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Environnement

Vos REER financent la crise climatique

AFP
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Photo portrait de Élizabeth Ménard

Élizabeth Ménard

2022-02-16T10:00:00Z
2022-02-17T02:06:57Z
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Si vous détenez des produits d’investissement, une partie de votre argent est sans doute investie dans des pétrolières et autres compagnies qui exploitent les énergies fossiles, largement responsables de la crise climatique. Voici pourquoi et quoi faire si ça ne vous plait pas.  

Avez-vous déjà pris le temps de regarder où est investi votre argent? En cette période des REER lors de laquelle plusieurs se ruent pour investir avant l’échéance du 1er mars, c’est un bon moment pour le faire.  

• À lire aussi: REER: voyez quels fonds commun de placement exempts d'énergies fossiles sont offerts à votre institution financière

Si vous regardez le détail des fonds dans lesquels votre argent est investi, vous y trouverez sans doute des titres comme Suncor Énergy et Cenovus Energy, deux pétrolières canadiennes, parmi d’autres entreprises qui exploitent les énergies fossiles. 

Oui, même si vous n’avez jamais été mis au courant de cela par votre conseiller financier. 

«Il y a 10 ans c'était impossible de suivre les rendements du marché et d'investir de manière responsable», mentionne le représentant en épargne collective Jonathan B. Therrien de Gestion financière Assante. 

Résultat: une majorité de Québécois qui ont des produits d’investissement détiennent des titres dans des entreprises qui exploitent les énergies fossiles, responsables d’une grande part de nos émissions de gaz à effet de serre et, conséquemment, de la crise climatique à laquelle nous faisons face. 

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Pourtant, les grands acteurs internationaux s'entendent pour dire qu'il faut cesser d'investir dans les pétrolières pour respecter les accord environnementaux.

En 2015, lors de l’Accord de Paris, 195 nations, dont le Canada, se sont engagées à réduire de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et à les cesser complètement d’ici 2050 dans le but de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C et d'éviter les pires impacts des changements climatiques. 

L’an dernier, l’Agence internationale de l’énergie, longtemps considérée comme proche des pétrolières, a recommandé de cesser d’investir dans les énergies fossiles. 

Un financement important  

Dans les quatre années qui ont suivi l’Accord de Paris, les cinq plus grandes banques canadiennes – TD, RBC, Banque Scotia, BMO et CIBC – ont accordé plus de 600 milliards de dollars à des entreprises qui exploitent les énergies fossiles dans le monde, selon une étude de Rainforest Action Network. 

Si elles peuvent le faire, c’est grâce à nous, leurs clients. 

À titre comparatif, durant la même période, le gouvernement canadien a investi 60 milliards de dollars dans la lutte aux changements climatiques, souligne le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.  

«Ça donne une idée de l’ampleur que peut avoir le financement de ces institutions», souligne-t-il.  

Un mouvement étudiant  

Au début des années 2010, un mouvement demandant aux institutions de désinvestir dans les énergies fossiles est né dans les universités américaines, puis a été repris par des organisations environnementales et a rapidement fait boule de neige partout dans le monde, surtout depuis l’Accord de Paris. 

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• À lire aussi: Désinvestissement des énergies fossiles: des étudiants dénoncent la censure à l'Université de Montréal

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«C’est un mouvement qui s’est répandu à la vitesse grand V. Au niveau mondial, près de 1500 entreprises, financiers, établissement d’enseignement, caisses de retraites, fondations, gouvernements et individus se sont engagés à désinvestir. Ça représente un actif combiné de 39 trillions de dollars désinvestis», explique le porte-parole de Greenpeace, l’une des organisations environnementales qui pousse pour le désinvestissement.   

L’effet escompté, c’est d’abord de priver les entreprises qui exploitent les énergies fossiles de capitaux pour développer de nouveaux projets et rediriger cet argent vers des solutions aux changements climatiques. Ensuite, l’idée est aussi de mettre ces entreprises et leurs financiers sur la sellette de l’opinion publique, explique l’experte en finances durables Rosalie Vendette. 

«Là où il y a le plus d'impact c'est au niveau de l'opinion publique, c'est un signal lancé qui est plus politique parce que ça fait jaser, ça fait en sorte qu'il y a un débat et dans ce sens-là je pense que ça donne des résultats parce que ça sensibilise», estime la spécialiste. 

Au Québec, l’Université Laval, l’UQAM et Concordia ont toutes trois embarqué dans le mouvement. L’an dernier, la Caisse de dépôt et de placement du Québec a annoncé qu’elle allait cesser ses investissements pétroliers d’ici la fin de l’année 2022. Puis, en décembre, la Banque Laurentienne a fait de même en plus de désinvestir le gaz et le charbon, devenant la première au Canada à franchir ce pas.  

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Le pouvoir des petits investisseurs  

En tant qu’investisseurs, Monsieur et Madame Tout-le-monde ont aussi un pouvoir. 

«Au Canada, il y a près de 17 000 régimes de retraite. La quantité de capitaux qu'ils regroupent, c'est immense», souligne Rosalie Vendette.  

«Monsieur et Madame Tout-le-monde, c'est eux qui sont à la base des régimes de retraite, des fondations et des capitaux qu'on peut investir dans d'autres véhicules, donc ils ont beaucoup plus de pouvoir qu'ils le pensent», dit-elle.    

Elle encourage les investisseurs à poser des questions au responsable de leur régime de retraite et à leur conseiller ou institution financière. 

Aujourd’hui, les principales institutions financières canadiennes ont toutes des produits exempts d’énergie fossiles à offrir, souligne la conseillère en sécurité financière chez IA Groupe financier Laurianne Dionne. 

Utilisez notre outil pour voir quels sont les fonds exempts d'énergies fossiles offerts à votre institution financière.

« Souvent, c'est juste un papier à remplir pour changer de fonds, ce n'est pas compliqué», dit-elle. 

Le problème de dépendance  

La spécialiste d’investissement responsable Rosalie Vendette émet toutefois un gros bémol. 

«C'est un raccourci de penser que vous privez les compagnies de capitaux. Ce n'est pas le cas. Quand vous dites: je veux placer mon argent ailleurs, l'action que vous vendez, il y a un autre investisseur qui l'achète, donc ça ne prive pas la compagnie de capitaux, dans les faits», souligne-t-elle. 

À son avis, le problème n’est pas seulement l’extraction des énergies fossiles, mais bien plus notre dépendance à celles-ci.  

«On place le problème sur la production tandis que, moi, je pense que le problème il faut le placer sur l'utilisation», dit-elle. 

Elle encourage plutôt les investisseurs à prioriser des fonds et des entreprises qui ont une stratégie de décarbonisation qui touche à l’ensemble des secteurs. 

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