Chantier du garage Newton stoppé par la CAQ: risque de perdre 94M$ et de devoir annuler un contrat de 113 bus électriques
Les dirigeants du RTC outrés par la «douche froide» jetée sur un projet de 647M$ qui avait obtenu toutes les autorisations


Stéphanie Martin
Les dirigeants du Réseau de transport de la Capitale (RTC) ont vivement dénoncé l’arrêt du chantier du garage Newton pour les bus électriques et affirment qu’il est «inadmissible» que les 94M$ engagés soient «jetés par les fenêtres» et qu’on doive envisager d’annuler un contrat de 113 véhicules à Nova Bus.
L’atmosphère était lourde dans le bureau de chantier de l’avenue Galilée, où le RTC avait donné rendez-vous aux médias, jeudi, tout juste à côté de l’immense chantier de 647M$ où la machinerie s’activait toujours, avant de devoir mettre la clé sous la porte grillagée, dans les prochains jours. La présidente du RTC, Maude Mercier Larouche, le directeur général, Nicolas Girard, et le directeur des projets majeurs, Sylvain Paquet, ont dit avoir appris avec stupéfaction mardi, du cabinet de la ministre Geneviève Guilbault, que le tout devait cesser.

Le projet et son montage financier vérifié par une firme indépendante avaient pourtant obtenu l’approbation du ministère des Transports, de la Société québécoise des infrastructures à la fin de l’année 2024. Une enveloppe de 146M$ avait été approuvée. Le projet est en cours depuis 2021, 94M$ ont été engagés. Au bout du compte, c’est «le politique» qui a tranché, ont-ils regretté. C’est pourtant ce même gouvernement qui a fixé les cibles d’électrification des flottes d’autobus, ont-ils insisté.
Volte-face
«Je suis renversée par cette volte-face du gouvernement, preuve de l’incohérence, de l’improvisation du gouvernement du Québec, en matière de mobilité dans la région de Québec», a exprimé Mme Mercier Larouche. «Si le gouvernement maintenait sa décision de mettre fin au chantier, ce serait un gaspillage éhonté de fonds publics.»
«Ce sont 94M$ jetés par les fenêtres», a lancé la présidente, qui a accusé la CAQ de mal gérer les fonds publics. La subvention de 203M$ du gouvernement fédéral est aussi en péril, ont confirmé les dirigeants.
Cet abandon du chantier aura des impacts majeurs sur les usagers du transport collectif, surtout en banlieue, ont-ils averti, mais aussi sur les entreprises et travailleurs de la région, et sur le constructeur, Nova Bus, à Saint-Eustache. «On va devoir évaluer l’ensemble du contrat. On va devoir se questionner sur la commande de bus électriques à Nova Bus, avec les conséquences au niveau de Nova Bus. Ça aurait un impact pour l’économie là-bas», a déploré M. Girard.
Plus tôt dans la journée, au cabinet de la ministre Guilbault, le conseiller stratégique en communication, Claude Deraîche, parlait de «prendre un pas de recul dans le projet». Mme Mercier Larouche est catégorique: «Le message qui a été signifié par le cabinet, c’est pas qu’on prenait une pause, ce qui nous a été dit c’est qu’il fallait arrêter le chantier maintenant, et que le projet Newton était arrêté, terminé.»
En fin d’après-midi, dans une déclaration écrite, M. Deraîche a précisé: «Le projet est encore au PQI. Il n’est donc pas abandonné ni terminé. On a demandé au RTC de retourner à la planche à dessin et de répondre aux besoins avec des solutions moins coûteuses.»

Sous «des marquises»
Le cabinet de la ministre évoque qu’on peut désormais se contenter d’aires semi-ouvertes pour entreposer les bus, «par exemple en les mettant sous des marquises», explique-t-on, des solutions «moins dispendieuses». Cela a fait bondir le directeur général, qui a brandi une étude d’experts d’Ingérop, commandée par le gouvernement, qui expliquent qu’entreposer des bus électriques à l’extérieur, l’hiver ou par temps de verglas, n’est pas viable. Le fournisseur met en garde que ces conditions rudes peuvent provoquer l’arrêt complet des systèmes.
Le cabinet n’a pas répondu à nos demandes de précisions à ce sujet.
Confronté par les journalistes à l’Assemblée nationale, le ministre responsable de la région, Jonatan Julien, s’est fait avare de commentaires. «Bonne journée», a-t-il dit lorsqu’il a été questionné sur le retrait du financement pour le garage Newton.
Ce qu’ils ont dit
«Les Québécois et Québécoises, ils ont perdu 100 millions $ avec l’arrêt de mort aujourd’hui de ce garage. C’est le début de la fin de l’électrification des transports au niveau de la Capitale-Nationale et c’est presque un autre contrat résilié avec la Ville de Québec et Nova Bus.»
– Monsef Derraji, porte-parole libéral en transports
«C’est à la suite d’une décision gouvernementale sur l’électrification des autobus qu’on doit construire ce garage-là. Il y a déjà des dizaines de millions de dépensés [...] C’est un cafouillis, c’est un manque de planification. Et tout ça, ça nuit à la Capitale-Nationale.»
– Le péquiste Pascal Paradis
«C’est de la planification absolument atroce de grands projets d’infrastructure. Je ne comprends pas comment ce gouvernement-là fonctionne.»
– Le libéral André Fortin
«La ministre Guilbault est en guerre contre le transport en commun. Ça ne peut pas être plus clair que ça.»
– Le solidaire Etienne Grandmont
«Je veux juste souligner l’immense hypocrisie que Mme Guilbault a de traiter les sociétés de transport comme des mauvais gestionnaires des dossiers, lorsqu’elle-même n’est même pas capable de prendre une décision sur l’avenir de la mobilité dans la région.»

— Jackie Smith, cheffe de Transition Québec
— Avec la collaboration de Taïeb Moalla et de Nicolas Lachance, Bureau parlementaire
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