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L'article provient de Clin d'oeil
Célébrités

Julianne Côté a tout d’une grande

Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos
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Emmanuelle Martinez

2022-06-27T12:30:00Z
2022-06-27T12:32:57Z
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La femme qui entre dans le restaurant Lundis au soleil par un vendredi gris vient d’ouvrir un nouveau chapitre de sa vie. La veille, la comédienne qu’on a connue dans Le chalet ou dans Tu dors Nicole a lancé sa série, De Pierre en fille, diffusée sur Tou.tv. Elle écrivait pour la première fois, inspirée par son père. Son héros.

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Casquette vissée sur la tête, Julianne se glisse sur la banquette que je nous ai jalousement mise de côté dans un coin du resto. Comme elle est en pleine tournée de promotion, les entrevues s’enchaînent; son «bébé» de fiction en huit épisodes est né. Enfin!

Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos
Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos

Après trois ans de préparation, un an de montage et d’attente post-tournage, elle est fière du résultat. Elle peut le dire maintenant. Et se reposer de quelques nuits sans sommeil avec le cœur rempli: «Je reçois une grosse vague d’amour depuis hier soir, et chaque message me touche profondément.» Ça pourrait être une conclusion, mais ce sera l’entrée en matière: la femme que j’ai devant moi est heureuse. Il y a ces retours positifs, le printemps qui commence et elle est amoureuse. Je suis curieuse, je lui demande à quoi ressemble sa vision du couple: «Elle est simple. La personne avec qui tu es est censée rendre ta vie meilleure. Idéalement, ta vie était déjà trippante et cette personne arrive comme un bonus. Je ne ressens pas le besoin d’être en couple. Si c’est le cas, il faut que ça m’emmène plus loin. J’aime les rapports francs et sains. J’ai eu de mauvaises expériences, comme beaucoup, mais je suis presque contente de les avoir eues. Ça m’a forgée, et je suis doublement plus en amour avec mon chum, qui est pure gentillesse.»

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Femme-enfant  

Julianne a quelque chose d’intimidant en personne. Peut-être parce qu’elle n’essaie pas de charmer ou d’embellir quoi que ce soit. Elle est juste elle-même, l’esprit vif, ouvert. Son visage juvénile et sa silhouette menue, enveloppée dans un sweater, tranchent avec son assurance celle d’exercer sa vocation. Elle le sait depuis ses trois ans, lorsque, fascinée par Michelle Pfeiffer dans le rôle de Catwoman, elle décide qu’elle sera actrice. En commençant à jouer à 11 ans, elle grandit vite. Paradoxalement, elle vieillit peu. «J’ai gravité très tôt dans un monde d’adultes et de blagues grivoises. Je me rappelle m’être dit que je n’étais pas censée entendre tout ça. Finalement, ç’a façonné mon caractère et mon humour. J’ai développé un sens de la répartie un peu assassine, un sarcasme qui ne “fitte” pas avec mon corps et qui a souvent déstabilisé les autres. J’étais ce petit bout de femme qui parle sans filtre.» Avant que cette verve devienne un atout, elle lui a quand même causé quelques ennuis. «Plus jeune, j’étais extrêmement frondeuse, consciente du pouvoir des mots et de la portée de mes paroles sur les autres. Il m’est arrivé de franchir des limites par manque de jugement. Je me suis tempérée depuis.»

Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos
Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos

Au secondaire, Julianne concilie ses études avec des rôles, des horaires de tournage et des textes à livrer. Son père la soutient, parce qu’il voit bien que c’est une évidence pour sa fille, un plaisir inépuisable. Elle me répétera plusieurs fois que sa famille la valorise et l’entoure d’un amour infaillible. La base est solide. Heureusement. «À 18 ans, j’ai connu un creux de vague. J’avais l’air trop jeune pour jouer des femmes, trop vieille pour jouer des ados et j’ai réalisé que tout pouvait se terminer à jamais. Ça m’a happée et j’ai capoté, parce que je ne me voyais pas faire autre chose. Ç’a été une remise en question difficile, jusqu’à ce que je décroche mon rôle dans Tu dors Nicole

