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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Conflits commerciaux à la pelle entre le Canada et les États-Unis

Loin de s’estomper sous Joe Biden, le protectionnisme américain embourbe les relations canado-américaines

Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obradore, le président américain Joe Biden et le premier ministre canadien Justin Trudeau lors du Sommet des leaders nord-américains, à Washington, le 18 novembre 2021.
Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obradore, le président américain Joe Biden et le premier ministre canadien Justin Trudeau lors du Sommet des leaders nord-américains, à Washington, le 18 novembre 2021. Photo d'archives, AFP
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Photo portrait de Anne Caroline Desplanques

Anne Caroline Desplanques

2022-01-08T05:00:00Z
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OTTAWA | Washington fait la sourde oreille aux menaces que lui a adressées Ottawa il y a un mois dans l’espoir de contrer le protectionnisme du président Joe Biden, en particulier dans le secteur des véhicules électriques assemblés aux États-Unis.

• À lire aussi: Protectionnisme américain: un «Buy North America Act» envisageable?

Dans le cadre de son plan Build Back Better, l’administration démocrate prévoit un crédit d’impôt allant jusqu’à 12 500 $ pour les acheteurs de véhicules intégralement fabriqués aux États-Unis par des travailleurs syndiqués.

Pour la ministre du Commerce international Mary Ng, cet incitatif causerait « des dommages sérieux et irréparables à l’industrie automobile » d’ici et est contraire aux règles de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), ce que Washington réfute.

En réplique, début décembre, Mme Ng et la ministre des Finances Chrystia Freeland ont adressé une lettre aux représentants du Congrès les menaçant de suspendre certaines parties de l’accord de libre-échange et d’imposer des droits de douane aux produits américains.

Mme Ng s’est ensuite rendue à Washington pour rencontrer certains représentants. Mais s’ils ont « pris acte » de la missive, ils ne se sont engagés à rien et aucune réponse formelle n’a été adressée à Ottawa jusqu’à ce jour, a indiqué une source au cabinet de la ministre.

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La pointe de l’iceberg

Pour Geneviève Dufour, directrice de la maîtrise en droit international de l’Université de Sherbrooke, le gouvernement Trudeau est trop lent à réagir au protectionnisme de nos voisins et devrait répliquer légalement rapidement.

« Les véhicules électriques, c’est seulement la pointe de l’iceberg, prévient-elle. Chaque contrat qui va être donné dans le cadre de la loi Build Back Better va exclure nos entreprises. C’est énorme. Ce sont des milliards de dollars qui vont être investis auxquels on ne pourra pas accéder. »

En novembre, les exportations canadiennes vers les États-Unis ont fait un bond de 6,4 % par rapport à la même période un an plus tôt. Mais ce record dopé par la reprise post-pandémique ne doit pas faire oublier ce qui se trame dans le bureau ovale.

Il y a urgence

Le plan Build Back Better de 1800 milliards $ US dans lequel est inclus le projet de crédit d’impôt pour l’électrification a été adopté au Congrès et doit maintenant obtenir le feu vert du Sénat.

Il s’ajoute à un plan d’infrastructure de 1000 milliards $ US qui a été adopté en novembre et prévoit une flopée de contrats publics réservés aux entreprises américaines.

Pour Mme Dufour, il est urgent qu’Ottawa étudie ces plans point par point, liste les éléments qui vont à l’encontre de l’ACEUM et les conteste.

« Tout ce que je vois, ce sont des ministres qui se rendent à Washington pour parler », déplore-t-elle, appelant à des mesures concrètes.


L’élection de Joe Biden a mis un terme à la guerre commerciale ouverte que nous menait son prédécesseur Donald Trump. Mais elle ne change rien au fait que les démocrates sont historiquement réfractaires au libre-échange, rappelle l’experte en droit international Geneviève Dufour. Dans ce contexte, juste avant les Fêtes, dans ses lettres de mandats, le premier ministre Trudeau a appelé son trio économique à être plus ferme face aux États-Unis. Voici quelques conflits commerciaux qui brûlent entre nos deux pays. 

Bois d’œuvre  

Convaincus depuis des décennies que le Canada écoule à trop bas prix son bois d’œuvre, les États-Unis ont pratiquement doublé en novembre dernier les droits compensatoires qu’ils exigent sur ces produits. Ils sont passés d’une moyenne de 8,99 % à 17,9 %. Pour les contester, le 22 décembre, Ottawa a formellement déposé des contestations en vertu du chapitre 10 de l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique. Ce conflit ressurgit régulièrement depuis 40 ans. « Les décisions rendues sur cette question ont invariablement conclu que le Canada était un partenaire commercial équitable, et le Canada est convaincu qu’il continuera d’en être ainsi », a déclaré la ministre Mary Ng. 

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Pipeline  

Le Michigan veut fermer la canalisation 5 d’Enbridge qui transporte du pétrole et du gaz de l’Ouest canadien vers le Québec et l’Ontario en traversant l’écosystème fragile des Grands Lacs. Pour Ottawa, c’est une infrastructure « essentielle à la sécurité et à la prospérité économique du Canada ». Mais pour le Michigan c’est une « bombe à retardement » qui menace de fuir. L’affaire est devant les tribunaux. Les avocats canadiens plaident que le Michigan va à l’encontre d’un traité bilatéral de 1977 entre les États-Unis et le Canada qui empêche de « nuire à l’exploitation des pipelines internationaux pour l’acheminement d’hydrocarbures en l’absence de justifications précises ». 

Lait  

Ottawa a perdu le 20 décembre son premier litige contre les États-Unis sous le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Un groupe spécial de règlement des conflits a conclu que le Canada a violé sa promesse de permettre davantage d’importations de produits laitiers américains en imposant des règles injustement complexes. Ottawa a jusqu’à février pour se conformer. « Cette victoire historique aidera à éliminer les barrières commerciales injustifiées sur les produits laitiers américains », a déclaré la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai. 

Électrification des transports  

En proposant d’offrir jusqu’à 12 500 $ aux acheteurs qui acquièrent des véhicules intégralement fabriqués aux États-Unis, Joe Biden fait trembler l’industrie automobile canadienne. D’après Flavio Volpe, le président de l’Association des fabricants de pièces automobiles du Canada, c’est « une plus grande menace que tout ce qu’a pu nous faire Donald Trump ». La mesure mettrait aussi du plomb dans l’aile de la filière batterie québécoise en plein décollage. En plus, les fabricants québécois de camions et d’autobus électriques risquent d’être exclus des contrats publics américains, craint le Bloc québécois.

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