«Si la Russie gagne cette guerre, la crédibilité de l’Europe sera réduite à zéro», affirme le président français
TVA Nouvelles et Agence France Presse
Le président Emmanuel Macron s’est expliqué en direct sur les chaînes françaises jeudi pour préciser sa position face au conflit en Ukraine et le régime de Vladimir Poutine au Kremlin.
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Le président français affirme que «si la Russie gagne cette guerre, la crédibilité de l’Europe sera réduite à zéro».
Ces propos sur la sécurité de l’Europe sont nombreux et il avance que cette guerre en Ukraine est «existentielle» pour la France, mais aussi pour les autres pays européens.
M. Macron mentionne toutefois que la France «ne mènera pas l’offensive» en Ukraine. «Jamais nous ne prendrons l’initiative», ajoute-t-il.
«Seulement pour avoir la paix en Ukraine, il ne faut pas être faible», martèle le président Macron.
Il maintient que la nation française doit être «prête à répondre» dans le cas d’une «escalade» de Moscou.
«Je souhaite que la Russie cesse cette guerre et qu’elle se retire des terres occupées», soutient-il, mais «la paix ce n’est pas la capitulation de l’Ukraine».
Renforcement du discours français
L'entretien en direct aux deux principaux journaux télévisés du soir en France marque de facto l'entrée en campagne du chef de l'État, dont les propos fin février sur le possible envoi de militaires occidentaux en Ukraine avaient provoqué un torrent de réactions politiques.
La majorité présidentielle a prévu d'axer sa campagne sur le soutien à l'Ukraine, accusant le Rassemblement national (RN, extrême droite) qui la devance d'environ 10 points dans les enquêtes d'opinion pour les Européennes, d'entretenir des positions prorusses.
Un clivage déjà au cœur de la présidentielle de 2022 - qu'Emmanuel Macron a remportée face à la candidate de la RN Marine Le Pen -, avant de s'estomper.
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«Le président va rendre compte de la situation de manière pédagogique (...) pour dire, les yeux dans les yeux, quel est l'état de la situation et comment organiser les choses dans les semaines à venir», résume un proche.
Car ses déclarations autour de l'envoi possible de troupes en Ukraine, qui ont semé le trouble dans une bonne partie de l'Europe et ont unanimement été qualifiées d'«irresponsables» par les oppositions, ont également semblé effrayer la population française.
«Ambiguïté stratégique»
Si M. Macron a bien souligné qu'aucun consensus n'existait «à ce stade» parmi les alliés et qu'il assumait avant tout une «ambiguïté stratégique» vis-à-vis de Moscou, 68% des Français considèrent qu'il a eu tort d'afficher cette position, selon un sondage réalisé fin février pour Le Figaro.
Le président français a tenté de «renverser la logique», a toutefois expliqué le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, dans une interview publiée jeudi par le quotidien Ouest-France.
«Au lieu de toujours dire à Poutine ce que nous n'allons pas faire, ce qui lui laisse la liberté de tourner la confrontation à son avantage, nous devons lui dire, vraiment, que nous pourrions faire quelque chose auquel il ne s'attend pas. C'est une façon de contrôler les termes de l'escalade», a-t-il poursuivi.
«Aujourd'hui, on doit agir pour empêcher que des événements néfastes adviennent. Pour cela, il faut anticiper», a de son côté affirmé jeudi le chef d'état-major des armées français, Thierry Burkhard, lors d'un forum stratégique. «Le risque de l'inaction est encore plus grave», a-t-il encore assuré.
Lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'était aussi voulu rassurant : «Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine», avait-il lancé lors d'une interview à des médias français.
Le lendemain, l'Assemblée nationale avait apporté un large soutien à l'accord bilatéral de sécurité entre Paris et Kiev, confirmé par le Sénat mercredi. Malgré l'abstention de la RN et l'opposition de la gauche radicale, qui dénoncent les discours «va-t-en guerre» d'Emmanuel Macron.
Deux ans après le début de l'offensive russe, le 24 février 2022, un succès de Vladimir Poutine serait un «cataclysme» pour le «pouvoir d'achat», avait insisté devant les parlementaires le premier ministre Gabriel Attal.
«Les Français vivraient moins bien» avec «une inflation alimentaire en puissance dix, une explosion des prix de l'énergie puissance dix», avait-il argué, alors qu'une certaine lassitude des opinions se fait sentir sur le sujet.
«Rassurer et dramatiser»
Début mars, 39% des Français (-11 points par rapport à juin 2023) considéraient que la France devait continuer de soutenir financièrement l'Ukraine, comme elle le fait actuellement, selon un sondage Elabe pour La Tribune.
Même tendance concernant le soutien militaire, 79% s'opposant en outre à l'envoi de troupes combattantes au sol et même 47% à celui de formateurs.
«Emmanuel Macron va devoir d'abord rassurer les Français quant à l'inquiétude sur les risques de propagation du conflit», pointe Bernard Sananès, président de l'institut Elabe.
«Ce sera toute la difficulté de l'exercice présidentiel jeudi soir, rassurer tout en continuant à dramatiser l'enjeu», affirme-t-il, alors que le président russe Vladimir Poutine alimente les peurs en agitant régulièrement la menace d'un conflit nucléaire.
Début mars, le chef de l'État français s'alarmait de «puissances devenues inarrêtables» et appelait à être à «la hauteur de l'Histoire et du courage qu'elle implique».
Un discours générant aussi des remous parmi les autres alliés de l'Ukraine, qui critiquent, eux, à l'instar de Berlin, l'aide jugée insuffisante de Paris à Kiev.