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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Désinformation: quand des propos douteux sont entendus par des milliers de gens

Certains professionnels radiés sont suivis par de nombreux abonnés sur les réseaux sociaux

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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2022-07-16T04:00:00Z
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Cet article fait partie d'un dossier sur les dizaines de travailleurs qui ont été punis depuis le début de la pandémie pour leurs propos antivaccins, anti-mesures sanitaires ou encore pour avoir omis de respecter certaines règles. Des intervenants expliquent la nécessité de ces sanctions tandis que d'autres dénoncent un «dérapage».


Les propos douteux ou carrément farfelus de certains professionnels qui ont fait face à leur ordre ont pu atteindre des milliers de personnes, que ce soit parce qu’ils font partie des leaders de la complosphère québécoise ou parce qu’ils s’exprimaient dans les médias.

Certains remettent en question l’autorité de leur Conseil de discipline, suggérant que ses décisions sont contrôlées par le gouvernement. 

«Regardez ceci. Legault se sert de l’ordre des CPA [comptables professionnels agréés] pour m’attaquer», publiait l’ex-comptable Stéphane Blais en juin 2020. 

Quand on regarde le parcours de certains leaders de la mouvance complotiste, on remarque que plusieurs étaient insatisfaits de la position qu’ils occupaient au sein de la société, explique Martin Geoffroy, du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation au cégep Édouard-Montpetit.

En se créant leur propre «micro-univers», ces influenceurs peuvent avoir l’impression d’être des personnes très importantes, analyse-t-il. 

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LES INFLUENCEURS 

Daniel Pilon

Photo tirée de Facebook
Photo tirée de Facebook
  • Ex-comptable
  • Notre-Dame-de-l’Île-Perrot
  • Radié de façon permanente

Amende : 10 000 $

«Une puce sera insérée dans le vaccin qui s’en vient» qui servira à «nous contrôler à distance», fait partie des choses qu’il affirmait dans ses vidéos en plein début de la crise sanitaire, au printemps 2020, alors qu’il s’affichait comme comptable agréé (CPA) sur les réseaux sociaux. 

Plus de 100 000 personnes sont abonnées à sa page Facebook «Chroniqueur – libre penseur». Il a également été l’organisateur d’une manifestation anti-mesures sanitaires en décembre 2021.

Dès 2017, il avait reçu un avertissement des syndics de l’Ordre des CPA l’invitant à se limiter à son expertise dans ses vidéos et d’adopter une «attitude professionnelle». 

«[M. Pilon] commente que Bill Gates connaît les virus informatiques, donc il connaît le fonctionnement d’un virus», peut-on lire dans le jugement du 10 novembre 2020. 

«Je pense qu’ils [l’Ordre] ne me méritent pas [...] J’ai été le meilleur ambassadeur avec 350 capsules en me présentant comme CPA et j’ai reçu aucune reconnaissance», se plaignait-il dans une vidéo d’avril 2020.  

En entrevue téléphonique avec Le Journal, il affirme toutefois ne pas éprouver de ressentiment envers l’ordre des CPA. 

«J’encourage tous les jeunes qui veulent faire une carrière comme comptable professionnel de suivre une formation à l’université de leur choix.»

«Mais je trouve que [les syndics] ont le bras long en allant toucher à la libre expression des gens.»

Avant même d’être radié, il avait démissionné de l’ordre. Il dit n’avoir aucun regret et continuer à gagner sa vie dans le monde de la comptabilité, notamment comme «coach financier». 

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Stéphane Blais

Photo tirée de Facebook
Photo tirée de Facebook
  • Ex-comptable
  • Lévis
  • Radié de façon permanente

Amende : 20 000 $

Stéphane Blais se présente comme le fondateur et président de la Fondation pour la défense des droits et libertés du peuple, qui recueille des dons et dont la page Facebook compte plus de 75 000 abonnés. Il est notamment à l’origine de démarches judiciaires contre le gouvernement pour contester les mesures de confinement. 

«Cette crise [COVID-19] était préméditée. Le virus est un prétexte pour nous conditionner à la docilité et à la répression policière», publiait-il en mai 2020. 

Lors de l’audience du 7 juin 2021, il affirme qu’il lui est impossible d’avoir un procès impartial étant donné qu’il considère le Conseil de discipline et la plupart des institutions politiques comme des «agents» de «Sa Majesté la reine». 

