Des fourmis qui guérissent leur arbre
Anne-Sophie Poiré
- Des fourmis Azteca alfari ont réparé une blessure laissée dans un tronc en 24 heures.
- Cette espèce entretient une relation de mutualisme avec le Cecropia, un arbre très répandu dans les forêts tropicales humides.
- La colonie habite dans l'arbre, mais en échange, elle doit le défendre.
En lançant accidentellement une bille sur un arbre au Panama, un étudiant a fait une découverte «fascinante»: des fourmis se sont empressées de réparer le trou d’impact dans le tronc, le laissant entièrement guéri après 24 heures. Ce comportement — dont l’humain devrait peut-être prendre exemple — n'avait jamais été observé auparavant.
La fourmi Azteca alfari entretient une relation de symbiose avec le Cecropia, un arbre très répandu dans les forêts tropicales humides des Caraïbes et d'Amérique du Sud.
«Elles habitent dans le tronc du Cecriopa, la plante les nourrit, mais en échange, les fourmis vont la défendre des plantes envahissantes ou des autres insectes», résume l’entomologiste spécialiste des fourmis à l’Insectarium de Montréal, Dominic Ouellette.
«On savait déjà que cette relation [de mutualisme] permettait de protéger l’arbre, mais pour reboucher entièrement un trou comme ça, c’est la première fois que c’est observé», poursuit-il.
L'expérience a été réalisée par William Wcislo, un scientifique de la Smithsonian Tropical Research Institute (STRI) au Panama, rapporte la BBC.
Pour soigner la blessure laissée par le choc de la bille, les fourmis utilisent des tissus végétaux constitués de cellules vivantes appelés parenchyme.
Après deux heures de travail acharné, elles avaient déjà comblé une bonne partie du trou. Et 24 heures plus tard, il était totalement bouché.
«Au bout de cinq mois [les chercheurs] estiment que l’arbre aura cicatrisé et refait du bois par-dessus», précise M. Ouellette, qui a lu la publication du STRI en octobre dernier.
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Insectes sociaux
Il faut savoir que les fourmis sont des insectes sociaux — qui s'organisent en colonie et démontrent une intelligence collective. «Elles ont particulièrement une relation de mutualisme avec leur habitat», mentionne l’entomologiste à l’Université de Montréal et directeur général de la Société d’entomologie du Québec (SEQ), Étienne Normandin.
«Les insectes sociaux sont très connus pour colmater les brèches dans leur habitat surtout s’il y a des dommages faits près de la colonie», ajoute l’expert.
Mieux comprendre pour s’inspirer
Cette découverte, «une avancée dans la connaissance de la symbiose» selon Dominic Ouellette, permettra de mieux comprendre l’interaction du Cecropia et de la fourmi avec leur environnement.
Comment ces deux espèces s’adapteront ensemble aux changements climatiques, par exemple.
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«Leur besoin de symbiose va changer dans un endroit où il y aura plus de compétition avec des plantes envahissantes» ou si le climat se transforme, illustre l’entomologiste.
Et l’humain pourrait même «s’en inspirer pour avoir de meilleures pratiques de gestion de ses forêts urbaines», souligne M. Normandin. «Les fourmis réparent cet arbre. Si elles le font, alors, pourquoi pas nous?»
On le sait, les arbres en ville purifient l'air, atténuent les bruits et protègent des îlots de chaleur.
Pour éviter qu’un pathogène entre dans la blessure laissée par l’émondage d’un de ses arbres par exemple, «il est possible de couvrir les plaies avec des solutions pour améliorer la cicatrisation et éviter qu’il ne s’infecte», dit-il.