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La naissance d’un projet  

Ce rôle-titre dans le film de Stéphane Lafleur qui l’envoie au Festival de Cannes, en 2014, relance la machine professionnelle. En 2015, c’est l’aventure de la série jeunesse Le chalet – diffusée à VRAK jusqu’en 2019 – qui commence. Elle y retrouve l’une de ses sœurs de cœur, Sarah-Jeanne Labrosse, qu’elle connaît depuis des années, et toute une gang dont la simple évocation invite la nostalgie: «L’ambiance était extraordinaire, on avait trop de plaisir. Quand ça s’est terminé, j’ai eu un peu le vertige... Je me suis dit qu’il fallait que je me mette au boulot.»

La comédienne nourrit l’envie d’écrire, de jouer avec les mots, qu’elle aime manier depuis l’école, depuis les poèmes et les tirades qu’elle apprenait par cœur pour les déclamer et qui l’aidaient à canaliser son énergie. Elle a envie de dialogues savoureux, de joutes verbales, comme on peut en avoir lors d’un souper entre amis où rien ne se passe vraiment et où tout arrive pourtant. Mais par où commencer? Peut-être par celui qui partage ses plus grands fous rires, recueille sa moindre confidence et inspire ses meilleurs traits d’esprit: son papa. Il l’a élevée seul, avec son grand frère, après le décès de leur mère. Julianne avait trois ans. La jeune famille a emménagé chez les grands-parents et la présence maternelle réconfortante de sa grand-mère a contribué à apaiser le deuil diffus de la fillette.

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De mère en fille  

«Lorsqu’on a déménagé, que j’ai intégré une nouvelle école et que j’ai vu mes amis avec leurs deux parents, quelque chose a changé. C’est étrange, mais j’avais honte. J’étais probablement juste triste, mais je ne voulais pas aborder le sujet de la mort de ma mère. Il m’est même arrivé de mentir. Pour mon frère, ce n’était pas un tabou, mais moi, je n’osais pas aller là. Mon père me parle de ma mère avec amour. Ma marraine, sa meilleure amie, me parle d’elle à travers le prisme de l’amitié, avec tendresse et humour. Elle la reconnaît dans certains de mes comportements, dans mon côté maniaque de la propreté notamment, ou lorsque je peux être intransigeante et un peu boudeuse pendant une chicane. Elle est là, je la porte en moi. Le fait d’en parler plus librement, comme en ce moment, m’aide à me réapproprier un peu sa présence. Ça me fait du bien, en fait. Je lui ai survécu aussi. Elle est décédée à 28 ans et j’en ai 31... Je ne veux pas me victimiser, parce que je ne sais pas quel aurait été mon lien avec elle. Est-ce que je serais celle que je suis? Est-ce que je ferais ce métier? Je n’en sais rien. Je veux juste qu’elle reste vivante en moi.»

Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos
Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos

De père en fille  

Revenons à ce père qui a joué tous les rôles, à cet homme flamboyant qui lui a transmis son humour et son ouverture d’esprit, «un électron libre», comme elle aime le décrire. De Pierre en fille n’est pas l’histoire de Julianne. Elle a évidemment mis une part d’elle dans Daphnée, le personnage qu’elle interprète, et de son père dans Pierre, cet homme plus grand que nature brillamment joué par Patrice Robitaille. La ressemblance s’arrête à peu près là. La série est avant tout un hommage à leur lien fusionnel. Cela dit, cette complicité étant un personnage en soi et sa force étant un pivot dramatique essentiel, la chimie entre les deux acteurs devait percer l’écran. Autant dire que choisir le bon acteur était une étape critique. «Je n’avais personne de précis en tête lorsque j’ai entamé l’écriture, mais j’avoue que l’idée de Patrice Robitaille s’est vite imposée.» D’habitude, les choses se font naturellement. On parle du projet autour d’un souper, on sent l’énergie de l’autre, on apprend à se connaître de façon détendue et informelle et on voit si ça pourrait marcher. Bref, la vie! Mais quand la vie est sur pause et que se rencontrer pour un café relève du tour de force, on envoie les textes et on croise les doigts pour que la magie opère le jour des essais... Sur ce coup-là, Julianne n’a pas été déçue: «Quand il est arrivé en lecture, la première fois, on était médusés. C’était impeccable. Il avait saisi chaque nuance. Il l’a “nailé” de suite!» Il suffit de regarder la série pour comprendre que ce n’était pas une mince affaire. L’écriture est ciselée, les échanges sont rapides, comme une partie de ping-pong verbal jouissif à regarder. Avec des dialogues qui s’étiraient parfois sur 10 pages, l’apprentissage par cœur était une nécessité. «Je l’admirais déjà énormément, mais là, j’ai pu voir à quel point c’est un gros travailleur. Il apprend ses textes des semaines à l’avance et arrive hyper préparé pour qu’une fois le tournage commencé, on puisse s’amuser avec un texte maîtrisé sur le bout des doigts.»

