Itinérance, hausse du coût de la vie : une «crise humanitaire» en vue cet hiver à Montréal
Alex Proteau
Crise du logement, inflation, itinérance, pandémie... avec de telles thématiques qui tournent en boucle dans l’actualité, on comprend que l’hiver s’annonce difficile pour les plus démunis. D’ailleurs, les organismes communautaires et la Ville se préparent à avoir bien des demandes – voici un portrait de la situation.
«Crise humanitaire» en itinérance
Près de 1450 places en hébergement d’urgence sont présentement disponibles à Montréal. C’est moins que ce qui était prévu dans le plan de la Ville, dans lequel un total de 1550 places avait été annoncé, soit 100 de moins que l’an passé. Cette diminution est principalement due au fait que l’hôtel de la Place Dupuis, qui avait été transformé en refuge d’urgence l’an dernier, a retrouvé sa vocation initiale. L’énorme tente située à la place Émilie-Gamelin, qui accueillait l'hiver dernier des personnes en situation d’itinérance, sera aussi absente.
Ce n’est pas assez, selon des organismes communautaires, qui croient que faute d’espace, un total de 300 personnes en situation d’itinérance pourraient se retrouver à dormir à l’extérieur cet hiver. «Trois cent personnes qui dorment dehors, c’est ce que j’appelle une crise humanitaire», déplore Michel Monette, directeur général de l'organisme CARE Montréal, l’un des organismes qui sonnent l’alarme.
Selon lui, il y aurait présentement «plus de demandeurs que de places», alors qu’il faudrait que ce soit l’inverse - même s’il est conscient que certaines personnes en situation d’itinérance évitent les refuges et dorment ailleurs.
CARE Montréal et ses partenaires - qui composent ensemble 90% des services en itinérance à Montréal - travaillent présentement avec la Ville afin d’améliorer la situation.
Malgré tout, M. Monette se dit «ultra inquiet» de l’état actuel de la situation.
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Navettes et haltes-chaleur
La Ville de Montréal et le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal mettront quand même en place plusieurs mesures durant l’hiver :
- Six navettes vont circuler dans les différents quartiers de la métropole pour accompagner les personnes vers les ressources;
- Une dizaine de haltes-chaleur, dont certaines avec des lits, seront ouvertes les soirs aux quatre coins de la Ville, incluant des quartiers périphériques comme Montréal-Nord ou encore Lachine-Pierrefonds;
- Un hôtel réservé aux femmes sera mis en place au centre-ville;
- Si les refuges et halte-chaleurs sont pleins, des unités de débordement seront mises en place à l’Hôtel-Dieu, à l'auberge Royal Versailles, au YMCA MHM et au complexe Guy-Favreau;
- Pour les personnes autochtones en situation d’itinérance, un nouveau service sera disponible en tout temps, mais le lieu où il sera dispensé n’est toujours pas trouvé, indique la Ville. Un service de nuit est offert aux personnes autochtones en situation d’itinérance au Complexe Guy-Favreau.
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Hausse des demandes d'aide alimentaire
Les personnes en situation d’itinérance ne sont certainement pas les seules qui ont besoin d’aide à l’approche de l’hiver.
Les gens qui vivent seuls, les parents monoparentaux, les personnes racisées avec un statut précaire, les étudiants et les gens qui travaillent au salaire minimum constituent une bonne partie des personnes qui demandent de l’aide à Centraide du Grand Montréal, et c’est encore plus vrai depuis le début de la pandémie.
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«On est bien au-delà de l’itinérance», explique Marie-Lyne Brunet, directrice — Impact dans les collectivités, qui explique l’augmentation du nombre de demandes d’aide notamment par la crise du logement et l’inflation.
«Personne n’est à l’abri d’un divorce difficile, d’une maladie, d’une perte d’emploi ou de violence conjugale», mentionne celle qui invite les personnes en situation précaire à demander de l’aide.
Même constat du côté de Martin Munger, directeur général de Banques alimentaires du Québec, qui remarque que les demandes d’aide ont beaucoup augmenté dans les deux dernières années.
«Au début [de la pandémie] c’était de 30 à 50% de la clientèle qui était en hausse et en ce moment, on parle d’environ 21% si on compare à 2019», souligne-t-il.
« De plus, depuis récemment, je dirais depuis septembre, octobre et novembre, il y a l’inflation. Une étude sortie jeudi dernier de grandes universités disait que les taux d’inflation variaient entre 5 et 7% pour les denrées. C’est près de 1000$ de plus que ça va coûter pour nourrir une famille, souligne M. Munger. Quand tes revenus sont inférieurs à 20 000$, par exemple, ça fait près de 5% des revenus qui vont juste à l’inflation [alimentaire].»
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Et si on veut savoir qui aider, comment peut-on la repérer, cette pauvreté? Il faut «apprendre à connaître nos voisins et rester à [leur] écoute», affirme Mme Brunet. S’ils ne savent pas où aller chercher de l’aide, on peut les diriger vers la ligne 211 Grand Montréal où il leur sera possible de trouver le service qui correspond à leurs besoins ou vers un organisme de notre quartier.
Aussi, il faut rendre accessibles les différents services et les faire connaître afin qu’ils soient utilisés par un plus grand de nombre de personnes, notamment les aînés, enchaîne-t-elle.
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Faire partie de la solution
Vous aimeriez faire partie de la solution et venir en aide aux personnes qui vivent dans la précarité? Il y a plusieurs façons de le faire.
- Vous pouvez donner directement aux personnes en situation d’itinérance ou à des banques alimentaires et organismes qui récoltent des vêtements;
- Les dons en argent sont évidemment les bienvenus auprès des organismes communautaires. En ce moment, Marie-Lyne Brunet considère que le milieu communautaire a «un énorme besoin en termes de fonds» - vos dons les aideraient à embaucher de la main-d’œuvre, dit-elle, car «le financement très précaire de ce milieu leur nuisent pour conserver leurs employés»;
- Vous pouvez aussi donner de votre temps aux organismes : ils manquent de bras. Vous pouvez consulter la liste des organismes ayant besoin de bénévoles au jebenevole.ca;
- Ça peut aussi être efficace de solliciter vos élus au niveau local et national pour les inciter à investir plus massivement dans les ressources. «Si la population fait de la lutte contre la pauvreté sa priorité, cela peut influencer éventuellement les décisions politiques», affirme Marie-Lyne Brunet.
- Avec Léa Papineau Robichaud
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