5 questions à Julien Hurteau, réalisateur de la série «Dernière seconde» qui nous entraîne dans le quotidien d'une technicienne en explosifs pour la police alors qu'un artificier sévit.

Emmanuelle Plante
Julien Hurteau aime l’action, le cinéma et explorer de nouvelles façons de faire son métier. Polyvalent, on le voit à l’écran (Le chalet, Les Simone, 5e rang), mais c’est à la réalisation qu’il repousse des limites.

Rapidement, il s’est intéressé aux nouvelles technologies qu’il a intégrées dans certaines de ses séries. Après s’être démarqué avec ses webséries (Agent Secret, Sharp, Téodore pas de H), on lui confie la réalisation d’Alertes puis de la seconde saison de Nuit Blanche. Avec Dernière seconde, il nous plonge dans un univers inusité qui relève quasiment de la science-fiction. Catherine Chabot y incarne une sergente et technicienne en explosifs qui en a plein les bras quand un artificier particulièrement ferré s’en prend à des gens du milieu des affaires. Une belle occasion pour le réalisateur de mettre ses connaissances à profit pour nous en mettre plein la vue dans une série haletante.
Le premier plan de la série mystifie le spectateur et nous accroche tout de suite. Comment l’as-tu pensé?
J’ai beaucoup travaillé ce plan, sa symbolique. Ça place une atmosphère mystérieuse de science-fiction en créant l’illusion d’un plan de drone sur une autre planète. Ma référence principale est Aliens. On va avoir une révélation plus tard dans la série par rapport au lieu. C’est un plan qui veut créer de l’émotion, immerger le spectateur dans une dynamique imprévisible. L’idée était de surprendre et de montrer la puissance, la vitesse et les conséquences que peuvent avoir les fragments métalliques d’une bombe. Même en étant loin de la bombe, tu peux en mourir. Le regard du spectateur est au milieu de l’écran. Ça surprend quand tout explose. Il y a le grand déploiement et il y a aussi l’infiniment petit.
As-tu pu t’immiscer dans ce milieu pour bien le reproduire?
J’ai eu la chance de rencontrer des gens généreux prêts à partager leur expérience. J’ai assisté à des tests d’explosion de bombes dans un milieu sécurisé. J’ai pu voir comment ça marche dans leur garage. François Pagé [l’auteur] a de l’expérience aussi. Il m’envoyait des références avec les textes. Il y avait aussi des professionnels de cet univers sur le plateau. Nous avions le souci que personne ne puisse reproduire une bombe, on n’est donc pas à 100% dans la véracité. Des fois, on change la couleur des fils. Sur d'autres plans, ça nous permettait d’être très précis. Pour le maquillage notamment, reproduire une brûlure, la texture de la peau.

Tu t’intéresses beaucoup aux nouvelles technologies et à la réalité virtuelle. En quoi t’ont-elles servi pour ce projet?
Toute la préparation a été faite avec la réalité virtuelle. Le directeur artistique a cartographié le décor en 3D et de chez moi, avec mon casque de RV, je marchais dans le décor. Le directeur photo pouvait aussi voir ce que je voyais. Ça nous permettait de faire le découpage ensemble. L’épisode 5 a été conçu comme un long métrage. Je ne peux pas dire le nombre d’heures que j’ai passées au ras le sol avec mon casque, à la hauteur de la caméra. Ce genre de projet demande énormément de préparation et de moyens.
Il y a une scène à la Mission impossible dans l'épisode 2 où Véronique (Catherine Chabot) doit désamorcer une bombe à travers toutes sortes de fils de détection de mouvement. Comment on prépare une telle scène?
On ne pouvait pas tourner dans un lieu existant, sinon je n’aurais pas eu le recul pour mettre la caméra. Le décor a été entièrement construit. Il nous restait trois heures de tournage et Catherine était encore au plafond (d’où son personnage doit descendre). Il y avait des fils partout. On ne pouvait pas revenir en arrière, ça aurait pris trop de temps à tout replacer chaque fois. Tout était hyper préparé. On a eu la chance de travailler avec un cascadeur. On s’est inspiré de Catherine Zeta-Jones dans Entrapment.

Le sujet et plusieurs scènes requièrent un niveau de tension. Quand tu dis «coupez», est-ce que l’atmosphère change sur le plateau? Sens-tu les gens se détendre?
Sincèrement, je n’ai jamais autant ri sur un plateau. Catherine, Nathalie [Doummar] et moi, on se connaît bien. On a étudié ensemble au conservatoire. Il y a des scènes difficiles à en revenir. Les spectateurs vont être surpris. On se la joue Game of Thrones, sans pitié pour les personnages. Parfois, c’était tellement intense, Catherine prenait un petit moment pour elle. Les premiers épisodes sont plus humains. Dans les derniers, on est dans un gros film d’action. C’est Aliens rencontre Big Little Lies sans le côté froid. J’ai toujours rêvé de faire un Batman québécois. Je l’ai trouvé à travers un personnage féminin fort, loin des clichés, et j’en suis très fier.
Dernière seconde
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