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Les premiers pas  

Pour ce baptême du feu dans la peau d’une auteure, Julianne s’est entourée de personnes de confiance. La réalisatrice, Marie-Claude Blouin, est celle de la série Le chalet. Sarah-Jeanne Labrosse incarne Camille, sa meilleure amie et coloc. Quant à sa blonde un peu toxique, elle est interprétée par Karelle Tremblay. Julianne, qui a joué en 2016 dans la série Féminin/Féminin, tenait à ce que son personnage soit lesbienne pour deux raisons.

La première était de normaliser à l’écran, sans trompette ni fanfare, ce qu’elle considère comme étant simplement la vie. «Mon père est comme ça. Je pourrais arriver au bras de n’importe qui, il me demanderait juste: “T’es bien, t’es heureuse? Cool.” Ça, c’est précieux.» La deuxième raison est tout aussi candide: «J’avais envie de jouer avec mon amie Karelle. Vu qu’on tournait en pleine pandémie, je n’avais ni le temps ni l’envie de créer un lien avec un acteur que je ne connais pas. Surtout qu’à la base, cette relation était écrite pour qu’on saisisse son côté fusionnel et charnel. Au bout du compte, on ne s’embrasse qu’une fois. Je me suis rendu compte qu’un regard peut être aussi fort, voire plus, qu’une scène de sexe. Sans compter que je suis pudique. La nudité à l’écran me met mal à l’aise, et pas seulement la mienne. C’est bête, mais ça me fait de quoi, même si j’adore être “challengée”.»

Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos
Photo: Royal Gilbert - stylisme Florence O. Durand - direction mode Anthony Mitropoulos

Sur sa lancée  

Cette phrase résume bien ce que j’ai ressenti l’espace d’une rencontre. Une rare finesse d’esprit qui a besoin d’être aiguisée pour que les yeux pétillent, que cette femme affirmée prenne encore plus la place qu’elle mérite. Tout aussi forte est l’envie de prendre les choses à son rythme, dans une bulle laissant juste assez d’espace à la création et à l’amour de ses proches, qui la bercent sans l’envahir. J’ai décelé, encore accrochés, des restes d’enfance, de batailles de chatouilles qui font mal de rire trop fort, d’un temps où rien n’est grave et où tout est aussi infiniment ancré en nous que temporaire. Mais une porte s’est ouverte, des questions de grandes personnes s’y sont engouffrées. Veut-elle une famille? Elle se verrait en avoir une, mais pas à tout prix. Il y a quelque chose d’irréversible dans le fait de devenir parent qui lui fait un peu peur, surtout quand, en riant à moitié, elle me lance: «Je me demande encore à quoi je vais ressembler quand je vais être adulte!» Elle a donné vie à une œuvre, c’est déjà pas mal! Et puis, célébrer son père avec amour, mais sans complaisance, d’égal à égal, dans son imparfaite et attachante humanité, c’est aussi ça, devenir adulte, non? 

À VOIR: Clin d’œil - Julianne Côté - En Grande Première     

 

 

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