En Finlande, l’objectif climatique le plus ambitieux au monde vient d’être voté
Anne-Sophie Poiré
Tandis que tout porte à croire que le Québec ratera sa cible de réduction des gaz à effet de serre, la Finlande vient d’adopter la politique climatique la plus ambitieuse au monde. Le pays s’engage à la neutralité carbone d'ici 2035.
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La loi qui promet aussi la négativité carbone d’ici 2040, a été approuvée mercredi dernier par le Parlement. Elle fera de la Finlande le premier pays à rendre cet engagement juridiquement contraignant.
La plupart des pays riches, comme l’Union européenne (UE) et le Canada, ont fixé des objectifs de zéro émission nette pour 2050.
Mais dans ce petit pays de 5,5 millions d’habitants, la neutralité carbone a été devancée à 2035.
Seul le Soudan du Sud compte atteindre le «zéro émission nette» avant cette date soit en 2030, selon le Net Zero Tracker.
La cible est «ambitieuse, mais réalisable», assure la ministre finlandaise de l’Environnement, Emma Kari, qui s’appuie sur la part du pays dans les émissions que la planète peut émettre tout en ayant deux tiers de chances de respecter l’Accord de Paris, soit de limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
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Un plan ambitieux
Pour y arriver, le gouvernement de la première ministre Sanna Marin entend d’abord réformer la loi sur le changement climatique, et ainsi devancer les précédents objectifs de réduction de GES.
La politique énergétique sera également revue dans ce pays où la part des combustibles fossiles est encore belle. Plus de 35% de l’énergie de la Finlande provient des hydrocarbures, dont la majorité est importée de son voisin, la Russie.
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«Le pays a tout avantage à se détacher de ces combustibles fossiles», commente le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau. «L’alignement d’impératifs géopolitique et environnemental est presque parfait: on veut se détacher des hydrocarbures russes, ça rentre dans la tête de la population. Et ça accélère la transition.»
Le reste de l’énergie est tirée du nucléaire et de la biomasse.
La réduction de l’empreinte carbone des bâtiments, la taxation des dommages environnementaux, la protection des forêts – qui couvrent les trois quarts de sa superficie –, la promotion d’une économie circulaire et la poursuite d’une politique alimentaire durable sont aussi au menu.
M. Pineau doute que le pays soit en mesure d’atteindre cette cible, malgré toute sa volonté.
«Mais les objectifs m’importent peu», signale le professeur. «Ce qui est important, ce sont les actions. Au Québec, on s’est toujours fixé des objectifs, mais on les a toujours ratés parce qu’on n’a pas mis grand-chose en place.»
Pourquoi pas le Québec?
Dans son plus récent rapport déposé ce matin à l’Assemblée nationale du Québec, la commissaire au développement durable, Janique Lambert, a écorché le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien.
Les cibles prévues de réduction de GES de 37,5% pour 2030 pourraient ne pas être atteintes, craint-elle.
Avec une énergie propre et renouvelable à plus de 99%, le Québec fait piètre figure devant la Finlande.
«La Finlande, comme les pays nordiques, accepte mieux l’implication du gouvernement dans l’économie et la société. Ça permet d’agir de manière très rapide», explique M. Pineau.
«Le pays a aussi beaucoup de politiques sociales et de logement. Il y a donc moins de crainte que la transition énergétique creuse les inégalités», poursuit l’expert. «C’est difficile de dire qu’on va augmenter le prix du chauffage sans que ça affecte la capacité de payer. Mais avec un programme de logement, ça facilite les choses.»