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L'article provient de Le Journal de Montréal

Une nouvelle approche pour traiter le cancer du sein métastatique

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Photo portrait de Richard Béliveau

Richard Béliveau

23 février à 17h
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Les métastases sont responsables de la grande majorité des décès associés au cancer du sein. Une étude récente rapporte qu’un médicament utilisé depuis longtemps en cardiologie pourrait bloquer à la source le processus métastatique et améliorer la survie des patientes.

Au cours des dernières décennies, la découverte de nouveaux traitements contre le cancer du sein a permis de réduire substantiellement le taux de mortalité de cette maladie, si bien qu’à l’heure actuelle, plus de 95% des femmes atteintes des formes précoces de cancer du sein (stades 1 et 2) survivent plus de cinq ans après le diagnostic.

Malgré ces avancées, il reste que près de 685 000 femmes meurent chaque année du cancer du sein dans le monde en grande partie en raison du développement de métastases incurables dans les organes vitaux (principalement poumon, cerveau, foie et os).

Ce problème associé aux métastases est d’autant plus préoccupant qu’on a noté qu’entre 2004 et 2021, l’incidence de cancers du sein métastatiques a augmenté de 1,2% chaque année, incluant chez les jeunes femmes âgées de 20-39 ans (1).

Le développement de nouveaux traitements ciblant spécifiquement les processus qui gouvernent la formation de ces métastases doit donc être considéré comme prioritaire, si on espère réduire encore plus le taux de mortalité de cette maladie.

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Exode

Pour former des métastases, les cellules cancéreuses doivent être relâchées de la tumeur primaire et migrer dans la circulation sanguine vers un ou des organes distants.

Des études ont montré que ces cellules tumorales circulantes (CTC) ont une plus grande probabilité de réussir à former des métastases lorsqu’elles migrent sous forme d’agrégats contenant plusieurs cellules cancéreuses. Une stratégie intéressante pour freiner ou à tout le moins ralentir la formation de métastases serait donc de dissoudre ces agrégats de cellules.

Un examen de 2486 médicaments approuvés par la Food and Drug Administration américaine suggère que cette approche est prometteuse: on a en effet fait la surprenante découverte que la digoxine, un médicament dérivé d’une plante, la digitale pourpre, et qui est utilisé depuis plus de 100 ans pour régulariser les battements cardiaques, dissout efficacement les amas de CTC en cellules individuelles et entraîne une suppression des métastases dans les modèles de cancer du sein (2).

Cette molécule est un puissant inhibiteur d’une enzyme (Na+/K+ ATPase) impliquée dans le maintien du potentiel électrique membranaire, c’est-à-dire la différence de voltage entre l’intérieur et l’extérieur des cellules. Lorsque cette enzyme est inhibée, ce potentiel est altéré et provoque une entrée massive de calcium, qui semble déstabiliser la cohésion des cellules cancéreuses entre elles et entraîne la dissolution des agrégats.

Preuve de concept

Pour évaluer si cette approche est applicable aux humains, une équipe de chercheurs a administré quotidiennement pendant sept jours de la digoxine à neuf patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique incurable (3).

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En comparant les agrégats de cellules cancéreuses circulantes chez les patientes traitées avec le médicament à ceux des patientes qui ont reçu un placebo, ils ont noté une baisse significative du nombre de cellules cancéreuses présentes dans les amas cellulaires, en particulier chez les femmes qui présentaient les concentrations sanguines les plus élevées de digoxine.

Cette étude préliminaire visait essentiellement à établir si le concept de dissolution des agrégats de cellules cancéreuses circulantes pouvait être applicable aux patientes atteintes d’un cancer métastatique sans provoquer d’effets secondaires majeurs.

Il semble que cela soit effectivement le cas, ce qui ouvre la voie à des études subséquentes auprès de patientes atteintes de cancers moins avancés, qui permettront de déterminer si cette approche peut améliorer leurs probabilités de survie.

Au cours des dernières années, le travail acharné des chercheurs a permis d’identifier certaines protéines essentielles à la croissance des cellules cancéreuses du sein, ce qui a mené au développement de nouveaux médicaments ciblant spécifiquement ces protéines.

L’Herceptin, par exemple, a été développé pour neutraliser un récepteur qui participe à la progression de certaines formes de cancers du sein, et ce médicament a sauvé d’innombrables vies depuis son homologation.

Mais dans d’autres cas, comme dans l’étude décrite ici, ce sont plutôt de «vieux» médicaments, utilisés pour traiter des pathologies qui n’ont rien en commun avec le cancer, qui peuvent s’avérer utiles pour bloquer certains phénomènes impliqués dans la progression de la maladie.

Il s’agit d’un bon exemple de l’iconoclastie et de l’ouverture d’esprit qu’il faut conserver dans notre combat contre cette maladie.


(1) Hendrick RE et Monticciolo DL. Surveillance, epidemiology, and end results data show increasing rates of distant-stage breast cancer at presentation in U.S. women. Radiology 2024; 313: e241397.

(2) Gkountela S et coll. Circulating tumor cell clustering shapes DNA methylation to enable metastasis seeding. Cell 2019; 176: 98-112.e14.

(3) Kurzeder C et coll. Digoxin for reduction of circulating tumor cell cluster size in metastatic breast cancer: a proof-of-concept trial. Nat Med, publié le 24 janvier 2025.

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