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Environnement

Changements climatiques à Gatineau: «dans 10 ans on va sérieusement être dans la marde»

Marc Valli�res/Agence QMI
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2022-05-27T22:58:45Z
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Empiler des sacs de sable, vider le sous-sol, réunir du matériel d’urgence: les résidents de Gatineau le font maintenant chaque année pour se préparer aux inondations. Avec les changements climatiques, ils savent que la menace se répétera plus fréquemment, ainsi que l’angoisse qui l’accompagne.

Après le derecho de samedi dernier — un phénomène météorologique rarement observé au Québec qui n’arrive qu’au printemps, la Ville de Gatineau se prépare à de possibles inondations sur son territoire, pour la troisième fois en cinq ans. 

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«Je suis triste pour les jeunes, pour mes enfants. Parce que dans 10 ans, on va sérieusement être dans la marde», lâche Benoit Guérette, qui réside à quelques mètres de la rivière Gatineau qui menace de déborder depuis le passage de la tempête. 

Benoit Guérette, un résident du secteur Pointe-Gatineau.
Benoit Guérette, un résident du secteur Pointe-Gatineau. Anne-Sophie Poiré

Dans son quartier de Pointe-Gatineau, 150 maisons ont déjà été démolies depuis les inondations de 2017. 

Mais lui a choisi de rester. 

Malgré les centaines de milliers de dollars investis pour surélever sa maison et installer des fondations hydrofuges, il sait que les tempêtes violentes — et les inondations qui s’en suivent — se reproduiront, et de plus en plus souvent. 

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«Des inondations ici, il y en a depuis longtemps. Mais elles n’ont pas toujours été causées par l’humain», fait-il valoir. 

«Nous, notre génération, on n’a pas les guts d’aller crier devant l’Assemblée nationale pour dire au gouvernement qu’il ne fait rien pour les changements climatiques», poursuit-il. «Je suis inquiet pour l’avenir.» 

Vivre dans l’angoisse  

Le réservoir Baskatong est un plan d'eau de plus de 400 km2 situé au nord de Maniwaki et de Mont-Laurier. Il se déverse directement dans plusieurs rivières de la région de l’Outaouais, dont la rivière Gatineau. Depuis les dix derniers jours, la rivière a reçu 130 mm d’eau. 

Ce sont 50 mm de plus qu’à pareille date l’année dernière. 

«On passe de l’urgence à la surveillance. Il faut demeurer vigilant, mais on passera un week-end un peu moins anxieux», a assuré la mairesse de Gatineau, France Bélisle, en point de presse vendredi. 

Pour elle, il est pourtant clair que la question des changements climatiques est au cœur des événements météorologiques extrêmes qui s’abattent sur les Gatinois, avec les inondations qui se répètent et les trois tornades qui ont déchiré la ville en septembre 2018. 

«2017, 2019, et là 2022...qu’on soit inondé ou pas, on angoisse pareil! Je ne suis pas capable de me mettre dans la tête que les changements climatiques vont autant m’affecter», lance Candy Rochon, 72 ans, une résidente de Pointe-Gatineau. 

Candy Rochon, une résidente de Gatineau, devant sa maison située en zone inondable.
Candy Rochon, une résidente de Gatineau, devant sa maison située en zone inondable. Anne-Sophie Poiré

«On ne peut pas vivre comme ça», confie-t-elle. «On a mis des sacs de sable sur nos terrains, on a élevé nos maisons. On a fait notre part. Je n’aurais jamais acheté une maison près de la rivière avoir su que les risques d’inondations allaient augmenter avec les années.» 

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Elle refuse d’abandonner la résidence qu’elle occupe depuis 1995, malgré l’angoisse d’habiter en zone inondable. 

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En 2017, 3000 sacs de sable avaient été disposés sur son terrain. L’année suivante, elle a choisi d’investir 650 000$ pour assurer la protection de sa maison. 

Anne-Sophie Poiré
Anne-Sophie Poiré

«Se préparer diminue et de beaucoup le choc et le stress de la menace des inondations», fait valoir la psychologue spécialisée en environnement, Anne-Sophie Gousse-Lessard. 

«Mais les gens de Gatineau qui ont été inondés en 2017, ont vécu la tornade en 2018 et ont été à nouveau inondés en 2019, c’est une accumulation de beaucoup de stresseurs», poursuit-elle. «Le rétablissement peut être très long, le trauma reste longtemps.» 

Le facteur humain  

Plusieurs éléments expliquent la sensibilité du bassin versant de la rivière Gatineau aux inondations, selon le chercheur en hydroclimatologie et directeur du Réseau inondations intersectoriel du Québec (RIISQ), Philippe Gachon. 

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Sa grande superficie et sa pente importante favorisent les apports en eau qui peuvent mener aux débordements des rivières. 

Mais, le facteur humain demeure l’un des principaux responsables. 

«Ce bassin a connu parmi les plus importantes augmentations des superficies urbaines au cours du temps, donc favorisant des ruissellements élevés», explique l’expert. «Il y a moins d’effets d’interception et de captage de l’eau lorsqu’il y a moins de végétation.» 

C’est également le constat que fait le directeur général d’Ouranos, Alain Bourque. 

«On a eu tendance à surutiliser les infrastructures grises comme les digues et les barrages, mais à sous-utiliser les solutions basées sur la nature comme la conservation des milieux humides et de la végétation», détaille-t-il. 

«On n’a pas le choix de revenir à des moyens plus naturels», observe-t-il. «Mais réduire les GES est aussi la bonne idée pour stabiliser le climat.» 

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