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Environnement

Une forêt ancestrale protégée par les Premières nations

Photo Max Forster / Save the Redwoods League
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2022-01-30T12:00:00Z
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  • Une forêt ancestrale de séquoias géants dans le comté de Mendocino, au nord de la Californie, a été rendue aux peuples autochtones. 

  • Le Conseil InterTribal Sinkyone Wilderness rallie les dix communautés qui détiennent maintenant les clés de la forêt.

  • L’organisme Save the Redwoods League a acheté l'endroit pour 4,5 millions $ aux bûcherons qui possédaient les terres.

Privées depuis plus de 175 ans d’une forêt séculaire, des nations autochtones de Californie ont pu récemment en reprendre possession. Une excellente nouvelle pour la biodiversité, sachant que les territoires naturels gérés par les premiers peuples se portent beaucoup mieux.

Dans le comté de Mendocino, au nord de la Californie, une forêt de gigantesques séquoias anciens s’étend sur plus de deux kilomètres carrés (523 acres). Ce territoire, connu sous le nom d’Andersonia West, porte aujourd’hui celui de Tc'ih-Léh-Dûñ, qui signifie Fish Run Place en langue autochtone Sinkyone.

Pourquoi cette nouvelle appellation ?

Puisque c'est désormais le Conseil InterTribal Sinkyone Wilderness qui détient les clés de cette forêt séculaire. L’association, reconnue par le gouvernement fédéral et qui rallie dix communautés autochtones des nations Pomo, Yuki et Wintuan, vient d’en faire l’acquisition. Ou plus exactement, vient d’en reprendre possession.

Tc'ih-Léh-Dûñ est bordé par le parc Sinkyone Wilderness State de 29 km2  (7250 acres) au nord, à l'ouest et au sud. 

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Hawk Rosales (à gauche), ancien directeur principal, et Jaime Boggs (à droite), membre du conseil d'administration de l'InterTribal Sinkyone Wilderness Council, se tiennent le long du ruisseau de Tc'ih-Léh-Dûñ.
Hawk Rosales (à gauche), ancien directeur principal, et Jaime Boggs (à droite), membre du conseil d'administration de l'InterTribal Sinkyone Wilderness Council, se tiennent le long du ruisseau de Tc'ih-Léh-Dûñ. Paul Robert Wolf Wilson / Save the Redwoods League



En juillet 2020, l’organisme Save the Redwoods League, qui milite pour la protection et la restauration des séquoias, a en effet acquis la forêt pour 4,5 millions $, après 14 ans de négociation.

La somme a été versée par la Pacific Gas & Electric Company comme mesure d'atténuation des dommages environnementaux causés par l’entreprise.

L’OBNL était en pourparlers depuis 2006 avec la famille de bûcherons qui possédait les terres depuis des générations.

• À lire aussi: Des citoyens veulent protéger une des dernières forêts en bordure du lac Saint-Jean

Les gardiens de la forêt

«Il est rare que ces terres reviennent aux [premières] nations», a rappelé au New York Times l’ancien directeur général du InterTribal Sinkyone Wilderness Council, Hawk Rosale.

Les peuples autochtones sont pourtant les mieux placés pour en assurer la pérennité. L’endroit était autrefois le terrain de chasse, de pêche et de cérémonies de ces communautés.

«Ils sont les meilleurs gardiens des forêts. C’est vérifié, contrevérifié et encore contrevérifié», confirme de son côté Véronique Bussières, biologiste-géographe à la Société pour la nature et les parcs (SNAP).

«Les informations que [les communautés] détiennent ont été observées et analysées depuis des centaines d’années», poursuit-elle. «Leur savoir [qui se transmet de génération en génération] est une source d’informations incroyable, parce qu’il est ancré dans leur mode de vie, leurs pratiques et leurs langues, aussi.»

Un vaste rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU) publiée au printemps dernier révélait par ailleurs que la déforestation est beaucoup plus contrôlée sur les territoires autochtones. 

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• À lire aussi: Détruire une forêt pour construire une autoroute

En Colombie, en Bolivie et au Brésil, par exemple, son rythme est 2 à 3 fois inférieur à celui des autres régions protégées par des organisations. En freinant la déforestation et la perte de biodiversité, les peuples autochtones sont ainsi capables de limiter les émissions de CO2.

Au total, ce sont entre 43 et 60 millions de tonnes d'émissions de CO2 qui sont évitées chaque année dans ces trois pays. Ce qui équivaut à retirer de la circulation entre 9 et 13 millions de voitures pendant un an.

Dans la forêt Tc'ih-Léh-Dûñ, près de 60% des arbres ont été abattus par l'exploitation forestière, peut-on lire dans un article du New York Times. Il est donc permis de croire que les séquoias sont entre de bonnes mains.  

Le cas de la rivière Magpie au Québec

Pour Véronique Bussières, il est clair que le savoir des peuples autochtones devrait être davantage mis à contribution dans la gestion des ressources naturelles au Québec, et dans le monde.

«Ça prend une vision à deux yeux, autre que le point de vue occidental», cite-t-elle.

Depuis plus d’une dizaine d’années donc, la SNAP travaillait à la protection de la rivière Magpie sur la Côte-Nord — un endroit important pour les Innus d’Ekuanitshit — pour éviter qu’elle ne fasse l’objet de convoitise de la part d’Hydro-Québec. 

Paysage de la rivière Magpie a obtenu en février dernier le statut de personnalité juridique, une première au Canada.
Paysage de la rivière Magpie a obtenu en février dernier le statut de personnalité juridique, une première au Canada. Société pour la nature et les parcs (SNAP)


Le 16 février dernier, la rivière a obtenu le statut de personnalité juridique, une première au Canada. Et ce sont la municipalité régionale de comté de Minganie et le Conseil des Innus d’Ekuanitshit qui en sont désormais les gardiens.

La Magpie jouit de neuf droits juridiques, dont ceux «de couler» et «d’intenter une action en justice».

«Si Hydro-Québec veut faire du développement, elle s’expose à des poursuites», illustre Mme Bussières.

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