Il fait partie de ceux qui contestent non seulement les mesures sanitaires, mais également le système d’encadrement des professionnels. 

En décembre 2021, il invitait les internautes sur Facebook à défier «tout couvre-feu» et à porter le masque «sous le menton», rapporte-t-on dans le jugement rendu en juin dernier. 

Joint par courriel, Stéphane Blais affirme ne plus avoir l’intention de faire partie d’un ordre professionnel qui «musèle ses membres simplement parce qu’ils critiquent un gouvernement qui gouverne depuis deux ans par décret».  


Gloriane Blais

Photo tirée de Facebook
Photo tirée de Facebook
  • Ex-avocate
  • Québec et Lac-Mégantic
  • Radiée

«Les enseignants devraient avoir l’obligation de déclarer qu’ils sont maintenant des cobayes de compagnies pharmaceutiques, afin de protéger l’intégrité corporelle des enfants, le bagage génétique de l’humanité.» Voilà une des nombreuses affirmations de Mme Blais rapportées dans une décision publiée le 25 janvier 2022. 

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Mme Blais a été candidate à la course à la direction du Parti Québécois en 2020. Sa page personnelle Facebook est suivie par plus de 15 000 abonnés.

En mai 2021, elle a notamment publié que la vaccination contre la Covid-19 était un «crime contre l’humanité» sur la page qui s’intitulait à l’époque «Gloriane Blais, avocate experte en anti-corruption».

Les procédures sont toujours en cours pour déterminer si elle est coupable ou non. 

Dans un dossier distinct, le syndic du Barreau lui reproche d’avoir mis en doute la partialité et la capacité intellectuelle d’un juge. Elle a été reconnue coupable d’avoir emprunté des «termes démesurés» et «miné la confiance entre le public et [...] la justice», peut-on lire dans un jugement rendu en avril. 

En mars dernier, Gloriane Blais a été radiée de façon administrative après avoir refusé de se soumettre à un examen médical. Le Barreau précise toutefois qu’elle a porté en appel cette décision devant le Tribunal des professions. 

Contactée par courriel, Mme Blais n’a pas répondu à notre demande d’entrevue. 

DANS L’EAU CHAUDE POUR SES PROPOS À LA RADIO 

Marc Lacroix

Photo d'archives
Photo d'archives
  • Médecin
  • Québec

Coupable

En attente de connaître sa sanction

Le médecin de famille et propriétaire de cliniques privées Marc Lacroix a «banalisé» l’impact de la Covid-19 à plusieurs reprises sur les ondes de Radio X à Québec. En plein début de crise sanitaire, il s’est exprimé une cinquantaine de fois, notamment au micro de l’animateur Jeff Fillion. 

«Cessons d’écouter l’[Organisation mondiale de la santé (OMS)]. Puis on le voit, les pays qui ont écouté l’OMS ont des résultats désastreux, le Québec, la France, par exemple», affirmait-il en mai 2020. 

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Le Dr Lacroix a été reconnu coupable d’avoir «dépassé la limite de ce qui est acceptable» en ondes et sur sa page Facebook publique, qui compte plus de 5000 amis. Il a également manqué «de professionnalisme et de sérieux». 

«S’associant aux affirmations de Donald Trump, le Dr Lacroix banalise les effets de la COVID-19», peut-on lire dans le jugement rendu le 23 juin dernier. 

Rappelant le droit à la liberté d’expression, un des membres du Conseil de discipline a toutefois exprimé sa dissidence et aurait souhaité qu’il soit acquitté sur toute la ligne. 

Le Dr Lacroix s’est depuis engagé auprès du Collège des médecins à ne plus partager ses opinions sur la pandémie dans les médias de masse. Par communiqué, il a réagi en indiquant que ses procureurs vont analyser la décision. 

Son avocat, Jean-Claude Dubé, rappelle qu’il s’agit du premier jugement du genre à faire l’objet d’une dissidence et que le cas du Dr Lacroix s’éloigne grandement de ceux d’autres cas médiatisés. À aucun moment, le Dr Lacroix n’a tenu des propos antivaccins ou complotistes, ni omis de respecter des règles sanitaires, précise aussi son avocate, Mairi Springate. 

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