Une canicule exceptionnelle: «c'est très préoccupant»
Anne-Sophie Poiré
Les prochains jours ont le potentiel de marquer l’histoire: la vague de chaleur que connaît le Québec pourrait battre le record établi il y a 60 ans et ainsi devenir la canicule la plus hâtive jamais enregistrée, une réalité qui alarme les citoyennes interrogées par le 24 heures.
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Dans les rues de Montréal où le mercure devrait atteindre et même dépasser la marque des 30 degrés °C jusqu’à samedi, un mélange de réjouissance et d’inquiétude flotte.
«On est contente parce qu’il beau, enfin, mais je trouve ça très préoccupant», lance Zélie Liebert en dînant au parc Laurier, sur Le Plateau-Mont-Royal. «On dirait qu’il n’y a plus de printemps. On passe directement du froid au chaud. Il fait 30 degrés aujourd’hui, mais il neigeait il y a trois semaines.»
«Notre corps n’a pas le temps de s’habituer. Nous, on est privilégiée d’avoir accès à un parc, mais dans les îlots de chaleur, c’est grave», ajoute sa mère, Julie Liebert. «Et c’est un peu inquiétant pour l’été. Est-ce qu’il fera encore plus chaud que l’an passé? On n’a pas de clim pour des raisons environnementales, mais la chaleur de l’été dernier était invivable.»
Le scénario météo est le même pour plusieurs secteurs. Des températures caniculaires sont attendues dans le sud, l’ouest et le centre de la province pour trois jours consécutifs, exactement ce qu’il faut pour répondre aux critères d’une canicule.
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Rares sont les vagues de chaleur au mois de mai, rappelle MétéoMédia. Depuis 1942, année où les données météorologiques ont commencé à être récoltées, quatre canicules ont frappé Montréal.
Il faut remonter au 27 mai 2020 pour observer le plus récent phénomène. La métropole avait alors touché les 36,6 °C, la température la plus chaude enregistrée en mai pour la région.
Si la canicule prévue se confirme, il s'agirait de la plus hâtive pour plusieurs endroits au Québec. Pour l’heure, le record appartient à celle qu’a connue les Montréalais du 17 au 19 mai 1962.
La nouvelle norme
«C’est clair que cette vague de chaleur a un caractère exceptionnel», souligne Dominique Paquin, spécialiste en simulations et analyses climatiques chez Ouranos, un consortium spécialisé dans l’étude des changements climatiques.
«Mais ce qui est exceptionnel maintenant, ça va devenir la norme dans quelques décennies», prévient-elle.
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Sans pouvoir affirmer avec certitude que cette canicule est attribuable aux changements climatiques, la tendance est claire. «Toutes les vagues de chaleur sont en train de devenir de plus en plus fréquentes, mais vraiment beaucoup plus fréquentes. Et elles arriveront plus tôt dans la saison», précise Mme Paquin.
Ainsi, les extrêmes chauds qui se produisaient une fois tous les 50 ans en 1900 sont aujourd’hui cinq fois plus fréquents, selon les données d’Ouranos. Et d’ici la fin du siècle, ils se présenteront de 20 à 30 fois plus souvent.
«Cette vague de chaleur, c’est un petit signal qui ne semble pas grave parce qu’on est bien content qu’il fasse beau après le froid et la pluie des dernières semaines. Mais ça reste un signal clair que le climat est complètement déréglé», conclut une jeune femme qui prenait un bain de soleil au parc Laurier.