À 56 ans, Marina Orsini n’a pas peur de vieillir
Pascale Wilhelmy
Marina Orsini a une vie très active. Elle se nourrit de rencontres, de projets, de rêves. Sa mère lui a dit un jour: «Mes désirs sont plus grands que mes peurs.» Cette phrase ne l’a jamais quittée et a contribué à faire d’elle cette femme qui ose, qui mord dans la vie et qui n’a pas peur de vieillir.
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Il n’est pas question d’un nouveau rôle ni d’un nouveau projet. Juste de la vie, des réalisations, des rêves. Il est aussi beaucoup question dans cet entretien de lumière, de joie et du privilège de vieillir. Le matin de l’entrevue, nous apprenions le décès de la photographe Laurence Labat, une femme aimée de la communauté artistique.
Partie trop tôt. Marina était touchée et reconnaît encore plus la chance de voir passer les années, «même s’il y a des trucs qui peuvent déranger, surtout sous les projecteurs». Qu’importe! L’actrice assure qu’elle n’a jamais été obsédée par son image, mais reconnaît que le temps qui passe lui apporte plus de lumière. Après un passage difficile qu’elle garde pour elle, et après avoir célébré son 56e anniversaire en janvier, elle affirme traverser une belle période de sa vie, tout en ajoutant que ce n’est pas venu sans effort.
Marina, comment vas-tu?
Je vais bien, mais pour être bien honnête, je dois aussi dire que je suis bouleversée. J’ai appris ce matin le décès de Laurence Labat, une fille que j’aimais beaucoup, avec qui j’ai eu la chance de travailler souvent. Elle était lumineuse. La vérité: ç’a été un coup de poing sur la gueule. Je me suis effondrée, en larmes. Ça m’a secouée. Ce n’était pas une amie intime, mais c’était une femme que je côtoyais quand même régulièrement, et ça m’a fait me dire: «Mon Dieu, il faut tellement apprécier la vie!» C’est d’ailleurs vers ça que je tends de plus en plus dans ma vie: apprécier chaque instant, aspirer à la lumière, à la joie.
C’est comme si, parfois, on avait besoin de ce genre de triste nouvelle pour réaliser que vieillir est un privilège...
Tout à fait. J’ai eu 56 ans en janvier et j’ai le goût de célébrer ma vie. Encore plus aujourd’hui, car ça ne me fait pas peur du tout de vieillir. Oui, il y a des affaires qui ne nous plaisent pas, surtout quand on est à la télévision, dans l’oeil du public. Il y a toutes ces obsessions qu’on peut développer face à notre image, mais, Dieu merci, ça n’a jamais été mon cas. Alors, non, je n’ai pas peur. C’est un immense privilège de vieillir. Surtout de vieillir dans le bonheur, la légèreté. Je te dis tout ce vers quoi je tends en ce moment. Tu sais, ce dont je suis fière, ces dernières années, c’est d’avoir appris à dire: «Non, je vais me choisir.» Plus que ça, j’ai appris à nommer les choses aussi.
Tu ne le faisais pas, avant?
Je suis une grande gueule. J’ai du tempérament. Mais, dans la vie, dans l’intimité, comme tout le monde au fond, je voulais plaire. On ne veut surtout pas déplaire aux personnes les plus proches de nous, et parfois, on finit par accepter des choses qui ne nous conviennent pas nécessairement. Je suis heureuse, maintenant, parce que dans la dernière décennie, c’est ce que j’ai davantage apprivoisé: nommer, dire les choses. Bien sûr, parfois, ça passe par la douleur, ça entraîne des conséquences, mais ultimement — j’ai réalisé aussi — je préfère passer à travers une douleur pour retrouver cette lumière dont j’ai envie. On s’entend, ce n’est pas toujours facile de nommer les choses, d’être honnête, de ne pas se mentir. Mais idéalement, en vieillissant, on doit s’alléger.
Il y a aussi un ménage naturel qui se fait...
