurait préféré quelque chose comme Keyla ou... Marigold. Je vous le dis, à ce jeu-là, on ne gagne JAMAIS!
Témoignages
«Mon chum s’appelle Carl, et je dois dire que je suis contente que ses parents l’aient orthographié avec un C, et non pas avec un K. Les orthographes originales m’irritent beaucoup!» – MARIE-CHRISTINE
«Je tenais énormément à appeler mon fils Jim, en hommage à un ami décédé, mais ç’a été une fin de non-recevoir dans ma belle-famille. Un prénom de “pas bon”, selon eux. J’aurais peut-être dû tenir mon bout, mais j’ai abdiqué. Mon fils s’appelle Auguste, finalement, et il déteste son prénom. Je lui dis d’aller se plaindre à son père.» – SIMONE
«Mon père avait croisé une fille qui s’appelait Geneviève au secondaire et elle était jolie. Il ne lui a jamais parlé (elle était snob et lui était un peu bum), mais le prénom est resté. C’est quand même étrange que ma mère ait accepté de donner le nom d’un fantasme de jeunesse de son mari à sa fille!» – GENEVIÈVE
«Au début de ma relation avec Roland, je me suis demandé si j’allais vraiment sortir avec un homme qui avait le même prénom que mon grand-oncle. Nous sommes ensemble depuis 15 ans, et je le niaise encore avec ça, parfois.» – VALÉRIE
«J’essaye toujours de parler de vive voix aux gens. Après avoir envoyé un CV, j’appelle (au risque de passer pour une intense) juste pour que les gens puissent entendre mon accent d’ici. Cela aide à faire accepter le nom.» – YASMINA
«De multiples entretiens d’embauche ont commencé par: “Oh! je ne m’attendais pas à une jeune femme... Habituellement, Édith, c’est plus... plus...” Plus quoi? Plus Cercle des fermières? Dans les bars, avec les jeunes hommes, c’était la même chose. Il y avait clairement un préjugé défavorable lié à mon prénom.» – ÉDITH
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