Tolérer et encadrer les campements de personnes itinérantes peut faire partie de la solution : voici pourquoi
Guillaume Cyr
Le démantèlement du campement Notre-Dame a eu un an aujourd’hui. Depuis, de très petits campements se sont parfois formés, mais rapidement démantelés pour éviter qu’ils deviennent plus imposants. Au lieu de jouer au chat et à la souris, des experts prônent plutôt une tolérance et un soutien minimum envers ceux-ci. Voici pourquoi.
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Caroline Leblanc est étudiante au doctorat en santé communautaire et évalue les raisons qui contribuent au non-recours aux refuges. Elle et Michel Monette, directeur général de CARE Montréal, posent le même constat : on doit arrêter de démanteler les campements.
«L'intolérance que nous avons envers les campements expose les personnes qui habitent dans la rue à devoir composer avec le syndrome du pas dans ma cour, qui leur rappelle constamment qu’elles ne sont pas les bienvenues nulle part», explique-t-elle.
Un an après le démantèlement de Notre-Dame, Michel Monette estime pour sa part qu’une bonne dizaine d’ex-campeurs se rendent encore au refuge de l’Auberge Royal Versailles, administré par le CARE et non loin de l'ancien campement.
Il s'oppose lui aussi à l'idée des démantèlements... même s'il gère un refuge! «Les refuges, c'est pas toujours cool, ça sent pas toujours bon. [...] Je serais le premier à vouloir m'en aller en campement.»
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Voici quelques notions à comprendre pour mieux saisir la possibilité - et la nécessité - du maintien des campements, toujours selon les experts.
1. L'encadrement doit y être minimal
Mme Leblanc prône la tolérance envers les campements avec un soutien minimum à l'inverse d’un encadrement strict, car les personnes qui y habitent souhaitent garder en général une certaine autonomie, et ne veulent pas être infantilisés.
Pour permettre ces campements, elle propose ainsi de s'attarder à trois secteurs :
- Sécurité incendie : Imposer une distance raisonnable entre les tentes et s'assurer de la présence d'extincteurs pour prévenir les incendies.
- Sanitaire : Offrir des installations sanitaires, comme des toilettes et de l’eau potable.
- Gestion de déchets : Une collecte des déchets sur les campements.
Pour sa part, Michel Monette ajoute que des travailleurs sociaux pourraient aussi passer sur les campements pour s’assurer du bon fonctionnement. Des gens qui vont s'occuper de la sécurité quant à la vente de drogue sur le terrain peuvent aussi être mobilisés.
2. Certains personnes vivent de nuit
Il n’est parfois pas possible pour certaines personnes en situation d'itinérance d’avoir recours aux refuges, en raison d’un mode de vie de nuit.
Plusieurs personnes ramassent de l’argent en récoltant des canettes la nuit avant le passage des camions de recyclage, ou sont travailleurs et travailleuses du sexe.
S'il n'y a pas de camp pour aller se reposer, d'autres options de jours pourraient être prévues. «Dans ce cas, les refuges devraient offrir un répit de jour afin qu'elles puissent avoir accès à un endroit pour dormir», explique Mme Leblanc.
3. Un campement, c'est plus qu’un toit
Les refuges demeurent une option nécessaire à ne pas mettre de côté. Mais malheureusement, ce n’est pas une solution pour toutes les personnes en situation d’itinérance.
Plusieurs recherchent avant tout une communauté, des gens avec qui se retrouver, et non seulement dormir une nuit à un endroit et partir ensuite dans un autre refuge, juge Mme Leblanc.
D’ailleurs, Michel Monette pense revoir les campements dès la fin février ou le mois de mars prochain, et croit toujours que le démantèlement de Notre-Dame était une erreur.
«On aurait pu le déplacer. Je comprends au niveau politique de ne pas vouloir un campement [sur la rue] Notre-Dame. C’est moins esthétique, ça ne passe pas le bon message. Mais je ne peux pas comprendre [le campement] Steinberg, personne ne voyait ce qui avait là», juge-t-il.
4. Les gens n'ont pas à trimballer leur matériel
Les deux experts estiment que plusieurs personnes n’ont pas envie de trimbaler leurs effets personnels à tout bout de champ, surtout s’ils en ont plusieurs sacs.
Certains préfèrent ainsi rester au même endroit, ce qui peut faciliter la tâche lorsqu’ils doivent rendre visite à un travailleurs social, par exemple.
5. Il manque de logements sociaux
L’offre en habitation à loyer modique (HLM), de logements sociaux ou de logements abordables est très faible actuellement dans la métropole, explique Mme Leblanc, ce qui complique la tâche aux personnes qui veulent sortir de la rue.
Certains, qui n'arrivent pas à trouver de logement, se retrouvent alors à la rue malgré le fait qu'ils aimeraient vivre en logement. Le campement leur permettait un endroit fixe où rester, plutôt que d'avoir à se cacher.