S’il ne se fait pas tout seul, il faut le faire! Il n’est pas toujours naturel de faire du ménage dans notre vie! Il faut poser des gestes, parfois les répercussions de ceux-ci sont douloureuses pour soi ou pour les autres. En même temps, la richesse qui en découle n’a pas de prix. Peu importe d’où on vient, peu importe à travers quoi on est passé, il faut chercher la joie. Pour moi, c’est plus grand que le bonheur. La joie, c’est un état intérieur. C’est ce que je veux nourrir dans ma vie, la joie! Mais j’ai dû passer par des périodes moins faciles.
L’image qu’on a de toi, c’est celle d’une fille forte, d’une fille qui semble toujours heureuse...
Pas toujours heureuse! Je suis toutefois une femme qui veut toucher le bonheur. On ne peut pas être toujours heureux. On a tous à traverser des passages plus difficiles. La question à se poser alors, c’est: «Qu’est-ce que je fais de ça?» Je suis une fille qui a du caractère, mais je suis d’abord une personne en quête de joie.
Et tu y arrives?
Je considère que j’y arrive assez bien, parce que je suis entourée de gens formidables. Justement, ceux qui nous entourent sont précieux. C’est important de bien les choisir. Et il faut être dans la reconnaissance aussi. Moi, je suis dans la gratitude. Tous les soirs, je me couche et 90 % du temps, je dis: «Merci, ç’a été une belle journée, on a fait de belles choses aujourd’hui, j’étais avec de belles personnes qui m’ont nourrie.» Je le fais à voix haute, même! (rires) Il faut cultiver ça. Et puis chez nous, les rideaux sont ouverts, la lumière du jour entre à l’intérieur. J’ai aussi besoin de ça dans ma vie. Je ne suis pas quelqu’un de sombre.
Tu parles de lumière... Il y a celle des projecteurs, il y a les caméras, que tu connais depuis longtemps. Pourrais-tu t’en passer? Tu te vois te retirer sans en avoir besoin?
Je pense que oui. C’est sûr que c’est facile à dire, je suis dans la lumière. Et j’ai beaucoup été présente, j’ai été gâtée dans ma vie. Tous les jours quasiment, je reçois des tapes dans le dos, des sourires, des compliments, des marques d’affection. Et j’apprécie. Mais, sincèrement, je ne pense pas que j’aie besoin d’être à l’avant-plan pour être heureuse. J’aime aussi développer des projets. Peut-être que le jour où je le vivrai, surtout si je ne l’ai pas choisi, ce sera différent. Mais je pense que je peux vibrer autant en coulisses que sur scène, sous les projecteurs.
Revenons à ton livre, Gourmande! J’ai été étonnée. C’est un livre de recettes... très touchant! Tu savais que tu te dirigeais vers ça?
Je suis contente qu’on en parle. Même s’il est sorti en octobre dernier, je continue à faire la tournée des salons du livre. Ça me fait chaud au cœur de rencontrer les gens. On dirait que ce livre m’était prédestiné. Je ne pense pas que j’aurais fait ça avant, plus jeune. C’est comme si je l’avais préparé pendant les 20 dernières années de ma vie, et qu’il s’était écrit tout seul. Je suis partie avec une idée, en parlant de mon enfance, de mes origines. Chose que je fais rarement. Puis j’ai eu envie de raconter ma vie, mes origines. Je parle beaucoup de ma famille, des femmes de ma famille, du terreau dans lequel j’ai grandi. En même temps, il y a tout le volet de l’Italie. La famille de mon père, dont je suis aussi très proche. Je ne voulais pas écrire un livre où il y a des milliers de pages à lire et, après ça, une enfilade de recettes. Reste que ce sont des recettes, mais elles sont liées à ma vie, à mon histoire. C’était inévitable que ça devienne autobiographique.
Tu y dépeins d’ailleurs un clan tissé très serré. Ça semble très important pour toi au quotidien, cette idée d’avoir un clan, d’être entourée...
