Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal

Santé buccale et cancer du côlon

Photo fournie par ADOBE STOCK, KIATTISAK
Partager
Photo portrait de Richard Béliveau

Richard Béliveau

27 octobre à 20h
Partager

Une publication scientifique récente montre qu’un type de bactérie fréquemment associée aux maladies des gencives (parodontites) est capable de migrer au niveau du côlon et de participer au développement du cancer colorectal. 

Les deux principales maladies qui touchent les dents, soit les caries et la parodontite, sont toutes deux causées par un déséquilibre dans la composition de la communauté microbienne présente dans la plaque dentaire qui favorise la croissance de certaines espèces pathogènes.

Dans le cas de la parodontite, la croissance anormale d’espèces comme Porphyromonas gingivalis et Fusobacterium nucleatum provoque une forte réaction inflammatoire qui, avec le temps, détruit les tissus responsables de l’ancrage des dents (le parodonte). Cette infection bactérienne et l’inflammation qui en résulte touchent près de la moitié de la population et représentent une des principales causes de la perte de dents.

Invasion bactérienne 

Les dommages causés par les bactéries responsables de la parodontite ne semblent cependant pas se limiter à la santé des dents. Plusieurs études épidémiologiques ont en effet observé une association entre l’incidence des parodontites et le risque de développer plusieurs maladies graves, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers (le cancer colorectal, en particulier) et même la maladie d’Alzheimer. Comment ces bactéries orales peuvent atteindre des organes qui n’ont pas de liens anatomiques avec la bouche (pancréas, cœur ou cerveau) demeure encore mystérieux, mais il est possible que les lésions aux tissus parodontaux causées par l’infection puissent leur procurer une porte d’entrée vers la circulation et, finalement, la possibilité de coloniser ces organes distants. Cette invasion bactérienne est en théorie moins compliquée pour les organes du système digestif comme le côlon, situés en aval de la bouche, mais cette présence bactérienne demeure difficile à expliquer étant donné la forte acidité et l’activité de digestion de l’estomac, qui représente une barrière difficile à franchir.

Publicité

De la bouche au côlon 

La présence de la bactérie F. nucleatum au niveau du côlon est une bonne illustration des dommages qui peuvent découler de cette invasion par les bactéries buccales. Cette bactérie est absente du système digestif des individus en bonne santé, mais ses niveaux peuvent être augmentés de façon spectaculaire au niveau des tumeurs colorectales et cette présence est associée à une diminution de la survie des patients (1).

Selon une étude récente, cette colonisation du tissu tumoral par F. nucleatum serait due à l’acquisition de plusieurs caractéristiques moléculaires qui permettent à la bactérie de survivre à l’acidité et à l’activité de digestion lors du transit intestinal (2). En analysant l’ADN des bactéries présentes dans le côlon de personnes en bonne santé et dans celui de patients ayant le diagnostic d’un cancer colorectal, les chercheurs ont remarqué plusieurs différences dans le matériel génétique de F. nucleatum présentes dans les tumeurs. Ils ont découvert que le sous-type infiltrant la tumeur avait acquis 195 traits génétiques distincts lui permettant de voyager de la bouche à l'estomac, notamment en résistant à l'acidité gastrique, puis de se développer dans le tractus gastro-intestinal inférieur.

Des analyses moléculaires plus poussées de deux cohortes de patients, comprenant plus de 200 tumeurs colorectales, ont révélé que les taux de ce sous-type de F. nucleatum étaient systématiquement plus élevés en cas de cancer colorectal, suggérant que l’acquisition de ses nouvelles caractéristiques par la bactérie contribuait à son effet accélérateur sur la progression tumorale.

Il sera très intéressant de déterminer si l’acquisition de ces propriétés procancéreuses par la bactérie est liée, au moins en partie, à la présence d’une maladie parodontale. En attendant, il n’y a pas de doute que la prévention de la parodontite par des soins d’hygiène buccale de base représente le meilleur moyen de limiter la croissance de cette bactérie et du même coup d’interférer avec sa possible évolution en pathogène très virulent.

(1) Mima K et coll. Fusobacterium nucleatum in colorectal carcinoma tissue and patient prognosis. Gut 2016; 65: 1973-1980.

(2) Zepeda-Rivera M et coll. A distinct Fusobacterium nucleatum clade dominates the colorectal cancer niche. Nature 2024; 628: 424-432.

Publicité
Publicité

Sur le même sujet

Image du contenu audio en cours
En directQUB en rafale