C’est vraiment ça, ma vie. C’est avec un clan. Quand tu entres dans ma vie, tu fais partie de notre clan. Nous autres, on se voit souvent, souvent! (rires) On improvise tout le temps. On est là les uns pour les autres. J’ai grandi dans une famille comme ça, et on dirait que c’est de plus en plus fort en vieillissant, parce que je réalise à quel point c’est précieux, la richesse de ce clan.
C’est vrai que c’est précieux...
Tellement! Et plus je vieillis, plus je me rends compte de cette richesse dans ma vie. Ça n’efface pas les blessures d’enfance sur lesquelles j’ai travaillé et que j’ai appris à diluer. J’ai appris à les comprendre et à les classer. J’y reviens: il faut faire du ménage dans nos vies. Moi, je suis une fille qui a cheminé toute sa vie! J’ai un bagage par rapport à mon enfance, mais mon livre me l’a confirmé davantage, et c’en est un bel exemple: j’ai envie de regarder et de garder le beau de ma vie. Parce qu’il y a eu plein de beau dans ma vie. Il y a eu du blessant, du douloureux dans mon enfance. Je garde ça pour moi. Mais il y a tellement de beau qui m’est arrivé par la suite! Surtout, j’ai eu des parents super aimants. Ils m’ont aidée à déployer mes ailes, et c’est ce que j’ai envie de célébrer.
Ton livre a pour titre Gourmande!, et j’ai l’impression que, même sans recettes, ta biographie aurait pu porter le même titre. Tu sembles mordre dans la vie.
Assurément! Je suis une gourmande, je suis une épicurienne de la vie. J’attribue ça en grande partie à ma mère et à mes tantes, ces femmes précieuses qui sont et qui ont été des grandes gourmandes de tout. Je me trouve tellement chanceuse d’avoir eu ces racines-là, d’avoir eu ces exemples-là à travers les épreuves! Ma mère et ses soeurs n’ont pas eu des vies faciles, loin de là! Et elles m’ont donné cette soif de vivre, cette envie de toujours tendre vers la lumière même si on est dans un espace sombre.
Marina, on parle de la vie. Te reste-t-il encore des projets à réaliser?
Certainement! J’ai plein de rêves de voyages. Il m’en reste tant à faire! Je suis aussi en train de développer de beaux projets. Il faut nourrir l’inspiration! Je vais au théâtre, je vais au cinéma. Je carbure à ça! J’en ai besoin! En même temps, c’est important de rester actif dans notre tête, dans notre coeur et, bien sûr, dans notre corps — mais si le corps n’est pas aussi éveillé qu’on le voudrait, qu’il nous fait souffrir, alors notre esprit, notre coeur, il faut que ça vive!
Au-delà des voyages, des différents projets, de ce qui t’allume, te reste-t-il un grand rêve à réaliser, le genre de chose dont tu te dis avec conviction: «Un jour, je vais le faire»?
La musique! C’est un projet qui est en chantier depuis quelques années — en chantier dans ma tête, clairement —, mais je suis actuellement dans un processus où je veux absolument toucher à la musique. En fait, c’est déjà amorcé.
On sait que tu chantes, tu as une belle voix. Tu écris aussi?
Oui, j’écris des textes. J’ai aussi des personnes autour de moi pour mettre en musique mes paroles. J’écris vraiment beaucoup depuis cinq ans. C’est un exercice auquel j’essaie de m’adonner tous les jours. Le premier projet, ç’a été un duo avec René Simard, Déjà dix ans, que j’avais écrit en hommage à ma mère. Nelson Minville est venu mettre sa plume exceptionnelle là-dedans. Il a travaillé mes textes, et ça donne une superbe chanson dédiée à ma mère. Ç’a été un premier pas.
Cette chanson dont tu parles se retrouve dans ton livre. Il s’y trouve aussi une phrase qui m’a interpellée: «Mes désirs sont plus grands que mes peurs.»
C’est ma mère qui m’a dit ça un jour. Ma mère m’a toujours impressionnée. Sa propre mère est morte alors qu’elle n’avait que 10 ans. Ma mère était la plus vieille des quatre filles. Elle n’était pas vraiment scolarisée. De plus, il y avait très peu d’amour dans la maison. Son père ne savait pas comment s’y prendre avec ses filles. Ma mère a surmonté tant de choses. Elle a gravi des montagnes incroyables! Et elle disait souvent: «Mes désirs sont plus grands que mes peurs.» C’est quelque chose que je porte en moi. Lorsqu’on me propose un projet qui suscite en moi un grand vertige, c’est bon signe. Et ma réponse vient toujours de cette phrase. Je me questionne vraiment, à savoir si ma peur est plus grande que mon désir. Ou l’inverse. Et si mon désir est plus grand que ma peur, go, je le fais! Ç’a été et c’est encore un moteur exceptionnel, cette petite phrase de ma mère. Je ne l’ai jamais oubliée. Je te dirais même que ça a façonné mon existence.
Il y a de ces phrases clés...
Oui, et celle-ci est tellement vraie! La peur peut nous miner. On peut être déçu si on lui laisse trop de place. Et ma mère et mes tantes m’ont inspirée. Elles sont allées au-delà de leur peur. Ce sont des femmes qui n’avaient pas un très grand coffre à outils pour faire face à la vie, et elles ont fait de belles choses. C’est admirable. Elles n’ont pas été paralysées par la peur. Elles ont choisi leurs rêves. Elles ont été et sont toujours ma plus grande source d’inspiration.
As-tu l’impression d’être à ton tour une source d’inspiration?
Sans prétention, j’espère l’être! Ce n’est pas un devoir pour moi. Mais j’ai aussi besoin de m’inspirer, de penser à voix haute. Pour moi, les réseaux sociaux servent aussi à ça. C’est de la compassion humaine. C’est dire: «Je t’entends. Je te vois. Je suis au courant de telle affaire.» Si ma vie peut inspirer celle des autres, eh bien, tant mieux! Ça me fait chaud au cœur. Ce n’est pas une mission. Si ça peut insuffler quelque chose de bon — et je le vois avec les réactions —, moi, ça me fait du bien. Ça me fait plaisir de sentir qu’on se connecte les uns aux autres. C’est la beauté des réseaux sociaux. Il y a plein d’autres trucs épouvantables sur les réseaux sociaux, mais de mon côté j’aspire à autre chose. On a tous un rôle à jouer les uns envers les autres, alors tant mieux si ça inspire.
Et ça inspire! En terminant, Marina, est-ce que je peux dire que tu traverses une belle période de ta vie?
Oui. Je traverse une belle période de ma vie à la suite d’une période plus douloureuse. Mais maintenant, je peux dire que je suis heureuse. Ça vient avec l’âge aussi. Plus je vieillis, plus je me rends compte — alors que je le savais, mais c’est encore plus palpable — de ma chance d’avoir ceux qui m’entourent. Ma famille, mes amis au travail... Les gens sont pleins de bienveillance à mon égard. Je pense que c’est ça, la beauté de vieillir. C’est être encore plus en communion avec ce que j’ai — ce que j’ai développé, ce que j’ai nourri, ce que j’ai fait grandir. Il y a des périodes de notre vie où on ne se rend pas compte. Ça roule, on a une job, deux jobs, on a un enfant, une vie de couple, une maison. Ça roule vite. Et, lorsque la vie nous fait ralentir — par exemple, mon fils a 20 ans —, le rythme change et fait ressortir en plus grand relief ce qu’on a bâti dans notre vie. La fierté qu’on peut avoir. Alors oui. Je suis dans une belle période de ma vie.
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Le livre Gourmande! est en vente partout. Dès mars, les dimanches midi, on pourra entendre Marina sur les ondes d’ICI Musique.